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En abandonnant sa plus-value, la filière porcine belge s’expose au danger

Bien qu’occupant une position importante sur le marché international du porc, la Belgique demeure fortement dépendante de ses partenaires commerciaux. Si la production et l’abattage sont indissociables de notre pays, la transformation des carcasses en produits finis, étape générant d’importantes plus-values, est généralement réalisée à l’étranger. René Maillard, manager du Belgian Meat Office, décrypte pour nous cette étonnante situation.

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Près de 12 millions. C’est le nombre de porcs abattus en 2014 en Belgique, ce qui représente une production de viande de plus de 1,1 million de tonnes, soit 1,1 % de la production mondiale. À tire de comparaison, en 2005, cette même production dépassait à peine le million de tonnes.

À cette production propre s’ajoutent 200.000 t importées annuellement. La consommation interne s’élevant à 500.000 t, la filière se doit d’exporter, chaque année, près de 850.000 t de viande. « Un volume important faisant de notre pays le 7e  exportateur de viande porcine à l’échelle mondiale », insiste René Maillard, invité par le Centre wallon de recherche agronomique wallon à l’occasion de la 16e  Journée des productions porcines et avicoles organisée fin novembre à Gembloux.

Le commerce d’animaux vifs pèse également lourd dans la balance commerciale belge. En effet, plus de 700.000 porcs de boucherie et 100.000 porcelets sont exportés annuellement. Côté importations, plus de 600.000 porcelets et 300.000 porcs de boucherie entrent chaque année en Belgique.

Deux clients de poids

Entre 2005 et 2014, la Belgique a enregistré une impressionnante augmentation de ses exportations de viande porcine (carcasses, muscles, abats et gras), passant de 670.000 t exportées à 814.000 t.

« La hausse la plus importante concerne les carcasses et les muscles. Pour ces deux pièces, nous sommes passées de 540.000 t exportées à 679.000 t sur cette même période », précise René Maillard. Dopées par la demande asiatique, les exportations d’abats sont également en hausse, passant de 83.000 t à 111.000 t. Les exportations de gras chutent quant à elle de 47.000 t à 24.000 t. Selon le manager du Belgian Meat Office, l’embargo russe et l’absence de marché alternatif pour cette denrée expliquent cet effondrement.

Pour ses exportations, la Belgique peut compter sur deux clients de poids. « 34 % des carcasses partent vers l’Allemagne et 19 % vers la Pologne », détaille-t-il. Ce qui n’a pas empêché la Belgique de développer et diversifier son portefeuille commercial depuis 2005. Parmi nos autres clients, citons, par exemple, les Pays-Bas, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Corée du Sud, les Philippines… Une diversification que M Maillard voit d’un bon œil : « En 2005, la moitié de nos carcasses partaient vers l’Allemagne. La perte de ce marché aurait mis le secteur porcin belge en très grande difficulté ».

« D’ici 5 ans, l’Espagne pourrait ravir à l’Allemagne sa place de premier producteur européen de viande porcine », estime René Maillard.
« D’ici 5 ans, l’Espagne pourrait ravir à l’Allemagne sa place de premier producteur européen de viande porcine », estime René Maillard. - J.V.

Les carcasses, une réelle menace

Néanmoins, un problème subsiste : plus de la moitié de la viande porcine belge est écoulée sous forme de carcasses à ces deux transformateurs que sont l’Allemagne et la Pologne. Ce qui n’est pas sans effet sur l’économie belge. « À l’image de la découpe des carcasses, la plus-value est réalisée à l’étranger et donc abandonnée à nos clients », confirme-t-il. Le coût de la main-d’œuvre polonaise et allemande, inférieur à celui pratiqué en Belgique, explique facilement pourquoi la découpe a lieu dans ces pays.

René Maillard estime encore qu’il est dangereux de ne vendre que des carcasses. « Nos clients transformateurs peuvent à tout moment se tourner vers d’autres partenaires commerciaux, nous laissant avec nos carcasses sur les bras… »

Autre problème handicapant la filière belge, l’Allemagne ainsi que l’Espagne ont fortement développé et modernisé leurs outils de production. « Afin de faire face à ces géants mondiaux, les abattoirs belges ont dû fusionner. Une opération rendue difficile par l’actionnariat principalement familial de nos infrastructures. »

Enfin, selon le Belgian Meat Office, la Belgique devrait accroître sa présence sur les marchés asiatiques tels que le Japon, les Philippines ou la Corée du Sud. En effet, son manager s’attend à une baisse des exportations belges vers la Chine et pointe la nécessité de trouver, en Asie, des alternatives à cet important marché.

J.V.

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