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Les faits saillants de la saison céréalière, les variétés et la protection fongicide vus par le Carah

Le 22 juin, le Carah organisait la visite de ses champs d’essais mis en place à Ath sur le thème du renouvellement variétal et de la protection fongicide des escourgeons et froments. L’occasion d’épingler les particularités de cette saison, mais aussi de tirer quelques enseignements pour celles à venir.

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Le mois de juin est, traditionnellement, dédié aux visites des champs d’essais. Quelques semaines, voire jours, avant la moisson, on vient observer comment se sont comportées certaines variétés ou quelle a été l’efficacité de divers programmes phytosanitaires. Le Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la province du Hainaut (Carah) ne déroge pas à la règle et ouvrait, lui aussi, ses portes aux agriculteurs et autres conseillers (phyto)techniques de Wallonie.

Sous la houlette du service d’expérimentations et d’avertissements, une attention particulière est notamment portée à l’amélioration variétale, en froment et escourgeon. Ainsi, des nouveautés fraîchement commercialisées, voire en passe de l’être, sont mises au banc d’essai. Les lignées et hybrides déjà bien connues des agriculteurs ne sont pas pour autant délaissées : leur comportent au fil des années est lui aussi évalué.

En escourgeon, 36 variétés mises à l’épreuve…

Sur les 36 variétés d’escourgeons testées cette année à Ath (et Mainvault), se trouvent pas moins de huit nouveautés. On dénombre également treize variétés résistantes à la jaunisse nanisante de l’orge tandis que deux présentent une résistance aux deux virus de la mosaïque.

« Les semis ont été effectués le 4 octobre, à la densité de 275 grains/m² (210 grains/m² pour les hybrides) à Ath », éclaire Olivier Mahieu, responsable des expérimentations. « L’escourgeon n’est pas en retard par rapport aux années précédentes, vu la chaleur qui s’est abattue sur le pays en fin de cycle », poursuit-il.

Au 22 juin, jour de la visite, les rendements semblaient prometteurs, grâce aux pluies régulières observées en sortie d’hiver et au printemps. Plusieurs parcelles avaient déjà été récoltées dans quelques régions ou sous-régions.

Tant les variétés connues que les nouveautés prennent place dans les essais.  Ainsi, sur les 36 lignées et hybrides, huit connaissaient leurs premiers semis.
Tant les variétés connues que les nouveautés prennent place dans les essais. Ainsi, sur les 36 lignées et hybrides, huit connaissaient leurs premiers semis. - J.V.

  L’itinéraire cultural et les observations effectuées

Le désherbage des parcelles a été effectué avant l’hiver, le 18 octobre, avec Quirinius 1 l/ha + AZ 500 0,12 l/ha. Un complément a été apporté au printemps sous forme d’Allié 15 g/ha + Primus 0,075 l/ha, le 19 avril.

L’azote a été apporté à la dose totale de 165 unités, en 3 fractions (60 unités le 24 mars, 55 unités le 6 avril et 50 unités le 25 avril). Les deux traitements de régulation ont été appliqués les 5 (Medax Top 1 l/ha) et 27 avril (Medax Max 0,5 kg/ha).

Un traitement insecticide a été réalisé le 3 novembre (Karis 0,050 l/ha) vu la présence importante de pucerons. « Des repousses de céréales étaient fréquemment observées, ce qui constituait un véritable terrain de jeu pour les pucerons et leur laissait l’opportunité de se développer. »

Sur le front des maladies, c’est principalement la rouille naine qui était au rendez-vous. L’helmintosporiose, l’oïdium, la rynchosporiose et la ramulariose tardive figuraient aussi au sein du cocktail observé, mais en plus faible quantité.

Dans les parcelles traitées, Olivier Mahieu a opté pour un ou deux traitement(s) en vue d’assurer la protection fongicide de la culture. Les blocs à un traitement ont été traités le 2 mai avec Lenvyor 1 l/ha + Priaxor 1 l/ha au stade 39 (dernière feuille). Pour le double traitement, le Carah a appliqué Fandango Pro 1,5 l/ha le 5 avril au stade 1-2 nœuds, suivi du même Lenvyor 1 l/ha + Priaxor 1 l/ha, également le 2 mai au stade 39

Que pensez de la protection fongicide ? « La combinaison prothioconazole + strobilurine suivie de strobilurine + SDHI + Revysol a bien protégé le feuillage contre les maladies », commente Olivier Mahieu. Et de continuer : « La météo printanière aurait, pourtant, pu laisser présager d’une situation plus compliquée ».

Les résultats seront présentés ultérieurement aux agriculteurs, une fois les résultats post-récoltes analysés.

… et de nombreux programmes fongicides

Le Carah conduit des essais consacrés à la lutte contre les maladies cryptogamiques, à Ath et Molembaix. Cette année, deux nouveautés y ont été intégrées : Stavento/Mirror (500 g/l folpet) et Verben (50 g/l proquinazide + 200 g/l prothioconazole). Pour le reste, les produits étaient issus de plusieurs catalogues en vue de travailler avec un large panel de solutions disponibles sur le marché.

Sur le premier site, KWS Orbit est la variété testée, comme l’année dernière. Celle-ci a surtout montré sa sensibilité à la rouille naine et a présenté quelques symptômes de ramulariose. À Molembaix, les essais ont une nouvelle fois été menés sur la variété LG Zebra qui a montré un peu de rouille naine, d’helmintosporiose et de ramulariose.

L’itinéraire technique suivi est le même qu’énoncé précédemment. Les programmes fongicides mis en comparaison ont été appliqués aux stades 1-2 nœuds, le 4 avril, et dernière feuille, le 2 mai.

  Maladies, lutte et efficacité

Quant à la pression sanitaire observée sur l’essai installé à Ath, Olivier Mahieu renseignait essentiellement la présence de rouille naine tandis que les autres maladies « classiques » étaient moins présentes, soit une situation similaire à ce qui a été observé dans les essais variétaux. « Comme tous les ans, nous remarquons clairement la supériorité des doubles traitements par rapport aux simples traitements », poursuit-il.

« Sur base des cotations effectuées le 6 juin, en traitement unique à la dernière feuille, ressortent : Revytrex + Comet New et Ascra Xpro + Stavento. Ils semblent montrer une bonne action à la fois sur ramulariose et sur rouille naine et helminthosporiose. » Au niveau du premier traitement, le Revytrex seul semble insuffisant sur helminthosporiose ; son efficacité est améliorée par l’ajout de pyraclostrobine. Quant au deuxième traitement, une comparaison avec Ascra Xpro utilisé seul montre que lui adjoindre du soufre (ou de la pyraclostrobine) apporte un plus en efficacité.

« En conclusion, l’ajout de pyraclostrobine (Comet New ou Magnum) montre encore un effet intéressant sur helminthosporiose tandis que le folpet confirme son rôle pour lutter contre la ramulariose. »

Du côté des programmes à deux traitements, les combinaisons les plus efficaces sont : Input suivi de Imtrex + Balaya, Kestrel suivi de Priaxor + Lenvyor, Cello Triple suivi de Revytrex + Magnum, Verben + Comet New suivi de Velogy Era + Mirror, Balaya suivi de Velogy Era + Mirror, Simveris suivi d’Ascra Xpro + Stavento, et, enfin, Input suivi de Revytrex + Comet New. « Ce sont majoritairement des solutions faisant intervenir le prothioconazole, le méfentrifluconazole ou le metconazole (en mélange ou pas) en T1 et le méfentrifluconazole et la pyraclostrobine en T2. »

Près de 50 variétés de froment à l’essai

Après les escourgeons, place au blé et à un rapide point sur la situation au 22 juin. Olivier Mahieu : « En froment, la saison 2022-2023 a été caractérisée par des semis rendus difficiles par les pluies automnales. L’hiver a été assez pluvieux et doux tandis que le printemps s’est d’abord montré sec, en février, puis très pluvieux jusque mi-mai. Un temps sec et chaud a pris le relais par la suite, ponctué, ici et là, d’orages ».

Sur le plan sanitaire, la septoriose a, sans conteste, fait parler d’elle. Inutile de préciser qu’elle a été favorisée par un printemps très pluvieux durant la montaison, de début mars à la mi-mai.

La rouille brune était également très présente. « Elle s’est installée début mai dans les parcelles non traitées et a ensuite profité des températures élevées de juin pour s’étendre fortement, au point de toucher certaines variétés résistantes. » Quant à la rouille jaune, elle a parfois touché certaines variétés qualifiées de sensibles à très sensibles mais elle n’a pas connu un développement trop problématique cette année.

Le temps sec qui a régné durant la floraison a, quant à lui, écarté les problèmes de fusariose.

Côté insectes, quelques pucerons de l’épi et des lémas ont été observés à l’épiaison. Les cecidomyies semblent avoir été peu préjudiciables en Hainaut.

Dans les essais, la rouille brune s’est installée début mai dans les parcelles non traitées  et a ensuite profité des températures élevées de juin pour s’étendre fortement,  au point de toucher certaines variétés résistantes.
Dans les essais, la rouille brune s’est installée début mai dans les parcelles non traitées et a ensuite profité des températures élevées de juin pour s’étendre fortement, au point de toucher certaines variétés résistantes. - J.V.

  Les variétés testées

Les progrès de la sélection variétale en froment ont été évalués selon un itinéraire technique précis. L’essai, installé à Ath, a été semé le 19 octobre à la densité de 375 grains/m².

Pour son désherbage, le Carah a opté, avant l’hiver, pour Herold 0,6 l/ha+ AZ 500 0,15 l/ha le 21 octobre. Une correction a été effectuée au printemps sous forme d’Allié 15 g/ha + Primus 0,075 l/ha, le 27 avril.

L’azote a été apporté à la dose totale de 190 unités, en trois fractions (80 unités le 24 février, 60 unités le 6 avril et 50 unités le 15 mai). Les régulateurs ont été appliqués les 5 (Moddus 0,25 l/ha + Cycofix 1 l/ha) et 24 avril (Moddus 0,15 l/ha + Cycofix 0,6 l/ha).

La protection insecticide a été assurée le 8 novembre avec 0,050 l/ha Karis. Côté fongicides : Lenvyor 1,2 l/ha + Flexity 0,4 l/ha + Magnum 0,3 l/ha + Mirror 1,5 l/ha le 2 mai, et Velogy Era 0,6 l/ha + Univoq 1 l/ha le 31 mai.

Le comportement de l’ensemble de ces variétés face aux maladies a été évalué et sera exposé aux agriculteurs en temps utiles, de même que divers points relatifs au rendement, à la verse…

Quel programme contre les maladies ?

Un important essai de près de quarante objets, orienté sur les programmes proposés par les firmes phytopharmaceutiques et sur les stratégies mises en avant par le Carah, est déployé en matière de lutte contre les maladies en froment d’hiver. Il prend place à Ath, sur la variété Lg Skyscraper, et est complété par un second essai, installé à Wasmes, sur la variété WPB Calgary. L’itinéraire technique est similaire à celui présenté ci-dessus, à l’exception de la date (12 octobre) et de la densité de semis (350 grains/m²) et de l’une ou l’autre date de traitement.

Côté produits, une nouveauté a été mise à l’épreuve : Protendo Extra (125 g/l prothioconazole + 125 g/l tébuconazole), dont la composition est identique au Prosaro.

Peu avant la visite, une pression forte en septoriose était observée dans les essais, de même qu’une pression assez forte de rouille brune et faible de rouille jaune. À Ath, les différents traitements ont été appliqués, selon les programmes évalués, aux stades 1 nœud (31) le 18 avril, 2 nœuds (32) le 3 mai, dernière feuille (39) le 16 mai, épiaison (55) le 31 mai et floraison (60) le 8 juin.

Et Olivier Mahieu d’en tirer quelques enseignements : « L’efficacité des traitements réalisés au stade dernière feuille est largement supérieure à celle des traitements d’épiaison. Toutefois, cette année, ils laissent passer de la septoriose sur les F3, F2 et F1. De même, l’ensemble des traitements uniques d’épiaison ne parviennent pas à contrôler parfaitement la septoriose sur F3, car cette intervention est trop tardive pour permettre de stopper la maladie qui a déjà progressé. Les doubles traitements (32 +55) montrent, quant à eux, une efficacité supérieure aux simples traitements, mais, à Ath toujours, laisse encore passer la septoriose sur F3, F2 et F1. À Wasmes, l’efficacité a été supérieure, mais la variété semée affiche une meilleure résistance. Cela montre également l’importance du choix variétal en amont de la saison ».

  Les enseignements, à Ath

Malgré qu’il ne soit pas recommandé, un seul traitement unique de dernière feuille se distingue en date du 22 juin : Velogy Era + Univoq. Seul, l’Univoq laisser passer la rouille brune.

En traitement unique d’épiaison, le Carah n’observe que peu de différence entre les produits mis à l’épreuve. Sur rouille brune, Revistar Gold semble être le plus rémanent, tandis que l’Univoq seul, comme en traitement de dernière feuille, affiche une moins bonne performance.

Du côté des doubles traitements 2 nœuds – épiaison, « les interventions à base de Revysol (méfentrifluconazole) et les combinaisons Revysol en T1 et Aquino (Inatreq) + partenaire en T2 et inversement sont au top de l’efficacité sur septoriose, comme en 2021 et 2022 », note-t-il. Et d’ajouter : « Les objets incluant au moins une fois Aquino, Lenvyor, Revistar Gold, Revytrex et Balaya (en mélange ou pas) en T1, ou en T2, donnent des résultats parmi les meilleurs ».

D’autre part, l’ajout de Stavento (à base de folpet) à 1,5 l/ha ou de soufre à une triazole en T1 (Simveris ou Kestrel) montre une efficacité supérieure comparée à la triazole seule.

« En retrait, on épinglera les triazoles seules (Simveris, Kestrel, Artina+Patel…) en T1 suivie d’un T2, qu’importe celui-ci. »

Enfin, comme l’an passé, les traitements multiples à doses réduites 32+39+60 donnent des résultats certes bons, mais légèrement en retrait par rapport aux meilleurs traitements 32+55. « Le traitement T0 destinés à lutter contre la rouille jaune n’a, lui rien apporté de significatif dans la lutte contre la septoriose. »

  Avec plusieurs partenaires

« Parallèlement à cette expérimentation, nous prenons également part à d’autres essais de protection du froment qui s’intègrent dans un réseau regroupant différents partenaires actifs dans la recherche et l’expérimentation (Carah, Cra-w, Ulg Gembloux Agro-Bio Tech et Cpl Végémar) avec un protocole commun (une petite vingtaine d’objets) sur plusieurs sites dans le pays. Les résultats de cette expérimentation seront analysés et exposés dans les mois à venir, dans le cadre du Livre Blanc, mais on peut déjà affirmer, comme pour l’essai précédent, que les doubles traitements 32+55 montrent une efficacité supérieure aux simples traitements. »

Propos recueillis par J. Vandegoor

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