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Écart abyssal entre les cours des produits laitiers

Pénurie de beurre et flambée des prix côté pile. Pléthore de poudre maigre et chute des cours côté face. Les transformateurs laitiers européens sont confrontés à une situation inédite et kafkaïenne. La reprise saisonnière des fabrications de beurre/poudre maigre cet automne pourrait certes détendre la valeur de la matière grasse, mais aussi précipiter le marché de la protéine laitière.

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Le cours de la poudre maigre demeure fébrile. Après avoir cédé 100 €/t en septembre, à la veille de la fermeture de l’intervention, la cotation ATLA a rebondi de 100 € en une semaine, à 1 650 €/t début octobre. La demande internationale est plutôt dynamique et les fabrications européennes sont modérées, malgré le rétablissement progressif de la collecte. Durant l’été, les transformateurs européens ont privilégié les fabrications de fromages/lactosérum, plus valorisantes que celles de beurre/poudre maigre.

Les échanges internationaux ont nettement repris de +15 % sur 7 mois par rapport au niveau plutôt ralenti de 2016 et +5 % par rapport au niveau record de 2015. L’UE a fourni l’essentiel des volumes supplémentaires (+140 000 t ou +40 % /2016, année marquée par les ventes massives à l’intervention), devant les États-Unis (+46 000 t). Les importateurs majeurs (Mexique, Chine, Algérie) ont relancé leurs achats sans impact positif sur l’orientation des cours.

Les stocks de poudre maigre sont conséquents aux États-Unis et sont considérables en Europe (357 000 t de stocks publics plus 18 000 t de stocks privés aidés). Les stocks européens représentent l’équivalent d’un trimestre de fabrications et d’un semestre d’exportations. Entre avril et septembre, 10 000 t ont été mises à l’intervention, tandis que seules 140 t ont été vendues et remises sur le marché, la Commission européenne refusant les offres d’achat à moins de 1 850 €/ t.

L’intervention publique désormais fermée jusqu’au 1er avril 2018, on ne peut pas exclure une chute des cours de la protéine laitière lors de reprise saisonnière de la collecte européenne qui s’annonce plutôt prononcée cet automne. Les fabricants européens devront alors transformer davantage de lait en beurre/poudre maigre.

Pénurie sur le marché du beurre

La situation est diamétralement opposée sur le marché européen du beurre en manque de disponibilités. La cotation ATLA (française) sur le marché spot a encore grimpé en septembre, puis a brutalement cédé 300 € en une semaine en semaine, à 6 550 €/t début octobre. Cette tension se répercute sur le prix du beurre vrac vendu sous contrat (5 350 €/t en moyenne début octobre), qui se détache progressivement du prix du beurre exporté par la Nouvelle-Zélande.

Après avoir été exceptionnellement ralenties au 1er semestre, les fabrications européennes de beurre n’ont pas été relancées avec la reprise de la collecte européenne, inférieures de 1 % / 2016 sur la période de mai à juillet. Au fil des mois, les fabricants ont puisé dans leurs stocks pour honorer leurs clients sur les marchés domestiques et extérieurs.

Les exportations européennes de beurre ont plutôt bien résisté : après avoir marqué le pas au printemps, elles ont été rétablies en juin et juillet. L’UE-28 a réduit de 18 % /2016 ses expéditions sur pays tiers, à 117 000 t sur 7 mois. Tous les autres grands fournisseurs ont aussi moins exporté, à l’exception des États-Unis (+4 % à 17 000 t), qui jouissent de disponibilités plus abondantes et compétitives. Malgré les moindres disponibilités internationales, les pays importateurs les plus riches (Russie, Chine, Mexique, Australie, Canada) ont accru leurs achats aux dépens de pays clients secondaires et moins solvables.

Marché des fromages ferme et dynamique

La situation est plus équilibrée sur le marché des fromages. Le cours des fromages commodités (gouda en Allemagne) s’est stabilisé en septembre à un très bon niveau. Après avoir progressé de 19 % sur un an, à 3 560 €/t en septembre, le cours du gouda n’est plus que 5 % sous l’excellent niveau de janvier 2014 (3 775 €/t). Le cours de l’emmental, peu exporté sur le marché mondial, s’est aussi stabilisé à 4 360 €/t en septembre (+22 % /2016 et -3 % /point culminant début 2014).

Le marché des fromages européens est animé par une demande domestique toujours bien orientée, en hausse de 0,7 % d’une année sur l’autre d’après l’agence ZMB, et une demande internationale vigoureuse. Les fabrications européennes ont ainsi progressé régulièrement (+2 % /2016 sur les 7 premiers mois) et plutôt indépendamment de l’évolution de la collecte européenne.

Les exportations européennes de fromages sur pays tiers ont progressé de 7 % /2016 sur la même période. Elles ont notamment bondi vers le Japon (+31 %) et la Corée du Sud (+28 %). De leur côté, les États-Unis ont fortement accru leurs expéditions (+22 % à 200 000 t sur 7 mois), forts de fabrications croissantes et compétitives grâce à la légère dépréciation du dollar par rapport à l’euro. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont tout au plus maintenu leurs exportations. En somme, les échanges internationaux de fromages ont progressé de 7 % /2016 sur 7 mois. L’Asie demeure le principal pôle de croissance de la demande internationale, Corée du Sud en tête(+25 % à 44 000 t), devant la Chine (+18 % à 36 000 t). L’UE-28 a surtout accru ses ventes au Japon (+40 %), à la Corée du Sud (+23 %) et aux Émirats Arabes Unis (+17 %).

Au plus bas début 2017, les stocks européens de fromages ont connu une hausse saisonnière régulière et normale au printemps grâce à la hausse saisonnière de la collecte européenne. Aux États-Unis, ils apparaissent sensiblement plus étoffés qu’en 2016 à pareille époque d’après l’USDA.

Marché du lactosérum plus encombré

En revanche, le dynamisme fromager pèse sur le marché du lactosérum. La cotation de la poudre de lactosérum destinée à l’alimentation animale a décroché de 30 % en 3 mois, à 655 €/t en septembre (cotation ATLA). La demande européenne et internationale progresse visiblement moins vite que les fabrications européennes et états-uniennes.

Les échanges internationaux progressent modérément (+2 % /2016 sur 7 mois), et insuffisamment pour absorber toutes les fabrications supplémentaires. Les États-Unis ont fourni l’essentiel des expéditions supplémentaires (+29 000 t soit +11 %) grâce à la dépréciation du dollar, loin devant L’UE-28 (+2 % ou + 5 000 t à 334 000 t), qui reste cependant le 1er exportateur mondial.

Les fabrications européennes de beurre/poudre maigre connaîtront cet automne une hausse saisonnière qui pourrait détendre le cours du beurre, mais pourrait précipiter celui de la poudre maigre en dessous de 1 500 €/t. La Commission européenne ne réactivera pas l’intervention publique avant la date officielle de réouverture (1er avril 2018), d’autant que le prix du lait à la production devrait se maintenir tant que le cours du beurre et des fromages restera ferme…

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