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Irrigation des cultures maraîchères: de la théorie à la pratique

En maraîchage, la gestion des apports hydriques fait aussi bien appel aux techniques d’irrigation qu’au drainage. Chez nous, le drainage est par ailleurs la première amélioration foncière en nécessité. L’irrigation est un complément apprécié lors des périodes critiques d’installation des cultures et pour limiter les stress qu’elles pourraient subir. Voyons quand et comment envisager l’irrigation dans une ferme maraîchère.

Temps de lecture : 6 min

P lusieurs éléments techniques, économiques et sociaux rendent l’irrigation relativement plus importante en cultures maraîchères qu’en grandes cultures.

L’enracinement des cultures maraîchères varie d’une espèce à l’autre. Mais les cultures plantées, nombreuses en maraîchage, ont un enracinement moins profond. Les racines pivotantes sont rompues lors des opérations des transferts. Peu après la plantation, les besoins en eau sont importants pour des plantes déjà bien feuillées, alors que les radicelles ne commencent qu’à se former hors de la motte.

La régularité des apports d’eau permet un meilleur respect des calendriers d’approvisionnement des marchés.

Estimer les besoins grâce au bilan hydrique

Le bilan hydrique est la balance entre les besoins exprimés par l’évapotranspiration (ETP) et la réserve utile en eau du sol (RU).

L’eau s’évapore en surface du sol ou est transpirée par les plantes présentes. La chaleur et surtout le vent favorisent ces départs d’eau, c’est l’évapotranspiration. Dans nos conditions, l’ETP varie de 0 à 7 mm par jour suivant la météo du jour et la saison.

Le volume d’eau que le sol peut absorber dépend de la nature du sol (RU). Une partie de l’eau est trop fortement liée aux constituants du sol et n’est pas disponible par les plantes, c’est l’eau non disponible. La réserve facilement utilisable (RFU) est la fraction dont nous tenons compte dans l’estimation du bilan hydrique. Dans les sols limoneux de chez nous, la RFU correspond à environ 6 dixièmes de la RU. Les sols plus sableux retiennent moins d’eau (RU) mais une plus grande proportion de celle-ci est disponible (RFU). C’est l’inverse en sols plus argileux. Les matières organiques du sol ont une capacité de rétention en eau très élevée, mais la retiennent fortement, ce qui se traduit par une proportion RFU/RU moins favorable.

L’eau circule dans le sol. La gravité l’entraîne vers le bas, ce sera surtout le cas lorsque le sol est saturé.

L’eau se dirige des zones les plus humides vers les zones les plus sèches, avec une possibilité d’aller dans toutes les directions selon les situations. La texture du sol (granulométrie) et le tassement (compaction) influencent les possibilités de mouvements d’eau dans le sol.

Le sol, réserve utile en eau

En pratique, la RFU des sols peut se déterminer avec précision au laboratoire. Celle des sols wallons à dominante limoneuse est de l’ordre de 1 mm par cm de sol. Cela signifie en pratique que pour une culture développant un enracinement d’une trentaine de centimètres de profond (chicorées frisées ou scaroles, par exemple), la RFU du sol est d’une trentaine de mm, soit les besoins de la culture pour une dizaine de jours si l’évapotranspiration est de 3 mm/jour (donnée dépendant de la météo locale durant la période concernée).

Les cultures et leurs besoins hydriques

Au semis ou après la plantation, les besoins en eau des cultures maraîchères diffèrent.

 L’irrigation de semis en place

L’irrigation par aspersion est la plus utilisée dans ce cas.

Pour assurer une bonne germination des semis en place, l’irrigation complète utilement les précipitations. Nous pouvons retenir un besoin de 10 mm d’eau pour la germination, mais en cas de vent desséchant et germination inaccomplie, il faudra maintenir le lit de semis humide et renouveler l’opération d’irrigation, tout en évitant la battance. Un arrosage de 5 mm/heure durant 2 heures est approprié. Par exemple, un semis de carottes nécessitera le maintien d’une humidité durant 8 à 9 jours en été et 12 à 14 jours au printemps précoce.

Pour les sols très sensibles à la battance (colluvions de sables fins, par exemple), nous pouvons protéger le sol avec un voile de forçage en polypropylène jusqu’à la levée accomplie.

 L’irrigation après plantation

Les plants à racines nues seront trempés juste avant les arrachis en pépinière ou juste après dans des bassins. Les mottes pressées seront bien humidifiées pour assurer les besoins en eau des plantules lors des premières dizaines d’heures après la plantation.

Juste après la plantation, un arrosage abondant permet de borner les plants, c’est-à-dire de permettre aux grumeaux de terre de se positionner en contact avec les racines et favoriser la croissance de celles-ci.

Même pour des plantes qui seront irriguées par la suite en goutte à goutte, ces premiers arrosages des deux premières semaines après plantation se feront en aspersion. Cela permet une exploration plus large des racines dans la terre et donc une meilleure nutrition en éléments mineurs et méso-éléments par la suite. Par exemple, les tomates et poivrons cultivés en tunnels maraîchers seront moins sujets à la nécrose apicale « cul noir » en procédant de cette façon.

Les besoins en eau dépendent de la météo, de la culture et de son stade. La fréquence des arrosages dépend aussi de la capacité de rétention du sol et du débit d’approvisionnement en eau de la parcelle. Nous ne manquons pas d’aborder cette question quand nous consacrons un article du Sillon Belge à une culture spécifique.

Plusieurs éléments techniques, économiques et sociaux rendent l’irrigation relativement plus  importante en cultures maraîchères qu’en grandes cultures.
Plusieurs éléments techniques, économiques et sociaux rendent l’irrigation relativement plus importante en cultures maraîchères qu’en grandes cultures.

Choisir son matériel d’irrigation

Établir un réseau d’irrigation, cela se raisonne. Avant tout achat, nous devons opter pour un ou deux systèmes complémentaires, par exemple, aspersion et goutte-à-goutte. Chaque système a des contraintes propres. Le goutte-à-goutte a besoin d’un peu plus d’un bar de pression de service. Celle-ci est plus élevée en asperseurs, avec des nuances selon leur type : de 1,5 à 4,5 bars. Les débits disponibles sont une contrainte à intégrer également avant d’investir. N’oublions pas la source d’énergie pour les pompes : électricité ou moteur thermique.

Les filtres sont importants pour éviter les usures excessives des pompes et le colmatage des goutteurs et gicleurs. Des dispositifs complémentaires sont parfois nécessaires pour limiter le colmatage dû au fer, au calcaire ou aux algues.

Le goutte-à-goutte est souvent dimensionné pour apporter 2 l par heure et par mètre de ligne, mais ce n’est pas toujours le cas.

Les asperseurs vont des micro-asperseurs travaillant sur un diamètre utile de 3 m aux asperseurs travaillant sur des diamètres utiles jusqu’à 20 m et plus.

Quand le réseau est dimensionné et installé, nous pouvons vérifier les débits effectifs en plaçant des pluviomètres en différents endroits pour les asperseurs et en installant des cuves de réception sous des tronçons de tuyaux avec goutteurs.

N’oublions pas que la pression de service est influencée par les différences d’altitude à raison d’environ un bar par différence de hauteur de 10 m. Elle se réduit aussi en s’éloignant de l’arrivée à cause des pertes de débits mais surtout des pertes de charges dans les canalisations.

Chaque ferme maraîchère a ses propres sources d’approvisionnement. Dans bien des cas, nous sommes amenés à installer une réserve d’attente alimentée par les débits d’eau de pluie, d’eau de surface ou de forages. N’oublions pas les autorisations à demander à la commune.

La capture d'eau de surface  ou de forage  est soumise  à demande  d'autorisation  via la commune.
La capture d'eau de surface ou de forage est soumise à demande d'autorisation via la commune.

La réserve peut être à l’air libre et installée dans une cavité creusée pour la circonstance et rendue imperméable par un film plastique. Il convient de protéger les abords pour éviter des noyades (enfants…). La réserve en plein air permet d’irriguer avec de l’eau moins froide que si elle venait d’un forage. Nous accrochons la crépine d’aspiration à un flotteur pour qu’elle se trouve 5 cm sous le niveau, l’eau y est un peu plus chaude et nous évitons d’aspirer les débris flottants.

F.

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