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La lutte contre les ravageurs du colza débute maintenant!

Bien que les semis de colza n’aient pas encore débuté, la lutte contre les insectes printaniers doit s’envisager dès maintenant et ce, par le biais de diverses pratiques visant à favoriser le développement des précieux alliés que sont les auxiliaires.

Temps de lecture : 5 min

Charançons, méligèthes, altises… les insectes ravageurs du colza sont légion. Mais leurs ennemis naturels le sont tout autant, avec notamment les représentants du genre Tersilochus (tableau 1).

33-Principaux parasitoïdes de ravageurs du colza et leurs taux de parasitism

Ces micro-guêpes parasitoïdes pondent à l’intérieur des larves de leur insecte-hôte. Au moment où celles-ci rejoindront le sol pour passer au stade adulte, elles seront mangées de l’intérieur par l’intrus. Une fois son hôte consommé, le parasitoïde créera un cocon et attendra, dans le sol, le printemps suivant pour émerger au stade adulte et s’envoler à la recherche d’un nouveau champ de colza hébergeant des proies potentielles !

Cependant, c’est dans son cocon, durant l’été, que Tersilochus est le plus sensible aux perturbations. Tout travail du sol réduit en effet drastiquement la survie de cet auxiliaire, et donc le nombre d’émergences au printemps. Un déchaumage ou tout autre travail superficiel du sol peut causer la mort d’un tiers, un labour de la moitié et une combinaison déchaumage-labour de deux tiers des parasitoïdes de la parcelle (figure 1).

Figure 1: émergence du parasitoïde au printemps dans le froment suivant un colza, selon différentes modalités de travail du sol (SD: semis direct, TCS: techniques culturales simplifiées).
Figure 1: émergence du parasitoïde au printemps dans le froment suivant un colza, selon différentes modalités de travail du sol (SD: semis direct, TCS: techniques culturales simplifiées).

Au printemps suivant, cette diminution des émergences des ennemis naturels impactera donc négativement le taux de parasitisme potentiel des ravageurs…

Comment favoriser ces auxiliaires ?

Plusieurs pratiques permettent de favoriser ces auxiliaires afin de tirer parti de leur activité.

  Préserver l’habitat

Le semis direct post-récolte du colza dans un rayon de 1.500 m autour de la parcelle cible permet d’augmenter les années suivantes le taux de parasitisme des méligèthes par deux espèces de parasitoïdes majeurs.

Si c’est possible, il est conseillé de récolter le colza quand le sol est bien ressuyé et portant, afin de préserver sa structure. Après la récolte, lorsque la moisson a été effectuée en bonnes conditions, il est recommandé d’éviter de déchaumer (un broyage des cannes en surface suffira) et de privilégier le semis direct (sans aucun travail de sol) de la culture suivante.

Dès cet été, tâchez d’implanter du colza à proximité (moins de 1.500 m) de cette parcelle non travaillée pour favoriser le déplacement des parasitoïdes vers cette parcelle de colza nouvellement emblavée.

  Fournir des ressources nutritives

L’implantation de bandes fleuries et/ou de cultures associées permet de fournir du nectar et du pollen aux populations de parasitoïdes, hébergeant alors ces auxiliaires à proximité de la parcelle, même en cas de faible infestation d’insectes ravageurs hôtes. Les plantes appartenant aux familles des Apiaciées/Ombellifères (achillée, carotte et fenouil sauvages…) et des Astéracées (centaurée, chicorée, marguerite…) sont particulièrement attractives pour les insectes auxiliaires.

  Améliorer le maillage écologique

C’est en coordonnant les pratiques mentionnées ci-dessus à l’échelle du paysage et sur plusieurs années qu’un réservoir d’auxiliaires pourra être conservé, voire favorisé, augmentant alors la régulation biologique des ravageurs du colza. En effet, plusieurs études ont montré que dans un paysage complexe, le taux de parasitisme des ravageurs du colza est plus élevé que dans un paysage simplifié (absence de bandes fleuries, de prairies, de parcelles non labourées…).

  Attention !

Concevoir une lutte biologique basée uniquement sur la régulation naturelle des ravageurs par leurs ennemis naturels serait une erreur. C’est le principe même de la lutte intégrée : cumuler tous les moyens de lutte à disposition et n’utiliser les insecticides qu’en dernier recours. C’est donc en cumulant les moyens cités précédemment avec le choix variétal, des décalages de date de semis, des associations culturales…, qu’une régulation des ravageurs sans produit phytosanitaire devient possible.

Même si leur présence est favorisée par les pratiques précédemment décrites, les parasitoïdes n’attaqueront les ravageurs qu’après les dégâts occasionnés sur la culture. C’est donc au fur et à mesure des années, avec une cohérence à l’échelle paysagère, que la régulation naturelle par ces auxiliaires s’installera, puis s’amplifiera.

Que faire face aux méligèthes ?

Les méligèthes (Meligethes aeneus) sont souvent présents en grand nombre au stade sensible de la culture (boutons floraux). Lorsque les seuils de traitement sont atteints, des insecticides sont appliqués pour éviter l’avortement des boutons attaqués par l’insecte.

En début d’été, les larves de ces nombreux méligèthes se trouvent dans le sol. Quelques jours avant la moisson, les adultes émergent et partent à la recherche de pollen, puis vont s’abriter dans la litière des zones boisées… et reviendront nombreux au printemps suivant sur les parcelles de colza, même à grande distance du site d’hivernage !

Dès maintenant, des mesures peuvent être prises pour enrailler les pullulations de ce ravageur au printemps 2024.

  Réfléchir aux variétés semées

Le méligèthe du colza préfère les fleurs aux boutons. Lors du semis du colza, prévoir un mélange de 5 à 10 % d’une variété haute et à floraison très précoce (comme Es Alicia) avec la variété d’intérêt est recommandé. Cela permettra de concentrer les insectes sur ces plants en fleur, tandis que la variété d’intérêt, encore en boutons, sera relativement épargnée jusqu’à sa floraison.

La variété de colza précoce Es Alicia  permet de détourner les méligèthes  de la variété d’intérêt encore  en boutons.
La variété de colza précoce Es Alicia permet de détourner les méligèthes de la variété d’intérêt encore en boutons. - Greenotec

De même, une bande de culture piège peut être implantée en bordure de parcelle ou dans toute autre zone peu productive de la parcelle, en pur ou en mélange fleuri : variété de colza précoce, autres variétés de crucifères à fleurs…

  Préserver les auxiliaires

Le cycle biologique du principal ennemi naturel des méligèthes est typique de la sous-famille des Tersilochinae (figure 2). C’est donc grâce au non-travail du sol, de la récolte du colza au semis de la culture suivante, que les populations de Tersilochus heterocerus seront efficacement préservées.

Figure 2: cycle de vie du parasitoïde du méligèthe.
Figure 2: cycle de vie du parasitoïde du méligèthe.

Il est vrai que la complexification du paysage bénéficie à la fois aux parasitoïdes et aux méligèthes… mais ces derniers ont une capacité de dispersion plus grande : ils parviendront donc toujours à trouver une parcelle de colza, même lointaine de leur site d’hivernation (plus de 10 km !), tandis que les auxiliaires ne seront actifs que dans un rayon de 2 km de leur site d’émergence.

Les parasitoïdes sont particulièrement sensibles aux traitements insecticides. Il est donc primordial d’éviter les pulvérisations durant leur période d’activité : lorsque le colza est en fleurs ! De plus, les méligèthes ne sont plus problématiques pour la culture à ce stade.

D’après Laurent Serteyn

Greenotec

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