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Arbres fruitiers: comment atténuer l’alternance de production?

Chez les arbres fruitiers, les variations de production d’une année à l’autre sont un phénomène bien connu, surtout dans les vergers haute-tige. Cette succession d’années de production importante et de récolte faible peut avoir des conséquences négatives macro- et microéconomiques.

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Dans les cultures commerciales intensives, l’arboriculteur tente par différents moyens de régulariser la production fruitière, mais malgré cela les conditions climatiques de l’année jouent un rôle important. De plus, dans certaines régions, comme en Europe centrale et orientale, l’importance des vergers familiaux et de l’arboriculture extensive, plus alternante par nature, influence le marché global des fruits. En Allemagne par exemple, la production de pommes du « Streuobstbau » atteint certaines années un million de tonnes, alors qu’elle est beaucoup plus faible l’année suivante. Il va de soi que ce phénomène perturbe le déroulement des campagnes commerciales.

Les causesde l’alternance

Régulariser la production de fruits suppose en premier lieu de connaître les diverses causes du phénomène. Certes, elles se trouvent dans le matériel végétal et dans les conditions climatiques de l’année, mais comme les arbres fruitiers sont des végétaux pérennes, il faudra aussi rechercher certaines causes de l’alternance dans ce qui s’est produit au cours des années antérieures. C’est dire toute la complexité du problème !

L’alternance s’observe chez de nombreuses espèces fruitières ayant des comportements physiologiques très différents et évoluant sous différents climats : tempérés, méditerranéens ou tropicaux. On pourrait donc penser que ce phénomène est inhérent aux arbres fruitiers en général, et qu’il existe une série d’explications logiques applicables à tous les cas.

L’alternance des arbres fruitiers intrigue les hommes depuis très longtemps. Dans le Talmud de Jérusalem qui remonte au 4e siècle de notre ère, il est mentionné que « Tous les arbres portent des fruits un an sur deux, mais que le figuier en donne régulièrement chaque année », et même en réalité plusieurs fois par an, pourrions-nous ajouter.

Chez les espèces à pépins et à noyau, les cycles d’alternance sont généralement bisannuels : les années de production forte et faible se succèdent. Chez le pommier on peut parfois observer des cycles de trois ans, avec une année à production « moyenne » intermédiaire. Selon les variétés de pommes, l’alternance peut apparaître à des degrés divers. Parmi les espèces à noyau, on observe principalement de l’alternance chez les pruniers et les abricotiers ; les cerisiers et les pêchers ne sont guère sujets à une alternance vraie, mais des variations de production résultent de la plus ou moins bonne fécondation au printemps-même.

Une alternance peut exister dans toute une région, avec comme origine un accident climatique grave : forte gelée printanière, ou sécheresse estivale prolongée. À côté de cela, on peut aussi observer des arbres qui, individuellement, alternent en déphasage avec d’autres arbres, et parfois aussi sur un même arbre, des branches dont la charge en fruits n’est pas en phase avec celles du reste de l’arbre.

Causes exogènes

Dans les régions tempérées, l’alternance a été étudiée principalement chez les pommiers. Un cycle d’alternance commence généralement lorsqu’un gel printanier très sévère a détruit la floraison à un point tel que la fructification est nulle ou insignifiante. Il en résulte alors une initiation florale très forte pour l’année suivante, puisque les fleurs se forment à partir de juin-juillet de l’année précédente. Si aucune mesure corrective n’est prise, et si de plus le climat est favorable à la fécondation, il en résulte l’année suivante une production excessive, avec une initiation florale faible pour la troisième année. Puis le cycle persiste, en s’atténuant parfois.

L’alternance résultant d’un gel printanier grave concerne une vaste région, et parfois même toute l’Europe occidentale, comme en 1991.

Chez certaines espèces fruitières des régions tempérées ou chaudes, des conditions climatiques défavorables pendant la floraison telles que des températures printanières trop basses, ou des pluies abondantes peuvent induire une nouaison déficiente, puis l’entrée dans un cycle d’alternance. Une sécheresse grave nuit à l’alimentation des arbres en eau et en éléments nutritifs et provoque un stress qui induit un cycle d’alternance. Rare chez nous, le phénomène est bien connu chez les agrumes et les oliviers.

De manière générale, chez toutes les espèces fruitières, le bon état sanitaire du feuillage permet d’atténuer l’alternance ; à l’inverse, toutes les pathologies favorisées par les conditions climatiques, et qui provoquent une perturbation de la photosynthèse ou une chute de feuilles sont défavorables.

Facteurs endogènes

Chez les espèces fruitières des régions tempérées, les fruits qui se forment contrarient l’initiation florale pour l’année suivante à cause de la production par leurs graines d’hormones inhibitrices. Une fructification surabondante est la principale cause endogène d’une floraison déficitaire l’année suivante.

On peut aussi penser qu’il existe en ce qui concerne les éléments nutritifs une concurrence accrue entre d’une part des fruits très nombreux, et d’autre part les rameaux en croissance. Ce facteur nutritionnel vient s’ajouter au facteur hormonal pour inhiber davantage l’initiation florale.

Ainsi s’expliquent les différences observées selon l’espèce, la variété, le sujet porte-greffe et l’âge des arbres.

Quelles mesures

pour éviter l’alternance ?

L’énumération des causes externes et internes de l’alternance suggère déjà une série de mesures à prendre préventivement. Il faut y adjoindre quelques autres techniques qui y contribueront. Les stratégies générales sont au nombre de cinq.

Limiter la charge en fruits par un éclaircissage

Comme une surcharge en fruits est la cause endogène majeure de l’alternance, c’est à ce niveau qu’il convient d’intervenir en premier lieu. Après la floraison et la chute post-florale des fleurs non fécondées, on appréciera la quantité globale de fleurs nouées d’un arbre. Certes, tous ces jeunes fruits n’arriveront pas à maturité ; chez les espèces à pépins, la « chute de juin » en éliminera un certain nombre, tandis que chez les espèces à noyau, les jeunes fruits issus de fleurs imparfaitement fécondées tomberont également.

On sait que pour lutter contre l’alternance, un éclaircissage des jeunes fruits est d’autant plus efficace qu’il est pratiqué tôt. Sur pommiers, on interviendra 6 à 7 semaines après floraison, soit pendant la seconde moitié de juin, tandis que sur poiriers, il est préférable d’attendre la fin de la chute de juin, car son intensité et sa durée sont peu prévisibles. L’éclaircissage viendra compléter si nécessaire ce mécanisme naturel. Sur pruniers, on éclaircira tôt chez les variétés à maturité précoce et fin juin chez les variétés plus tardives. Chez les pêchers, on éclaircit 2 à 3 semaines après floraison, afin d’améliorer le calibre des fruits.

Dans tous les cas, on veille à ce que chaque fruit conservé « trouve sa place » en supprimant les fruits voisins, et de préférence les plus petits. Ainsi, un éclaircissage bien réalisé améliore le calibre l’année-même tout en favorisant l’initiation florale pour l’année suivante.

Veiller au bon fonctionnement de l’arbre

Une alimentation en eau régulière et une nutrition minérale correcte grâce à l’apport au sol et au feuillage de la fumure nécessaire permettent d’éviter un stress pendant la saison de végétation. De même, il faut assurer au feuillage un bon état sanitaire par une lutte efficace contre les maladies cryptogamiques et les ravageurs.

Un fonctionnement efficace du feuillage des arbres dépend aussi de la quantité de lumière reçue. La production de boutons à fruits est toujours beaucoup plus importante dans les zones bien éclairées de la couronne que dans les zones ombragées. La forme de la couronne a donc une grande importance : une cime conique est mieux éclairée qu’une cime globuleuse dont la partie supérieure joue un rôle de parasol. Lors de la taille, on veillera à alléger une couronne dense afin de favoriser la pénétration de la lumière.

Maîtriser la vigueur

L’antagonisme qui existe entre une forte vigueur et une production satisfaisante de boutons floraux est bien connu : un arbre qui croît intensément produit très peu de boutons. C’est le cas pendant la phase juvénile ou peu après un rajeunissement sévère. À l’inverse, en phase sénile, un arbre ne pousse plus et produit un excès de boutons, sans pour autant que la production soit satisfaisante. Entre ces deux extrêmes se situe la phase adulte où croissance et fructification sont en équilibre ; par les interventions de taille, on veillera à l’atteindre rapidement et à la prolonger : au départ, par des tailles pas trop sévères et par inclinaison ou arcure des branches.

Sur des arbres adultes, la sévérité de la taille hivernale sera modulée en fonction du taux de boutonnement des rameaux. On réalise ainsi en quelque sorte un pré-éclaircissage.

Optimiser la fécondation des fleurs les années où elles sont peu nombreuses

Chez les arbres fruitiers, la proportion des fleurs qui évoluent en un fruit n’est pas constante. Dès lors, les années où les fleurs sont peu nombreuses, il faudra veiller à obtenir un taux de nouaison meilleur. Les moyens d’y parvenir sont limités : on peut intensifier le transfert naturel du pollen en favorisant la présence et l’activité des insectes pollinisateurs, par un aménagement de l’environnement (brise-vent, plantes hôtes…), et par le placement de ruches, de ruchettes ou d’hôtels à insectes. On veillera aussi à éliminer les fleurs (généralement jaunes, comme les pissenlits) plus attractives pour les insectes que celles de nos arbres.

L’aptitude pour une fleur d’évoluer en un fruit dépend aussi de l’alimentation minérale, spécialement en azote. Celui-ci doit donc être apporté suffisamment tôt, en mars.

Se protéger des gelées printanières

Comme une grave gelée printanière qui détruit les fleurs et affecte la fructification est aussi souvent le départ d’un cycle d’alternance, différentes techniques sont mises en œuvre dans les vergers professionnels, en vue d’élever temporairement, au lever du jour, la température de l’air de quelques degrés : hélices placées sur un mât, machines mobiles qui propulsent de l’air chaud, aspersion d’eau sur les frondaisons, brûleurs de pétrole ou bougies de paraffine, ou survol par un hélicoptère. Il va de soi qu’aucun de ces procédés n’est à la portée du jardinier amateur qui ne peut qu’espérer que la situation de son jardin génère un microclimat un peu plus favorable.

ir André Sansdrap

, Wépion

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