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Que faire en cas de recel successoral?

Nos parents sont tous les deux décédés. Notre mère en 1996, notre père en 2015. Comme mon frère a refusé un arrangement pour nous répartir l’héritage, j’ai entamé la procédure judiciaire pour sortir de l’indivision. Au début, la procédure de liquidation et de partage s’est déroulée normalement devant le notaire désigné par le tribunal. Mais au moment de l’inventaire sous serment, j’ai constaté que mon frère avait menti, car il n’a pas déclaré plusieurs donations qu’il avait reçues de nos parents. Que puis-je faire pour ne pas voir ma part injustement réduite ? On m’a dit que je pouvais porter plainte contre mon frère. Est-ce le cas ?

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L’héritier qui ment dans le cadre d’un inventaire s’expose à de lourdes sanctions. Il peut en effet être poursuivi pénalement pour faux serment ou faux en écriture, mais ce n’est pas tout. Il risque également une sanction civile pour le recel successoral. Vous avez donc plusieurs façons d’agir, il faut seulement bien prendre en compte les conséquences.

Plainte au pénal pour faux serment

Vous expliquez que les parties ont fait un inventaire devant notaire. Dans le cadre d’un tel inventaire, chaque héritier doit indiquer si des biens de la succession se trouvent chez lui. Ils doivent également indiquer s’ils ont reçu des donations du défunt, même plus de trois ans avant son décès. Celui qui sait que des biens de la succession se trouvent chez autrui ou que d’autres héritiers ont reçu certaines donations doit également le déclarer. À la fin de l’inventaire, chaque héritier doit prêter serment et jurer n’avoir rien omis.

L’article 226 du code pénal est clair : « Celui à qui le serment aura été déféré ou référé en matière civile, et qui aura fait un faux serment, sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de vingt-six euros à dix mille euros ; il pourra, de plus, être condamné à l’interdiction, conformément à l’article 33. Est puni des mêmes peines celui qui a fait un faux serment lors d’une apposition de scellés ou d’un inventaire. »

Le faux serment, au sens de l’article 226, alinéa 1er, du code pénal, est l’altération volontaire de la vérité dans une déclaration faite en justice par l’une ou l’autre partie dans sa propre cause après avoir prêté le serment litisdécisoire ou supplétoire.

Le serment à caractère mensonger suppose la réunion de deux éléments matériels, à savoir, d’une part, un serment de justice et, d’autre part, des déclarations mensongères ou incomplètes.

Il nous semble que vous pouvez invoquer une infraction à cet article si votre frère a « oublié » de mentionner les donations qu’il a reçues. Vous pouvez donc porter plainte contre votre frère.

Conséquence sur la procédure

Le seul fait que vous portiez plainte fait obstruction à la procédure de partage et liquidation. À cause de l’article 4 Titre préliminaire C.I.cr., la procédure de liquidation sera suspendue. Cet article dispose que l’action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l’action publique. Elle peut aussi l’être séparément ; dans ce cas l’exercice est suspendu tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l’action civile, pour autant qu’il existe un risque de contradiction entre les décisions du juge pénal et du juge civil et sans préjudice des exceptions expressément prévues par la loi.

Le notaire et le tribunal sont obligés d’attendre la décision pour la plainte pénale.

Le recel successoral

Comme déjà mentionné, celui qui ment sur les donations qu’il a reçues du défunt risque également une sanction civile pour le recel successoral.

Le recel successoral est réglementé par les articles 792 et 801 du code civil. L’article 792 du code civil dispose que les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d’une succession, sont déchus de la faculté d’y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés.

L’article 801 du code civil stipule que l’héritier qui s’est rendu coupable de recel, ou qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l’inventaire des effets de la succession, est déchu du bénéfice d’inventaire.

Le recel successoral peut être défini comme étant le fait, pour un héritier qui détient des biens de la succession du défunt, de les dissimuler afin que les autres héritiers ne puissent y avoir droit. Autrement dit, celui qui se rend coupable de recel successoral est un héritier qui dissimule un bien successoral en vue de ne pas permettre aux autres héritiers d’en obtenir leur part.

Celui-là perdra de ce fait toute prétention à ces biens. Il devra, en d’autres termes, les céder aux autres héritiers. Il en va de même pour les donations (non déclarées). Il devra en outre aussi céder les fruits ou les intérêts des biens cachés ou détournés. L’héritier qui s’est rendu coupable de recel successoral perdra également le droit de rejeter la succession ou de l’accepter sous bénéfice d’inventaire. Si, outre un patrimoine (apparemment) important, le défunt avait également de nombreuses dettes, le « receleur » devra dès lors, si nécessaire, puiser dans son propre patrimoine pour apurer ces dettes.

En cas de condamnation pour faux serment, vous pouvez invoquer les articles 792 et 801 du Code civil dans la procédure de liquidation et partage pour que votre frère perde sa part dans les donations qu’il n’a pas déclarées pendant l’inventaire.

Solution alternative ?

Si vous avez des preuves des donations que votre frère n’a pas déclarées, vous pouvez confronter votre frère avec celles-ci. En connaissant les risques, il acceptera peut-être un accord pour sortir de l’indivision. Cela peut sembler être une meilleure alternative car une plainte pour faux serment, suivie des discussions à ce sujet, peut ralentir la procédure de liquidation pour plusieurs années.

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