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Le projet Copropig: une pomme par jour peut-elle garder nos porcs en forme tous les jours?

Lancé en 2015 par le Centre wallon de recherches agronomiques, le projet Copropig cherche à mieux valoriser les coproduits en alimentation porcine avec, dans un premier temps, un intérêt particulier pour le marc de pomme. Pourquoi le choix de cette matière première ? Qu’en attend-on exactement ? Quels sont les premiers résultats obtenus ? Voici quelques éléments de réponse…

Temps de lecture : 5 min

Le projet Copropig vise à maîtriser des phases critiques en élevage porcin par l’utilisation d’un coproduit alimentaire obtenu localement : le marc de pomme. Cette matière première est supposée améliorer la santé digestive du porcelet en post-sevrage et les performances de la truie reproductrice. C’est un projet de recherche de 3 ans qui bénéficie d’un financement « loi Moerman » par le Centre wallon de recherches agronomiques.

Trois éléments et des collaborations multiples

Copropig comporte trois volets. Le premier consiste à tester en laboratoire le marc de pomme pour déterminer les taux d’incorporation de ce coproduit dans l’aliment pour porcelets. Mais, il conviet au préalable de développer un modèle in vitro « dynamique » permettant de simuler et étudier le processus digestif du porcelet au moment du sevrage.

Sur la base des résultats obtenus in vitro, le deuxième volet du projet peut commencer, qui vise à tester in vivo le marc de pomme sur des porcelets nouvellement sevrés.

Enfin, la troisième partie, indépendant des précédentes, s’intéresse à la truie en gestation et en lactation.

Au-delà des intérêts scientifiques et pratiques,le projet fait la part belle aux nombreuses collaborations qui émergent entre diverses institutions de recherche wallonnes, à savoir l’université de Liège – la faculté de Médecine vétérinaire ainsi que Gembloux AgroBioTech – l’université catholique de Louvain et le Centre wallon de recherches agronomiques. Par ailleurs, le modèle in vitro développé par Copropig pourra être mobilisé par d’autres projets de recherche à l’avenir.

Pourquoi le marc de pomme ?

Une enquête menée avec le Collège des Producteurs auprès des acteurs de terrain a mis en évidence que le marc, issu du pressage des pommes en Wallonie, trouve peu de voies de valorisation. Il est souvent destiné à être biométhanisé ou épandu sur les champs et son traitement représente généralement un coût pour le producteur. Et pourtant, cette matière première riche en fibres regorge de molécules intéressantes pour la santé (composés aux propriétés antioxydantes et/ou anti-inflammatoires par exemple).

Une meilleure connaissance de ce coproduit pour en faire une meilleure valorisation pourrait dès lors transformer la charge qu’il représente actuellement en opportunité.

Outre l’utilité perceptible du marc de pomme en alimentation animale, un intérêt existe aussi pour une valorisation alimentaire chez l’homme. Une jeune équipe, appelée « Les pulpivores », l’a bien compris en développant des applications alimentaires du marc de pomme pour l’homme.

La « santé digestive » : un concept devenu réalité

Que cache réellement ce concept et quelles sont les raisons qui motivent tant les chercheurs à s’y intéresser ? Un documentaire récent réalisé par Arte (http://future.arte.tv/fr/ventre-deuxieme-cerveau) met en lumière toute la complexité de « cet organe mal aimé » que sont les intestins, source de tabou dans les discussions de la vie quotidienne.

Ce reportage révèle que les intestins sont plutôt bien pourvus en neurones et que, par conséquent, ils conditionnent grandement notre état général. Il est même impressionnant de se dire que l’humeur dans laquelle le lecteur va lire cet article peut être conditionnée par ce qu’il a mangé la veille! C’est la raison pour laquelle le système digestif est présenté par certains spécialistes comme étant notre deuxième cerveau.

Outre ce rôle méconnu des intestins, ces derniers présentent aussi un intérêt grandissant pour leur microbiote: ces milliards de bactéries, colonisant les intestins, fermentent une partie des aliments que nos propres sécrétions digestives ne sont pas à même de digérer. L’interaction qui se crée entre les bactéries et le tractus digestif stimule le système immunitaire, apporte des éléments nutritifs ou fonctionnels dont le corps a besoin (de l’énergie pour les cellules, des vitamines…) et permet de dégrader des molécules toxiques présentes dans l’intestin. De plus, le développement d’une flore bénéfique renforce la barrière intestinale. Cette interaction complexe est à l’origine du concept de « santé digestive ».

En cherchant à étudier l’influence du marc de pomme sur le microbiote intestinal du porc, la santé digestive de l’animal est au cœur du projet Copropig pour expliquer les bénéfices attendus de ce coproduit sur les performances des animaux.

Du laboratoire... à la ferme

La stratégie de recherche suivie consiste à développer un modèle in vitro en laboratoire préalablement à un essai in vivo sur des porcelets, réalisé dans des conditions proches des pratiques usuelles. Cette approche in vitro utilise le Shime (modèle digestif artificiel) qui est adapté afin de reproduire les conditions propices au développement du microbiote inféodé aux intestins du porcelet.

Plusieurs mois de collaboration avec la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Liège (Farah) et Gembloux AgroBioTech auront été nécessaires pour mettre au point le modèle Shime pour le porcelet, permettant ensuite de réaliser le test in vitro du marc de pomme durant l’été 2017.

Les enseignements de cette partie in vitro permettront une meilleure compréhension de l’action du marc de pomme sur le microbiote intestinal en vue de préparer au mieux l’essai in vivo sur porcelets nouvellement sevrés. Programmé courant 2018, il sera l’occasion pour le Cra-w et Gembloux AgroBioTech (Cepa) de poursuivre leur collaboration. En effet, il est prévu que des porcelets du Cra-w rejoindront, au moment du sevrage, les installations du Cepa pour une durée de 5 semaines.

Sandrine Dufourny et Pierre Rondia

, Cra-w, Département productions et filière

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