Barwal: «C’est le mariage du travail du tonnelier et du vigneron qui donne son caractère au vin»
La Belgique compte de plus en plus de vignerons faisant vieillir leurs vins en fûts de chêne… belge. En effet, depuis 2020, Barwal leur propose une alternative aux contenants traditionnellement français, produite en circuit court et « à la carte ». Cette particularité permet d’ailleurs à la jeune société d’accompagner et de conseiller les professionnels de la vigne dans leurs choix pour que chaque vin élaboré soit unique.
Barwal, c’est avant tout l’histoire de deux passionnés de vin, Didier Mattivi et Hugues De Pra. Le premier est un dégustateur averti tandis que le second est le co-fondateur du Championnat de Belgique de dégustation à l’aveugle. Le vin, ils en connaissent un rayon !
Au point de vouloir, eux aussi, se lancer dans l’épopée viticole que connaît la Belgique depuis une vingtaine d’années. Non pas en créant un vignoble, mais en produisant et commercialisant des fûts et foudres en chêne belge.
« Nous sommes partis du constat que les vignerons belges qui élèvent leurs vins en fûts de chêne doivent se tourner vers la France pour s’approvisionner. Notre ambition était de leur fournir une alternative locale et qualitative, produite en circuit court », se souvient Hugues De Pra. S’en suivent plusieurs séances de réflexion avant que Barwal (Barrels for Wine & All Liquids) ne voie officiellement le jour en 2020, année de livraison des premières barriques « 100 % chêne belge ».
Le caviar des forêts wallonnes
Pour mener à bien leur projet, les associés s’entourent de plusieurs partenaires. Parmi eux, la scierie familiale Hontoir, installée à Faulx-les-Tombes (Gesves), réceptionne et stocke les grumes qui seront, étape après étape, transformées en tonneaux.
« Le tonnelier est un client exigeant. Les futs et foudres ne sont élaborés qu’à partir de chênes de première qualité, dit merrains. En Belgique, 95 % des chênes se trouvent en Wallonie, mais seuls 5 % d’entre eux présentent les caractéristiques exceptionnelles recherchées. »
Ceux-ci proviennent de cinq terroirs bien différents : le Condroz, la Fagne, la Famenne, l’Ardenne et la Région jurassique. Barwal s’approvisionne essentiellement en arbres âgés de 80 à 250 voire 300 ans.
Chaque grume arrivée à Faulx-les-Tombes est patiemment analysée avant d’être sélectionnée, ou non, par le merrandier. « Nous recherchons des sections sans défaut et rectilignes, au grain extrêmement fin, ce qui exclut les chênes dont la croissance a été trop rapide. C’est exclusivement la qualité qui guide son choix. »
Une fois le choix effectué, le bois quitte la Belgique pour Hermonville, à quelques kilomètres de Reims (France), où est établi le second partenaire de Barwal qu’est la Tonnellerie de Champagne. Les sections de chêne y sont fendues en quartiers dans le sens de la fibre du bois, afin de ne pas altérer l’étanchéité de la future barrique. Chaque quartier est ensuite débité en merrains. « L’art du professionnel, c’est de maximiser le nombre de merrains qu’il peut obtenir d’un quartier, afin d’éviter les pertes. »
Enfin, les pièces de bois sont mises à sécher durant trois ans, à l’extérieur. De quoi affiner les arômes du bois qui devront s’équilibrer avec ceux du vin. Après ce temps de repos, elles sont prêtes à l’emploi.
Des fûts « à la carte »
« Le métier de tonnelier n’existe plus en Belgique… C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers l’étranger. Fidèles à notre philosophie, nous avons cherché une entreprise artisanale et non industrielle. Qui plus est, la Tonnellerie de Champagne est également la plus proche de Belgique et est une Entreprise du patrimoine vivant (un label français gage d’excellence) », déroule Hugues De Pra.
Sur place, les merrains sont façonnés en douelles (le nom donné aux lames de bois avant leur assemblage). Ajustées les unes par rapport aux autres, chauffées, cintrées… grâce au savoir-faire du tonnelier, elles formeront bientôt les fûts. Fûts qui seront finalisés par une chauffe aromatique, la pose des cerclages et des fonds, le percement de la bonde ou encore la gravure d’éléments de personnalisation.
Chez Barwal, chaque barrique est réalisée « à la carte ». « La chauffe aromatique, aussi appelée bousinage, permet au chêne de révéler ses arômes. Elle pourra être légère, moyenne, forte ou encore dite « crocodile » ; cette dernière consistant à brûler la surface intérieure du fut. » Vanille, café, épices… font notamment partie des arômes révélés qui viendront complexifier le vin, selon les attentes et souhaits du vigneron.
« Quelques vignerons sélectionnent l’origine des chênes : forêt domaniale de Rochefort, forêts de Lustin ou Philippeville… Nous nous efforçons de répondre à leur demande et certains mentionnent avec fierté l’origine de leurs barriques sur leurs étiquettes. »
« Certains vignerons mentionnent avec fierté l’origine belge de leurs barriques sur leurs étiquettes. »
Le volume de travail est également personnalisable. Les fûts sont disponibles en diverses contenances, de 57 à 600 l. Les pièces bourguignonnes (228 l) et les modèles de 300 l sont les plus demandés. Les foudres – qui, contrairement aux fûts, sont fabriqués à partir de bois sciés et non fendus – voient leur capacité varier de 10 à 50 hl.
Conseiller et accompagner les vignerons
En quatre millésimes, la jeune société a déjà livré 130 fûts et quatre foudres belges. S’y ajoutent de nombreux exemplaires en chêne français (à la demande des vignerons ou selon la disponibilité des merrains), des contenants d’occasion ainsi que des futailles de décoration.
On retrouve des fûts estampillés « Barwal » au Domaine du Chant d’Eole, au Vignoble des Agaises (Ruffus), chez Vin de Liège, au Domaine des Marnières, à la distillerie Niets (productrice de spiritueux sans alcool), au Domaine Beekborne… et même dans le Beaujolais, où des Belges ont fondé le Château de la Durette et travaillent avec des barriques venant en droite ligne du plat pays.
Au total, pas moins d’une soixantaine de vignerons et distillateurs se sont déjà tournés vers Hugues de Pra et Didier Mattivi.
« Le travail de la vigne est une chose complexe, tout comme celui du chêne. Le fût doit venir sublimer le vin… »
Le duo ne se positionne d’ailleurs pas comme de « simples vendeurs ». « Notre objectif est de conseiller et d’accompagner le vigneron pour atteindre avec lui son objectif. Le travail de la vigne est une chose complexe, tout comme celui du chêne. Le fût doit venir sublimer le produit… C’est le mariage du travail du tonnelier et du vigneron qui donne son caractère au vin », s’enthousiasme Hugues De Pra.
Une méranderie, bientôt à Faulx-les-Tombes
Pour fournir aux vignerons et autres candidats acheteurs un produit encore plus local, Barwal envisage d’installer sa méranderie (à court terme) et sa tonnellerie (à moyen terme) en Belgique.
Le bâtiment destiné à accueillir la méranderie a déjà été identifié. Il se trouve au sein même de la scierie Hontoir et permettra de transformer sur place, plutôt qu’en France, les grumes en merrains. Les outils nécessaires à ce travail, à savoir une fendeuse et deux scies à ruban, sont déjà en possession de Barwal.
« Notre objectif est d’y joindre une salle dans laquelle nous pourrons accueillir les groupes, leur présenter nos tonneaux et leur faire déguster des produits ayant vieilli dans nos fûts », ajoute Hugues De Pra. Le tout devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année, sauf problème.
Enfin, c’est une tonnellerie qui devrait sortir de terre dans les années à venir. Pour ce faire, et pour garantir la rentabilité du projet, il faudra atteindre une production annuelle de 200 tonneaux. L’essor que prend la viticulture en Belgique devrait largement aider les deux passionnés à concrétiser leur projet.