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État des lieux de la filère ovine en Wallonie

L’élevage ovin a le vent en poupe depuis quelques années. C’est le bruit qui court dans les campagnes, mais est-ce vrai ? Quels sont les indicateurs qui peuvent soutenir cette rumeur ? Est-ce qu’il y a encore de la place pour de nouveaux éleveurs ou le marché est-il déjà saturé ? Quels sont les objectifs de la filière à l’avenir ?

Temps de lecture : 13 min

Depuis 2018, la filière ovine wallonne s’est vue dotée d’un plan de développement stratégique avec des objectifs clairs pour 2030. La filière doit tripler sa production pour atteindre un taux d’autosuffisance de 35 % en viande et de 20 % en lait.

Cela doit se faire, entre autres, par l’organisation de filières structurées, par l’installation de nouveaux élevages et par l’augmentation de la taille du cheptel moyen.

La production en augmentation depuis 2015

L’engouement relevé en 2018 lors de la sortie du plan de développement stratégique se confirme. L’élevage ovin attire, mais pas n’importe qui : des professionnels !

Le cheptel total de brebis reproductrices s’est renforcé entre 2015 et 2022 de 16.920 têtes. Mais le nombre de brebis détenues par les éleveurs professionnels a suivi une trajectoire plus forte encore avec 17.285 femelles supplémentaires.

Comment cela est-ce possible ? Les éleveurs professionnels sont les détenteurs d’au moins 30 femelles, de plus de 6 mois. Ces éleveurs se sont développés tandis que le cheptel détenu par les hobbyistes a diminué sur la même période de 365 femelles. C’est un premier indice de la professionnalisation du cheptel.

L’évolution du nombre de brebis est positive chez les éleveurs professionnels avec un gain d’environ 2.500 reproductrices par an. Cette augmentation est continue sur la période de référence, 2015 – 2022.

L’élevage hobbyiste, voie d’entrée dans la profession

En moyenne sur la période de référence, ce sont 24 nouveaux élevages professionnels qui se sont installés chaque année. Ce sont donc 152 troupeaux professionnels en plus sur la région, passant le total de 435 à 587.

Source : collège des producteurs
Source : collège des producteurs

La principale voie d’entrée dans l’élevage professionnel est l’élevage hobbyiste. Peu de nouveaux éleveurs professionnels commencent par des grands troupeaux directement. Ils démarrent par 10 à 15 mères, un chiffre qui évolue au cours du temps vers de plus grands cheptels. Ce modèle est certes plus lent, mais il est néanmoins à conseiller aux nouveaux éleveurs. Cela n’engage pas de grosses dépenses et laisse la possibilité d’essayer l’élevage avant de se lancer à plus grande échelle.

La taille moyenne du cheptel des professionnels suit la même tendance. Un élevage possédait 89 brebis en moyenne en 2015 pour atteindre les 95 brebis l’année dernière. Cette augmentation des troupes montre l’attrait de l’élevage ovin pour tous ceux qui s’installent et ceux déjà en place. L’ensemble des éleveurs investissent dans une production plus importante.

La professionnalisation du cheptel est donc bien en place. Il y a de plus en plus de moutons en Wallonie. Cependant, cela ne se traduit pas par une augmentation du nombre total de cheptels (-0,4 %) mais par une augmentation du nombre de cheptels professionnels (+34,9 %).

La production en agriculture biologique se porte bien

En 2022, 25.833 ovins étaient détenus par 223 éleveurs possédant au moins 10 moutons. La distinction entre les ovins et les brebis n’étant pas faite totalement et les données disponibles n’étant pas toutes récoltées de la même façon, il n’est pas possible de comparer complètement les données.

Cependant, la croissance du nombre d’ovins sous certification Agriculture Biologique est semblable à la croissance totale. Il y a près de 10 000 ovins bio en plus sur la période de référence 2015 – 2022.

Il y a ainsi environ 20 % du cheptel de reproductrices wallonnes qui est certifiée. Cette proportion se maintient avec la croissance de la production. Il s’agit d’un bon signe pour le secteur. Il n’est quand même pas souhaitable d’augmenter plus vite la proportion de moutons en agriculture biologique sous peine de déséquilibrer les marchés et d’arriver aux déclassements de carcasses en conventionnel.

La production de viande très loin devant celle du lait !

La production viandeuse en Wallonie représente 90,1 % des femelles détenues par des éleveurs professionnels. 90,3 % de ces éleveurs font de la viande. C’est donc la production majoritaire en Wallonie largement devant les autres spéculations.

Cela peut s’attribuer au fait que la production viandeuse est plus facilement accessible aux éleveurs double actif. Le temps d’astreinte est plus faible pour cette spéculation alimentaire. Le développement de filières organisées et structurées pour la viande permet également de favoriser ce type d’élevage.

Le lait, la seconde production alimentaire des moutons, ne représente que 6,8 % des reproductrices et 4,4 % des détenteurs professionnels. Cela signifie qu’en Wallonie, il y a plus d’éleveurs professionnels dont le but n’est pas la production alimentaire que de producteurs dont le but est de produire du lait. Fort heureusement, les producteurs de lait détiennent globalement plus de brebis.

La différence entre la non-production et le lait peut, en partie, s’expliquer par l’absence complète de collecte de lait. Les éleveurs doivent souvent transformer eux-mêmes leur lait ou conclure des partenariats directs avec des fromagers.

Il est nettement plus complexe et astreignant de devoir traire et transformer son lait pour en vendre les produits que de pouvoir se concentrer sur la production et la zootechnie en envoyant le lait vers l’aval de la filière. Ces éleveurs laitiers font souvent l’ensemble des métiers de la filière.

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Tandis que la non-production est facilement accessible puisque le foncier se limite à des réserves naturelles et de l’entretien de paysage. Les performances zootechniques n’étant pas un facteur de revenu, le temps d’astreinte n’en est qu’encore plus limité. Le revenu dans ce cas dépend d’autres facteurs que de la production ovine en tant que tel. Il est a noter que même l’entretien des paysages peut être productif pour le secteur alimentaire.

Les bergers wallons, un peu plus jeunes que leurs collègues agriculteurs

La production ovine attire des jeunes. Cette caractéristique est typique de l’élevage ovin. L’âge médian en agriculture est de 58 ans, soit près de 10 ans en plus que les bergers wallons. Le mouton est-il une porte d’entrée en agriculture ?

Les ovins présentent de nombreux avantages qui permettent à des jeunes d’installer cette spéculation dans leurs exploitations. Tout d’abord, les moutons demandent peu d’espace en bâtiment et d’investissements en matériel dans un premier temps. Ils peuvent utiliser une partie du parc de machine déjà présent pour d’autres ateliers de ruminants.

Des filières s’organisent et peuvent acheter les agneaux produits. À la seule condition que ceux-ci correspondent aux exigences des marchés. La PAC offre une aide couplée au secteur ovin. Cela permet d’améliorer le revenu des éleveurs dans cette spéculation où la rentabilité peut vite être mise à mal.

Cette espèce peut se rendre sur de nouveaux types de parcelles (pâturage d’entretien de superficie non-agricole, couverts végétaux d’intercultures, nettoyage des parcelles de bovins en hiver, agrivoltaïsme, entretien de vignes et vergers, déprimage des céréales d’hiver, etc.). Ce qui rend l’accès au foncier légèrement plus facile.

L’offre en accompagnement technique s’étoffe (suivi parasitaire, ambiance des bâtiments, encadrement d’élévéo, recherches, etc.).

Enfin, la spéculation est mieux représentée dans les formations des futurs agriculteurs (cours A et B, ovinpiades, journées techniques en école, etc.). On note aussi le manque global d’agneaux locaux sur nos marchés dont la production est largement déficitaire. Cela laisse de la place aux productions locales peu importe les circuits (courts, longs, qualités différenciées, etc.).

L’ensemble de ces facteurs poussent de plus en plus d’éleveurs à rejoindre la spéculation. Et par chance, la plupart d’entre-eux sont très qualifiés en agriculture.

L’âge moyen de ces éleveurs permet de voir l’avenir plus sereinement que pour d’autres spéculations agricoles. Les moutons attirent plus de bergers chaque année et ceux-ci, plus jeunes, peuvent assurer la relève et la pérennisation de la production sur de nombreuses années.

Les moutons liés aux régions herbagères

Les ovins sont des ruminants, par conséquent la majorité de leur ration est du fourrage grossier.

La répartition géographique des élevages démontre qu’en Wallonie les moutons sont liés intrinsèquement à l’herbe. Le Luxembourg représente 33 % des brebis et 26 % des élevages professionnels. La province de Namur effectue la plus belle progression sur la période de référence (2015 – 2022) avec une augmentation de 5 500 brebis.

Grâce à cela, la province prend la deuxième place du podium qui est complété par la province du Hainaut avec 200 brebis de plus que la province de Liège. C’est la province où le cheptel a progressé le moins vite. Ce qui lui fait perdre 2 niveaux passant de la seconde à la 4ème place.

 

Abattoirs flamands et bruxellois

Par le passé, les agneaux étaient peu valorisés sur le territoire wallon. Les abattoirs flamands étaient plus compétitifs et les éleveurs wallons préféraient le prix et la qualité de l’abattage à la proximité.

Cependant, le contexte économique et réglementaire a évolué. Les abattoirs flamands se sont raréfiés, tandis que les abattages wallons se sont renforcés ces dernières années. Pour 2022, la tendance est à la stabilisation des volumes d’abattage wallons, mais 2023 a déjà réservé des surprises avec la fermeture d’un outil d’abattage ovin.

L’année de départ dans ce cas est 2016. À ce moment, le nord du pays ne comptait pas moins de 19 abattoirs qui traitaient des ovins. Cette année-là pas moins de 127 499 moutons ont été abattus en Flandre. C’était avant l’obligation d’abattage avec étourdissement. Les marchés Halal et Casher étaient encore disponibles pour ces outils.

Pour se permettre des niveaux d’abattages aussi élevés, les usines flamandes importaient des moutons des Pays-Bas. Ceux-ci étaient uniquement abattus en Belgique, mais ils étaient nés et élevés en Hollande. La réduction de ces importations d’animaux vivants est flagrante suite à l’interdiction de l’abattage rituel. En 2018, 1150 tonnes équivalent carcasses (téc.) d’ovins-caprins sont importées en Belgique. Pour l’année 2019, ce ne sont plus que 670 téc. qui sont importées. Soit, une diminution de 42 % des animaux vivants importés en Belgique en un an. Cela ne s’est jamais remis complètement même si en 2022, ce sont tout de même 770 téc. qui ont été importées vivantes.

Le déclin des abattages et du nombre d’abattoirs s’était déjà enclenché avant la fin de l’abattage sans étourdissement. Mais cette réglementation marque véritablement un tournant dans la répartition des abattages belges. L’abattage sans étourdissement a été interdit en Flandre depuis le 1er janvier 2019. Il ne l’est toujours pas en région bruxelloise.

L’abattage rituel maintenu à Bruxelles leur a permis de récupérer plus de 4.000 abattages d’ovins dès 2020 et de maintenir ces volumes aujourd’hui. L’interdiction flamande est marquée par une chute de 30.000 abattages et la fermeture directe de 3 outils.

Les abattages en Wallonie

Aucun des abattoirs wallons ne possède de chaîne spécifique aux petits ruminants. Les abattages se déroulent soit sur des chaînes dédiées aux bovins soit aux porcs. Le développement de 2 chaînes dédiées aux ovins en Wallonie est un des objectifs stratégiques de la filière ovine.

Toutefois, il est a noté qu’avec le développement des filières viandeuses locales, les abattages se sont développés. Cependant, une partie de cette croissance est due aux mouvements réglementaires liés aux abattages sans étourdissements. La fin des abattages rituels en Flandre est effective depuis le 1er janvier 2019. La Wallonie ne l’a mise en place que le 1er septembre 2019. Ce délai a motivé certains abatteurs à descendre au sud du pays pour continuer leurs abattages sans étourdissement. Malgré la mise en place de l’interdiction, ils sont toujours présents sur notre territoire.

En conclusion, sur la période 2016 – 2022, les abattages belges se sont tassés de 32,3 % avec une perte de 45 800 abattages. Mais la répartition est différente selon les régions.

Un effondrement en Flandre avec une chute de 81,8 % soit 82 100 têtes en moins et une croissance de 213 % soit une multiplication par plus de 3 en Wallonie passant de 14.500 à 45.600. La même situation à Bruxelles avec une croissance de 39,5 % soit un gain de 5.200 têtes.

Ces mouvements sont le fruit d’évolutions législatives redistribuant les flux d’importation avec moins d’animaux vifs importés des Pays-Bas pour plus de carcasses certifiées pour les abattages rituels. Du renforcement de la production wallonne utilisant les outils locaux et, enfin, de la concentration des outils d’abattages visible même dans les autres filières viandeuses.

Évolution de la consommation

Une fois que les agneaux sont produits et abattus, il faut qu’ils se vendent. Et pour ce faire, le seul juge en la matière reste et restera le consommateur. Les éleveurs doivent donc produire des animaux dont les standards sont ceux attendus par ces consommateurs. Les abatteurs et découpeurs doivent sublimer les produits pour les rendre le plus attractif possible.

La consommation n’est pas maîtrisable a priori mais on peut analyser ses résultats a posteriori. Au niveau européen, la consommation mesurée est de 1,43 kg équivalent carcasse par habitant. L’UE n’est également pas autosuffisante en viande ovine. Le taux d’autoapprovisionnement de l’UE était de 83 % en 2022.

Il y a de grandes différences au sein de l’UE : la France consommait l’année dernière 2,3 kg éq. carc., l’Irlande était à 3,3kg éq. carc. tandis que les Hollandais, les Allemands et les Danois dégustent respectivement 1,0 ; 0,8 et 0,7 kg. éq. carc. Dans le monde, certains pays sont de grands consommateurs. Les Anglais consomment environ 4kg éq. carc. tout comme la Chine, premier troupeau mondial en nombre de tête à 326 millions, et également le premier importateur.

Le Belge n’est pas un gros mangeur de viande ovine

Les Belges ont mangé 1,17kg éq. carc. La consommation locale est donc sous la moyenne européenne. Le belge n’est pas un grand consommateur de viande ovine comme il n’est pas un grand producteur. Il y a une marge progression mais un repli est également envisageable.

La production ovine attire des jeunes. Cette caractéristique est typique de l’élevage ovin.  L’âge médian en agriculture est de 58 ans, soit près de 10 ans en plus que les bergers wallons.
La production ovine attire des jeunes. Cette caractéristique est typique de l’élevage ovin. L’âge médian en agriculture est de 58 ans, soit près de 10 ans en plus que les bergers wallons. - Jean Marot.

En 2021, la consommation apparente était de 1,01 kg éq. carc. C’était la consommation la plus faible des dix dernières années. Rien n’est donc acquis.

Sur un laps de temps plus long, la consommation est en légère décroissance d’une trentaine de grammes par habitant et par an. Depuis 2010, c’est donc plus de 3000T éq. carc. qui sont consommées en moins par an en Belgique.

Cela représente l’équivalent de 60.000 agneaux par an. Cette consommation agglomérée est surtout pilotée par la consommation de viande ovine. Les abattages de caprins ne représentent que 20 % des abattages agglomérés des 2 espèces et en moyenne un caprin est 50 % plus léger qu’un ovin en poids carcasse. Les chevreaux pesant 5 à 6 kg abattus contre des agneaux à 20kg. Les animaux adultes abattus des 2 espèces confondues sont environ du même poids carcasse.

Taux d’autoapprovisionnement

La production du sud du pays se développe. Mais au nord, le cheptel s’érode avec une diminution de 2 % des ovins depuis 2016. Malgré tout, les données nationales sont très influencées par le cheptel flamand puisqu’il est toujours plus important avec 20.000 ovins en plus. Il y a ainsi eu entre 2021 et 2022 une diminution importante de la production indigène belge malgré la poursuite de la croissance de la production wallonne.

La consommation s’est renforcée de 160 g par habitant entre 2021 et 2022. Ce qui augmente les besoins en viande et diminue l’importance de la production nationale dans les besoins totaux. Il a fallu recourir aux importations pour corriger cela.

Ces deux facteurs expliquent le passage d’un taux d’autosuffisance de 21,5 % à 13,9 % entre 2021 et 2022.

L’objectif principal de la filière ovine wallonne reste de multiplier par 3 la production de 2015 pour 2030. Cela se fera comme prévu par la formation des éleveurs mais également du reste de la filière comme les tondeurs, les abatteurs, les découpeurs, la diversification bovine – ovin, par l’amélioration des structures de l’aval de la filière, par l’organisation de filières de commercialisation, par le maintien d’un encadrement technique suffisant, etc.

Quel avenir pour la filière ?

La filière n’est pas en reste concernant les défis d’avenir. Le loup est une menace majeure pour le développement de la filière et pour son acceptation par la population. L’accès au foncier n’est pas une problématique uniquement réservée aux bergers, mais les limite eux aussi. Le manque de valorisation des écoproduits de l’élevage comme la laine, le cuir, la lanoline, le 5ème quartier, etc. est un frein au développement de revenus pour les éleveurs.

L’érosion des outils d’abattages augmente les temps de trajets des animaux vifs. Enfin, les évolutions législatives peuvent ruiner, en quelques mois, les efforts accomplis depuis de nombreuses années. Une attention permanente pour l’ensemble de ces sujets est à maintenir pour pouvoir continuer de dire que les ovins attirent des jeunes en agricultures et nourrit localement les populations.

Le chemin parcouru est déjà impressionnant. Mais ce n’est que le début de cette longue aventure du développement de la filière ovine. Le travail est là, il ne reste plus qu’à l’accomplir pour souhaitons-le, arriver un jour à l’autonomie en produits ovins sur notre territoire.

Nicolas Marchal

Collège des Producteurs

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