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Les moyens de lutte biologique seront-ils nos produits phytos de demain?

Vous êtes nombreux à vouloir remplacer la protection classique des cultures par des méthodes plus respectueuses de l’environnement. Qu’en est-il de l’offre des produits phytos « bio » en Belgique ? La recherche avance-t-elle ? Voici quelques éléments de réponse et un exemple bien concret appliqué à la protection du maïs.

Temps de lecture : 6 min

Dans le contexte sociétal actuel, les pesticides d’origine chimique utilisés en agriculture sont de plus en plus controversés. En 2009, l’Europe a mis en place la directive 2009/128/EC instaurant un cadre communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Cette directive a été traduite en plans fédéral et wallon de réduction des pesticides (Pfrp et Pwrp).

Besoin d’alternatives efficaces et sans risque

En outre, un arrêté du Gouvernement wallon du 10 novembre 2016 préconise et impose certaines mesures pour une lutte intégrée contre les ennemis des cultures, visant à combiner des méthodes préventives et curatives de lutte (variétés résistantes, techniques de travail du sol, rotations, lutte biologique, etc.) tout en utilisant les pesticides chimiques en dernier recours. Parmi les alternatives aux produits de synthèse, il convient d’explorer les méthodes de lutte biologique par l’emploi de biopesticides contre les ravageurs et maladies. Ces biopesticides sont des produits à base d’organismes vivants ou de substances actives d’origine naturelle.

L’agriculture biologique gagne du terrain dans notre pays : à peine 1.000 ha étaient cultivés en agriculture bio en 1987, contre plus de 78.000 aujourd’hui. Entre 2010 et 2016, cette surface a augmenté de 60 % à l’échelle nationale et concerne, surtout en Wallonie, le secteur horticole. Actuellement, les produits de contrôle biologique sont encore peu nombreux sur le marché, ce qui limite leur utilisation. Mais des recherches sont en cours afin de mettre au point de nouveaux biopesticides.

Une diversité de produits en lutte biologique…

Aujourd’hui, quelque 120 biopesticides sont autorisés en Belgique pour l’agriculture biologique ou pour la protection intégrée des cultures. Ces produits peuvent être composés soit de molécules d’origine naturelle – comme des huiles extraites de plantes ou des composés minéraux –, soit de microorganismes vivants, comme des bactéries ou des champignons bénéfiques (les macroorganismes comme les insectes n’étant pas considérés ici).

Les produits de lutte biologique peuvent, à l’instar des produits phytos, être formulés en poudre mouillable, granulés, spray ou suspension concentrée selon leur finalité d’utilisation.

Les produits de biocontrôle composés d’éléments naturels peuvent avoir un rôle insecticide (comme l’huile essentielle d’orange, les pyréthrines, ou le spinosad), acaricide et insecticide (comme l’azadirachtine, l’huile de colza, l’huile paraffinique, ou les sels potassiques d’acides gras), fongicide (comme les composés cuivrés, le soufre, ou l’hydrogénocarbonate de potassium), molluscicide (le phosphate de fer), antigerminatif (l’huile de menthe), régulateur de croissance (l’éthylène), éliciteur (la laminarine), de phéromone (comme le codlémone, le 1-dodécanol, ou le 1-tétradécanol) ou encore répulsif contre les cervidés (graisses de mouton ou sable quartzeux).

Les microorganismes, quant à eux, sont uniquement utilisés comme fongicide (à base de champignons du genre Coniothyrium , Gliocladium , Trichoderma , Aureobasidium , Ampelomyces ou de bactéries du genre Bacillus , Pseudomonas ou Streptomyces ) ou comme insecticide (à base de champignons du genre Isaria , Metarhizium , Beauveria ou de bactéries du genre Bacillus ).

… mais ce n’est pas encore suffisant !

Au total, plus de 1.400 produits sont homologués en Belgique – tous produits confondus – desquels seulement 120 peuvent être utilisés en agriculture biologique. Ceci montre la faible représentativité de ces derniers sur le marché des produits phytos. Mais la disponibilité de ces biopesticides diffère avec celle de nos pays voisins. En France, par exemple, il en existe plus du double par rapport à chez nous.

Il est donc temps de multiplier les études pour répondre à la demande croissante pour ces produits et ainsi réduire progressivement l’utilisation des produits synthétiques. Des alternatives fiables ont urgemment besoin d’être mises en place. Mais l’utilisation d’organismes vivants, par exemple, requiert des conditions de production, de stockage, d’application et d’efficacité différentes et – dans bien des cas – plus contraignantes que celles d’un produit chimique.

Ces produits de contrôle biologique doivent répondre aux mêmes exigences que les autres produits phytos en termes notamment, de toxicité sur les organismes non ciblés et d’impact environnemental. En effet, il faut éviter l’amalgame très courant entre « biologique » et « meilleur pour l’environnement ».

En viticulture bio par exemple, l’utilisation massive de cuivre commence à poser question quant à la contamination des sols. L’emploi de formulations basées sur des agents de contrôle biologiques vivants nécessite de comprendre les conditions favorisant l’expression de leur action pour assurer leur efficacité.

Des résultats intéressants

Des recherches en matière de lutte biologique ont lieu dans le monde entier et bien sûr aussi dans notre pays. Le Service public de Wallonie a notamment financé un projet de 6 ans, nommé « Probiom » (pour Pro tection bio logique du m aïs) au laboratoire de phytopathologie de l’Ucl (Earth and Life Institute) et en collaboration avec le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf).

Lutte contre la fonte des semis chez le maïs

Ce projet a permis d’établir une collection de champignons indigènes à la Wallonie à partir de laquelle l’un d’entre eux a été sélectionné pour le développement d’une formulation visant la protection d’une grande culture, le maïs.

L’agent de biocontrôle étudié fait partie du genre Trichoderma et est facilement reconnaissable par sa couleur verte caractéristique. C’est un champignon déjà bien connu pour ses actions bénéfiques sur d’autres pathogènes de plantes.

Plantules de maïs infectées par Fusarium culmorum, un agent de fonte de semis et de pourritures, issues de semences non enrobées (« avec pathogène ») et enrobées avec l’agent de contrôle biologique Trichoderma (« avec pathogène et Trichoderma ») après croissance en serre (Projet Probiom).
Plantules de maïs infectées par Fusarium culmorum, un agent de fonte de semis et de pourritures, issues de semences non enrobées (« avec pathogène ») et enrobées avec l’agent de contrôle biologique Trichoderma (« avec pathogène et Trichoderma ») après croissance en serre (Projet Probiom). - E. Coninck, Earth and Life Institute, Ucl.

Plantules de maïs issues de semences non enrobées.
Plantules de maïs issues de semences non enrobées.

Plantules de maïs issues de semences enrobées biologiquement du champignon bénéfique Trichoderma.
Plantules de maïs issues de semences enrobées biologiquement du champignon bénéfique Trichoderma.

Plantules de maïs issues de semences enrobées de fongicide thirame dans un champ à Vieusart (projet Probiom en partenariat avec le Cipf).
Plantules de maïs issues de semences enrobées de fongicide thirame dans un champ à Vieusart (projet Probiom en partenariat avec le Cipf). - E. Coninck, Earth and Life Institute, Ucl.

Dans le cadre de ce projet de recherche, des résultats intéressants in vitro mais aussi in vivo, en serres et en champ, ont été mis en évidence pour la protection des plantules de maïs contre les problèmes de fontes de semis. Une formulation provisoire de traitement des semences permet déjà une conservation du produit à moyen terme (plus de 9 mois). Elle a l’avantage d’être peu coûteuse et tout à fait compatible avec l’utilisation d’un semoir classique. De plus, cette formulation biologique est combinable avec l’emploi d’autres produits comme les répulsifs pour oiseaux ou même les herbicides.

Après des recherches plus approfondies pour le développement et l’autorisation de la formulation, l’utilisation d’un produit à base de ce champignon pourrait donc être envisagée à l’avenir en tant que biofongicide d’enrobage de semences de maïs.

Davantage de produits homologués !

Le nombre de produits de biocontrôle commercialisés devrait poursuivre sa progression.

D’autres agents comme par exemple des bactéries du genre Bacillus sont d’ailleurs déjà homologués en France (B. pumilus contre le mildiou de la vigne par exemple ou B. firmus contre les nématodes de la carotte et du concombre), et parfois même également aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, ce qui pourrait laisser entendre une a pplication du principe de la reconnaissance mutuelle d’autorisation en Belgique.

C’est aussi le cas pour d’autres biopesticides à base d’une autre espèce de Trichoderma ( T. gamsii ) qui est homologuée en France contre des maladies de fontes de semis de la tomate, ou à base d’huile de citronnelle comme herbicide sur plantes non comestibles en Grande-Bretagne.

Des alternatives innovantes à la lutte chimique sont donc mises en place afin de faire évoluer notre agriculture et ainsi contribuer au développement durable.

Eugénie Coninck et Anne Legrève

, Faculté des Bioingénieurs Ucl-Lln,

et Guy Foucart

, Cipf.

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