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Une année betteravière remarquable… mais les menaces ne manquent pas!

La betterave est décidément une plante qui ne laisse de nous surprendre… Celui qui le dit sait de quoi il parle. Directeur de l’Institut betteravier, Jean-Pierre Vandergeten décrypte les éléments qui ont permis à la culture de battre des records de rendement et identifie en même temps les menaces qui paradoxalement pèsent sur son avenir.

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Un des faits qui auront marqué la dernière campagne betteravière est incontestablement le long épisode de sécheresse que personne n’a pu oublier. On peut y ajouter la chaleur sous la forme d’une température moyenne élevée, et on sait l’importance de ce facteur climatique pour la culture betteravière. Les données de l’Institut royal météorologique montrent que les mois de février, mars, mai, juin, octobre et décembre ont été indéniablement plus chauds en 2017 en comparaison avec la normale des deux dernières décennies pour ces mêmes mois.

Semer tôt, c’est la clé

Les conditions favorables en sortie « d’hiver » ont permis de semer tôt : vers le 10 mars pour les plus précoces. « C’est tout bénéfice pour la production à venir car il y a un lien direct entre la précocité des semis dans de bonnes conditions et le rendement final. Pourquoi ? C’est une question de nombre de jours de croissance, explique le directeur de l’Irbab. L’an dernier, après 235 jours de croissance, les champs de betteraves étaient au maximum de leur production.

« D’où l’intérêt de préparer votre sol rapidement, en un seul passage, dès que les circonstances s’y prêtent. Pour mémoire, l’an dernier, 80 % de la sole betteravière de la clientèle de la raffinerie Tirlemontoise étaient déjà semés au 31 mars. À cette date, Iscal Sugar était un peu en retrait (54 %). Et pour le 8 avril, toute la surface betteravière était couverte.

« On a explosé les compteurs »

Du côté de la pluviométrie, oh combien importante également, les betteraves ont été moins bien servies si l’on se réfère à la normale observée sur la période 1981-2010. Il a fait très sec en début d’année, mais heureusement, en juillet et en août, des pluies sont survenues opportunément pour assurer la croissance des plantes. Celle-ci a ailleurs été exceptionnelle.

Les sucreries réalisent des prélèvements tous les 15 jours pendant la période estivale ; le premier a suivi l’évolution des plantes entre le 7 et le 21 août : pendant ces 15 jours, les betteraves ont produit 173 kg de sucre par ha et par jour, talonnant le record de 178 kg (maximum observé au cours des 10 dernières années). Plus fort encore, entre le 22 août et le 4 septembre, la production de sucre par ha et par jour s’est élevée à 196 kg, pulvérisant ainsi l’ancien record (167 kg).

Cette flambée de croissance a largement participé à l’obtention du niveau très élevé des rendements 2017. Les résultats des essais menés par l’Irbab sont éloquents : 22 t de sucre en moyenne/ha, à partir de racines réceptionnées entières, soit au moins 20 t de sucre/ha pour des racines décolletées ! Sur le terrain, la moyenne nationale pour les planteurs sera proche de 18 t de sucre/ha !

Inutile de « saucer »

« Qui dit gros rendement, ne dit plus gros besoin de fumure azotée », poursuit Jean-Pierre Vandergeten. « En année à gros rendement, on pourrait regretter de ne pas avoir appliqué d’azote pour obtenir une production encore plus élevée. À tort ! Les essais menés avec des doses d’azote – de 50 à 105 kg/ha, soit bien moins que 120 à 150 kg – confirment l’inutilité, voire même la dépréciation que le surdosage peut occasionner sur le rendement et la rentabilité de la culture. »

Et le directeur de l’Irbab de rappeler que les conseils de fumure de l’Institut sont basés sur un module théorique mais bien calibré et disponible sur le site web.

« La génétique a fortement modifié l’efficience des plantes, tant pour l’azote que la potasse et les autres éléments fertilisants. Aujourd’hui, les besoins des variétés sur le marché sont moindres qu’il y 30 ans. »

À l’écoute de la société

Les agriculteurs d’une manière générale mais aussi l’encadrement agronomique, comme l’Irbab, sont aujourd’hui fortement interpellés par la société sur l’emploi des pesticides. « Nous devons en tenir compte, mais il convient aussi de nuancer les choses : en une trentaine d’années, les quantités totales de pesticides appliquées sur la culture betteravière ont été divisées par 3 ! »

C’est principalement pour le désherbage, avec l’introduction du système à doses réduites FAR que les quantités de produits ont été fortement diminuées. La protection contre les insectes a aussi fortement évolué. Les seniors se souviennent évidemment de l’époque où l’on appliquait dans la ligne 15 kg de Curater, 10 kg de Temik, et où l’on effectuait des pulvérisations contre les pucerons. Sont arrivés ensuite les insecticides dans les enrobages des semences, les néonicotinoïdes, qui sont aujourd’hui fortement contestés au plan européen. « À ce sujet, l’Irbab, la Cbb, la Confédération internationale des betteraviers européens (Cibe), le Comité européen des fabricants de sucre (Cefs) réalisent un important travail de communication dans les différents pays européens pour essayer d’éviter le pire, car l’enjeu porte rien moins que sur la survie de la culture ! », alerte Jean-Pierre Vandegeten.

«La betterave déborde d’atouts et est paradoxalement fragilisée par la menace pesant sur l’usage des néonicotinoïdes.
«La betterave déborde d’atouts et est paradoxalement fragilisée par la menace pesant sur l’usage des néonicotinoïdes. - M. de N.

Celui-ci relève encore que du côté de la protection fongicide, les quantités ne sont heureusement pas élevées et que grâce aux efforts de la sélection, les nouvelles variétés pourraient encore se renforcer leurs résistances contre les maladies.

Pour en revenir à la fumure minérale azotée, les quantités utilisées par tonne de betteraves à 16º produite ont été ramenées de quelque 3,5 kg en 1980 à 1-1,5 kg aujourd’hui ! Voici encore un bel exemple de progrès sur le plan environnemental (et économique) !

Par ailleurs, relève encore notre expert, on parle beaucoup d’émissions de CO2, de changement climatique, et on oublie souvent de souligner à quel point la betterave est un formidable capteur de ce gaz à effet de serre puisque la culture en capte à peu près 30 tonnes par ha et utilise en partie ces quantités pour produire du sucre (association de carbone, oxygène et hydrogène). La culture émet dans l’atmosphère quelque 13,2 millions de litres d’oxygène, soit bien plus que les autres cultures, et certainement que les forêts qui elles en produisent environ 3,7 millions de l par ha.

Autrement dit, par ha, chaque planteur de betterave fournit de l’oxygène à 70 personnes. E sorte que la surface actuelle de 65.000 ha de betteraves dans notre pays fournit de l’oxygène à 4,5 millions de nos concitoyens !

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