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Corriger la salinité dans les serres maraîchères avant les cultures d’automne

L’été a entraîné des besoins élevés en irrigation pour les cultures estivales et les serres maraîchères en augmentant le risque de salinité du sol. Avant les cultures d’automne, il est important de savoir repérer les signes d’un excès de sel et de prendre les précautions nécessaires afin de permettre à vos plantes de se développer correctement.

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Lors de leur croissance et de leur maturité, les cultures estivales absorbent des quantités importantes d’eau dans le sol. L’évaporation d’eau en surface est également très importante lors de toutes les journées ensoleillées. En plein air, ces quantités d’eau exportées sont compensées par les précipitations et les irrigations. Si les précipitations sont importantes, on peut même constater la lixiviation des éléments minéraux les plus solubles vers les zones inférieures du profil du sol.

Pour les cultures sous serre maraîchère, c’est l’irrigation qui doit assurer cette compensation. Cependant plusieurs facteurs peuvent amener à un déséquilibre. Très généralement, les apports ne compensent pas les exportations par les plantes et l’évaporation de surface de sol.

En cette fin d’été, il est nécessaire de prendre un maximum de précautions pour limiter les conséquences fâcheuses pour les cultures qui occuperont le terrain lors des prochains mois.

Ainsi, la météo chaude et lumineuse du printemps, au début juillet et depuis la mi-août, a amené de forts besoins en eau d’irrigation dans les serres maraîchères. Dans de nombreuses situations, les apports d’eau pour les cultures d’été ont été calculés au plus juste ou réduits. La conséquence est que nous avons maintenant des interrogations sur le niveau de salinité des sols.

Les cultures d’automne vont se retrouver dans une situation comparable. Néanmoins, leur résistance à la salinité peut être nettement moins bonne que celle de cultures estivales, comme la tomate ou le melon.

Un excès de sel dangereux pour la croissance et la santé des plantes

Quand l’évaporation d’eau et son absorption par les cultures sont significativement plus importantes que les apports, une remontée capillaire d’eau qui amène des sels dissous et une accumulation des sels dans la partie supérieure du sol est constatée. Quand le bilan reste déficitaire sur une longue période, la teneur en sels solubles dans l’eau peut devenir très élevée. Il y a alors deux conséquences : une toxicité par excès de sels et un déséquilibre entre les éléments nutritifs.

Le déficit hydrique peut provoquer des chloroses et des nécroses sur les feuilles.
Le déficit hydrique peut provoquer des chloroses et des nécroses sur les feuilles. - F.

Dans les cas extrêmes, il y a d’ailleurs un arrêt de la croissance et une apparition de signes de toxicités ou de blocages sur la végétation. De manière moins évidente et dans un premier temps, on constate également une sensibilité accrue des cultures à des maladies de faiblesse.

En pratique, ce sont d’abord les racines qui se développent de façon moindre ou qui fonctionnent moins bien lorsque la salinité est élevée. L’exploration du profil du sol est moins performante. La captation par les plantes diminue, l’absorption d’éléments mineurs devient insuffisante.

Savoir repérer les signaux d’alerte

Il faut être vigilant lorsque la culture ne se développe pas selon le calendrier prévu. Elle tarde à s’installer et les plantes prennent une teinte plutôt foncée. L’élévation de la salinité du terrain modifie la tonicité de la solution du sol rendant l’absorption d’eau plus difficile par les plantes. Elles montrent alors des signes de perte de turgescence lors des heures chaudes de la journée, de flétrissement temporaire ou permanent, voire même des mortalités.

Un autre signe peut nous alerter : les adventices ne se développent pas très bien non plus. Elles sont moins nombreuses, elles restent plus petites que d’habitude. Comme plusieurs espèces végétales sont concernées par ces observations, même si c’est à des degrés divers, cette réflexion dépasse les seuls symptômes de maladies spécifiques. Mais n’oublions pas que certains champignons telluriques s’étendent aussi en multi-espèces et en affectant les racines, ils amènent des premiers symptômes proches de ceux de la salinité.

Le paillage est indispensable pour limiter les risques de salinité de surface.
Le paillage est indispensable pour limiter les risques de salinité de surface. - F.

Un autre signal est la répartition de zones de la serre où la situation est plus préoccupante. Ces zones sont celles où les asperseurs se croisent moins bien. Dans ces endroits, où les apports d’eau sont les plus faibles, les plantes souffrent davantage.

Sous une serre maraîchère, les seuls apports d’eau proviennent de l’irrigation. Tout manquement ou mauvaise répartition aura des conséquences sur le risque de salinité. Si les asperseurs recouvrent insuffisamment les zones irriguées, le sol peut donner l’impression d’être mouillé partout, alors que les quantités apportées ne sont pas les mêmes sur chaque m² de la serre. Nous pouvons nous en rendre compte quand le sol se ressuie après une irrigation et de manière plus précise en installant une série de pluviomètres en différant endroits de la zone mouillée par un asperseur. Il n’est pas rare de constater des différences d’apports d’eau dans un rapport de 1 à 4.

L’importance de l’analyse du sol pour mesurer la salinité

Une analyse de sol réalisée afin de déterminer la salinité est la méthode recommandée pour quantifier le problème. Sur base des résultats, nous pourrons entamer une série d’irrigations destinées à lessiver les sels en excès et les diluer dans le profil. Les éléments minéraux restent disponibles pour les cultures, mais sont moins concentrés dans la partie supérieure de la zone d’enracinement. Il ne s’agit pas d’une analyse classique des éléments fertilisants, mais bien d’une analyse spécifique.

La salinité peut entraîner une déformation des plantes.
La salinité peut entraîner une déformation des plantes. - F.

La mesure de la teneur en sels solubles par kg de sol se fait généralement par une mesure indirecte, plus rapide. Parmi les méthodes usuelles, la conductivité exprimée en milliSiemens/cm ou en microSiemens/cm d’un extrait aqueux au 1/5 est en lien direct avec la teneur en sels solubles. D’autres méthodes rapides sont également utilisées pour estimer de manière indirecte la concentration en sels, comme celle de la détermination de la conductivité électrique à 25ºC d’un extrait de pâte saturée, par exemple.

Corriger le plus rapidement possible avant d’implanter de nouvelles cultures

Avant l’implantation des nouvelles cultures de printemps, il est nécessaire de prendre rapidement la mesure du problème de salinité dans chacune des serres, et d’envisager les irrigations correctrices tant qu’il y a encore de l’eau de pluie disponible dans les réserves.

Les besoins en eau d’irrigation correctrice peuvent se calculer. Les paramètres dépendent de la nature du sol, des qualités de l’eau, de la quantité de sel à éliminer. L’irrigation correctrice est, elle, plus facile à calculer et à mettre en œuvre durant la période entre deux cultures. Simplement comme ordre de grandeur, des apports de l’ordre de 200 mm d’eau de pluie permettent de corriger pas mal de situations sous au moins deux conditions. La première : le drainage est suffisant et efficace. La seconde : les asperseurs ont été réaménagés pour que les précipitations soient réparties uniformément avec des variations d’au maximum 20 % entre les extrêmes.

Les feuilles présentant une forme de cuillère sont un signal d'alarme.
Les feuilles présentant une forme de cuillère sont un signal d'alarme. - F.

Une gestion optimale de l’irrigation implique une adaptation des apports pour satisfaire aux besoins de la culture en place, y compris les pertes au niveau du sol. L’emploi d’appareils de mesure de l’humidité dans le sol comme les tensiomètres, par exemple, sont bien utiles.

Les apports de fumures raisonnées permettent d’éviter des fluctuations saisonnières importantes au fil de l’année.

Le paillage, les techniques de travail du sol, de bonnes structures de sol sont autant de mesures qui permettent de limiter les évaporations en surface de sol et les remontées capillaires. C’est extrêmement important : le paillage devrait être généralisé au moins durant les cinq mois de mai à septembre.

Une teneur en matière organique du sol correspond à un pouvoir tampon et une capacité d’échange élevé. Le seuil de toxicité de la salinité sera plus élevé avec des sols à teneurs élevées en matières organiques.

Les fumures minérales classiques seront fractionnées pour limiter les quantités apportées par intervention. Les engrais retard et les terrains organiques libèrent les éléments progressivement.

F.

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