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Les chancres des arbres fruitiers: de multiples causes… et conséquences!

Les chancres de nos arbres fruitiers ne sont pas sans conséquence sur leur développement et peuvent conduire au dépérissement des bourgeons, branches… voire de l’arbre lui-même. Le plus souvent, ils résultent d’une infection pathologique mais d’autres causes peuvent expliquer leur apparition. Toutefois, qu’importe leur origine, les chancres sont difficiles à réparer… En la matière, la lutte préventive doit prévaloir sur les actions curatives.

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La ramure de toutes les espèces fruitières peut présenter des lésions de l’écorce et du bois que l’on qualifie de « chancres ». Ils fragilisent les rameaux et perturbent la circulation de la sève ; lorsqu’en s’étendant ils forment une annélation complète de la pousse, la partie sus-jacente dépérit. Cela peut être le cas pour un bourgeon, une brindille, une branche fruitière ou charpentière, et même l’arbre entier si la lésion se trouve sur le tronc.

Il peut y avoir plusieurs causes à la formation de chancres. Le plus souvent, elles sont pathologiques : une maladie bactérienne ou cryptogamique, plus rarement une virose ou un organisme apparenté. D’autres lésions de l’écorce peuvent être dues à des circonstances climatiques, par exemple de la grêle ou un gel brutal, ou encore à des animaux en pâture ou du gibier…

La sensibilité des espèces fruitières et des variétés d’une même espèce peut être très différente, et le microclimat du verger peut aussi intervenir dans la fréquence des attaques, spécialement un mauvais écoulement de l’air froid et humide. En ce qui concerne le climat général, la tendance annoncée à avoir des hivers plus doux mais plus humides est aussi un facteur aggravant.

La lutte peut être soit préventive, soit curative. Comme les réparations de chancres demandent beaucoup de temps, il est nettement préférable, si possible, d’agir préventivement, et en cas d’infection constatée, d‘intervenir sans tarder et soigneusement afin d’éviter une extension de la maladie.

Les gélivures peuvent être colonisées par des champignons responsables de la formation  de chancres. Les dégâts qui sont survenus durant l’hiver peuvent être réparés  en posant une série d’agrafes, puis un badigeon ou un baume cicatrisant.
Les gélivures peuvent être colonisées par des champignons responsables de la formation de chancres. Les dégâts qui sont survenus durant l’hiver peuvent être réparés en posant une série d’agrafes, puis un badigeon ou un baume cicatrisant.

Comme nous le verrons dans la suite, les périodes critiques pour la plupart des infections dues à une bactérie ou un champignon sont surtout la chute des feuilles et dans une moindre mesure le départ de la végétation. C’est par conséquent à ces périodes qu’il importe de prendre des mesures préventives efficaces.

Des chancres causés par des bactéries…

Plusieurs bactéries peuvent engendrer des chancres sur nos fruitiers.

  Agrobacterium tumefaciens

Cette bactériose est répandue dans le monde entier, et elle peut infecter un très grand nombre de plantes ligneuses ou herbacées. Sur nos arbres fruitiers élevés en pépinières (pommiers et poiriers, cerisiers et pêchers, framboisiers et ronces fruitières), elle provoque des galles et des tumeurs au collet, tandis que sur les vignes y apparaissent des « broussins », proliférations de racines.

La bactérie vit dans des sols surtout lourds et humides et elle infecte les arbres par des blessures des racines. Lors des transplantations, on enlèvera les galles bien visibles, et sur des plants de vignes transplantés ou en place, on badigeonnera après le gel la base du cep avec du sulfate de cuivre dilué à 5 %. Dans la rotation, il faut éviter la culture de betterave en guise de précédent.

  Pseudomonas morsprunorum et Pseudomonas syringae

Ces deux bactéries très proches l’une de l’autre par les symptômes sont répandues dans les climats tempérés humides : la première infecte surtout les espèces à noyau et la seconde à la fois les espèces à pépins et à noyau.

Pendant la période hivernale se développe sous l’écorce, autour des yeux, un « méplat », chancre en dépression accompagné de gomme, avec dessèchement de la partie sus-jacente du rameau et de l’œil ; pendant la période de végétation, des perforations apparaissent sur les feuilles et des taches sur les fruits. L’infection se fait par temps pluvieux via des blessures, et lors de la chute des feuilles, par les cicatrices non encore fermées.

La lutte est à pratiquer au printemps, avant et après la floraison, et surtout en automne, au début et peu avant la fin de la chute des feuilles. Le sulfate de cuivre dilué à 5 % est efficace en pulvérisation.

  Xanthomonas arboricola

Cette bactérie comprend plusieurs « pathovars » inféodés à des espèces fruitières différentes :

– le pv. corylina forme chez les noisetiers des chancres centrés sur un bourgeon ou une brindille desséchée, sur des arbres jeunes, suite à des coups de soleil ;

– le pv. pruni provoque des perforations nombreuses et des taches brunes du feuillage chez les abricotiers, cerisiers et pêchers ;

– le pv. campestris juglandis forme chez les noyers des chancres sur les jeunes pousses et des taches noires sur les feuilles et la bogue des fruits.

La lutte recourt également à des traitements cupriques par temps pluvieux au débourrement.

Les orages de grêle qui peuvent survenir pendant une grande partie de l’année  occasionnent des dégâts importants. L’infection des blessures doit être évitée,  de même qu’il convient de favoriser la cicatrisation naturelle.
Les orages de grêle qui peuvent survenir pendant une grande partie de l’année occasionnent des dégâts importants. L’infection des blessures doit être évitée, de même qu’il convient de favoriser la cicatrisation naturelle.

… et maladies virales

Peu de viroses ou de maladies apparentées sont responsables de l’apparition de chancres sur des arbres fruitiers.

  La ligne noire du noyer = Black line = CLRV

Sur les noyers greffés sur noyer noir (Juglans nigra) ou sur noyers hybrides peut apparaître chez des arbres adultes une nécrose ayant l’aspect d’une ligne noire au niveau du point de greffe. L’arbre dépérit après quelques années, ou bien sa vigueur et sa production diminuent.

Ce virus peut être transmis par la greffe, le pollen ou la semence.

  Le Plum pox bark split = CLSV

Ce virus est responsable de l’apparition de fentes longitudinales de l’écorce et du dépérissement de branches chez certains pruniers ; il est latent chez certains sujets porte-greffe et certaines variétés. Il provoque des réductions de la vigueur et de la production de l’ordre de 20 %.

Sa transmission se fait par greffage de rameaux infectés.

Les champignons ne sont pas en reste !

De nombreuses maladies cryptogamiques peuvent être responsables de l’apparition de chancres.

  Coryneum beyerinckii

Ce champignon est responsable de la « maladie criblée » des espèces à noyau, un nom qui évoque les perforations visibles sur le feuillage de toutes les espèces de Prunus. De plus, sur les rameaux des pêchers, on peut remarquer des taches brunes allongées qui s’agrandissent pendant l’hiver et sont responsables de la mort de rameaux et de bourgeons, avec des écoulements de gomme. La maladie est favorisée par un climat hivernal doux et humide.

Des traitements au cuivre avant la floraison et après la chute des feuilles permettent de la contrôler.

  Coryneum microstictum

Sur prunier, ce champignon provoque la formation de chancres autour des yeux et le dessèchement des rameaux. Les quetsches et les mirabelles sont particulièrement atteintes.

La lutte se limite à l’enlèvement et la destruction des branches malades.

  Endothia parasitica = Cryphonectria parasitica

Le « chancre de l’écorce » des châtaigniers européens est une maladie très grave qui

provoque des lésions brun-rouge sur l’écorce lisse, avec dessèchement de la partie sus-jacente et apparition de rejets en dessous.

La lutte consiste à badigeonner les plaies avec un fongicide et à nettoyer les outils de taille avec de l’alcool ou de l’eau de Javel. Préventivement, il est possible d’inoculer une souche hypovirulente antagoniste du champignon nuisible. On recherche également des variétés hybrides de châtaignier qui seraient résistantes.

  Fusicoccum amygdali

Ce champignon infecte les pêchers et les amandiers toute l’année. On remarque sur les rameaux de l’année et de l’année précédente plusieurs nécroses elliptiques de couleur brunâtre centrées sur un bourgeon, avec des fructifications noires, et le dessèchement de la partie sus-jacente du rameau.

Les infections se font par temps humide, au niveau de blessures, comme les cicatrices pétiolaires et pédonculaires, ou des gélivures.

Le cuivre et le soufre sont généralement insuffisamment actifs, et un fongicide organique est préférable. On traitera à la chute des feuilles, au débourrement et pendant la végétation.

L’humidité stagnante accroît fortement le risque de développement des chancres.
L’humidité stagnante accroît fortement le risque de développement des chancres.

  Nectria galligena = Neonectria ditissima = Cylindrocarpon mali

Le « chancre européen des fruits à pépins » est un champignon très fréquent qui attaque principalement les pommiers et, dans une moindre mesure, les poiriers. Il occasionne sur l’écorce de rameaux de tous les âges des plaies ovales ou circulaires à bords retroussés ; le bois est mis à nu. Sur bois jeune, l’évolution des chancres est plus rapide que sur des rameaux âgés. La vigueur des branches diminue et lorsque l’annélation devient complète, la partie sus-jacente dépérit. Sur les fruits, ce champignon provoque une pourriture sèche.

Les infections sont les plus fréquentes dans des parcelles mal ventilées où l’humidité de l’air est forte : dans des fonds où l’air humide et froid s’accumule, dans des vergers entourés de brise-vents étanches… Une fumure azotée très forte favorise aussi cette maladie, et un sol très humide en hiver est une circonstance aggravante. Il existe entre les variétés de pommiers des différences importantes de sensibilité au chancre, et on évitera de planter dans une zone « à risques » des variétés réputées sensibles.

Les infections peuvent se produire de plusieurs manières et sur plusieurs sites : sur des lésions récentes apparaissent des coussinets sporifères qui émettent toute l’année des conidies (= spores asexuées), tandis que des ascospores (= spores sexuées) apparaissent sur des chancres plus âgés. Les deux types de spores sont libérés par temps doux et humide ou pluvieux, spécialement entre octobre et février. L’infection se produit au niveau de blessures naturelles (cicatrices pédonculaires ou pétiolaires) ou artificielles (plaies de taille, gélivures, grêle…) ou encore d’orifices naturels (lenticelles de l’écorce).

La lutte préventive consiste à protéger les rameaux lorsque des plaies sont apparues, par exemple immédiatement après un épisode de grêle ou pendant la chute des feuilles (deux traitements : le premier lorsque 10-20 % des feuilles sont tombées est le plus important, et le second se fait lorsque 80-90 % des feuilles sont tombées). On utilise le cuivre sous ses différentes formes chimiques.

La lutte curative peut se faire à tout moment : le repérage des petites plaies est plus facile lorsque les arbres sont dépourvus de feuillage, lors de la taille d’hiver. Les petits rameaux atteints sont enlevés et brûlés, les plaies de taille sont désinfectées et les gros chancres qui ne s’étendent pas au-delà des deux tiers de la circonférence sont traités à l’aide d’un couteau à chancres à lame incurvée : on enlève les bords de la plaie jusqu’à revenir à l’écorce et au bois sain, puis on enduit toute la plaie avec un mastic désinfectant.

L’efficacité du traitement des chancres et leur guérison peuvent être améliorées en complétant le nettoyage par un brûlage à l‘aide d’un décapeur à peinture en procédant comme suit : brûler le chancre rapidement, décaper toute la plaie au couteau, brûler les bords de la plaie et enduire de mastic.

De manière générale, le traitement des chancres demande beaucoup de temps, d’où l’importance de la lutte préventive et de la désinfection des outils à l’alcool ou à l’eau de Javel. Sur un terrain en pente, si faible soit-elle, il est important de prévoir dans le bas du terrain des trouées permettant à l’air froid et humide de s’écouler, et pour les mêmes raisons, de planter les lignes d’arbres selon la ligne de pente et non selon les courbes de niveau.

  Phytophthora cactorum

Ce champignon appelé « chancre du collet » peut prendre différentes formes sur plus de 150 espèces végétales. Sur les pommiers, il infecte le collet en provoquant le dépérissement de l’arbre. L’écorce se craquelle et elle se soulève en laissant voir des tissus bruns et humides au niveau du collet et de la greffe. L’arbre dépérit pendant la saison. Certaines variétés comme ‘Cox’s Orange Pippin’ sont particulièrement sensibles au chancre du collet.

Sur les abricotiers, on peut observer des fruits momifiés, et chez les poiriers, les fruits tombés au sol pourrissent rapidement. Sur les groseilliers, les rameaux se dessèchent.

Le développement du champignon est favorisé par un temps humide ou pluvieux, associé à une température élevée, supérieure à 20ºC. Les infections au collet sont favorisées par la présence d’une touffe d’herbe dense autour du tronc des arbres qui y maintient une zone humide.

La lutte préventive consiste à dégager le pied des arbres de toute végétation herbacée. Pour des variétés de pommier sensibles, les pépiniéristes procèdent à un double greffage : sur le sujet porte-greffe, on greffe une variété de pomme qui présente une faible sensibilité au chancre (par exemple ‘Dubbele Zoete Aagt’), puis à 50-60 cm du sol la variété fruitière réputée sensible.

En badigeonnant la base du tronc avec un produit cuprique additionné de colle de tapissier, il est possible d’éviter le développement du chancre du collet.

Des dégâts d’outil peuvent également entraîner l’apparition de chancre.
Des dégâts d’outil peuvent également entraîner l’apparition de chancre.

 Phytophthora cambivora et Phytophthora cinnamomi

La « maladie de l’encre » est responsable de la disparition des châtaigniers dans les régions ou leurs fruits constituaient une des bases de l’alimentation des humains et de certains animaux. Il vit en saprophyte dans la matière organique du sol, puis infecte les racines des châtaigniers. Au niveau du collet apparaissent des écoulements noirs. Dans la ramure, les pousses terminales se dessèchent.

La lute consiste à brûler et dessoucher les arbres atteints. La recherche de clones et de sujets porte-greffe résistants permet de reconstituer des châtaigneraies saines.

 Venturia pirina

La « tavelure du poirier » est un champignon dont le cycle ressemble à celui de la tavelure du pommier (Venturia inaequalis) à une différence près : chez le poirier, des petits chancres hivernants apparaissent sur l’écorce des rameaux de l’année ; ils produisent des spores qui infecteront les parties vertes (feuilles, fleurs, fruits, écorce des jeunes rameaux…).

La lutte se fera pendant la taille hivernale : il faut enlever et détruire tout le bois d’un an porteur de chancres. En cas de forte attaque et sur les variétés réputées sensibles à la tavelure, un traitement avec un fongicide ou de l’urée est conseillé après la chute des feuilles.

Quelques autres causes…

Les orages de grêle qui peuvent survenir pendant une grande partie de l’année occasionnent des dégâts importants à la ramure des arbres fruitiers. La première mesure à prendre immédiatement est une pulvérisation de fongicide qui évitera l’infection des blessures et favorisera leur cicatrisation naturelle. Une taille de restauration sera nécessaire ou non selon l’importance des dégâts.

Les gélivures résultent de variations brutales de la température de l’air pendant l’hiver. Sur les troncs et les charpentières apparaissent des fentes longitudinales qui peuvent être colonisées par des champignons responsables de la formation de chancres. Préventivement, en blanchissant les troncs avec de la chaux additionnée de colle, il est possible d’éviter le décollement de l’écorce. Les dégâts qui sont survenus peuvent être réparés en posant une série d’agrafes, puis un badigeon ou un baume cicatrisant.

En période hivernale, certains animaux peuvent endommager la ramure (les chevreuils) ou le tronc et le collet (les lapins et petits campagnols). On évitera les dégâts des premiers avec des clôtures et des seconds avec des répulsifs ou des manchons protecteurs.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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