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Quel avenir pour les exploitations bovines : les consommateurs auront toujours le dernier mot

En Wallonie, le lait et la viande bovine représentent la moitié de la valeur de la production agricole finale. Mais qu’en sera-t-il dans vingt ans ? Comment ce secteur va-t-il évoluer ? Et quels seront les facteurs qui influenceront son avenir ? Ces questions, l’étude PROBOV, menée par le Cra-w tente d’y répondre afin de permettre aux acteurs de la ruralité de mieux se projeter dans les années à venir.

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Les vaches font partie intégrante du paysage wallon. Pourtant, au cours de ces deux dernières décennies, le cheptel bovin s’est réduit de 30 %, tandis que le nombre d’éleveurs régressait de deux tiers. Des professionnels, aux revenus instables, qui se retrouvent confrontés à des consommateurs préoccupés par des problématiques telles que la préservation de l’environnement, du respect du bien-être animal ou encore de l’impact de la consommation de produits animaux sur la santé humaine.

Conscient de l’évolution de la société et de ses comportements, le Centre wallon de recherches agronomiques a mené une étude afin d’y voir plus clair sur ce qui nous attend. Intitulée PROBOV, cette recherche a pour objectif de mieux se projeter dans l’avenir des exploitations bovines wallonnes à l’horizon 2040. Au terme de ce travail, quatre scenarii possibles ont été établis. Quatre situations différentes, donc, qui dépendent de deux grands facteurs : le citoyen-consommateur et l’Union européenne.

Pour le premier axe, deux perspectives sont envisagées. Le citoyen peut avoir un comportement dit cohérent ou incohérent, comme nous l’explique Victoria Tosar qui a mené cette étude. « Globalement, tout le monde veut que l’environnement aille bien, soit respecté, mais la question c’est : quand je vais au magasin, j’achète quoi ? Et là, soit on est en phase avec ses convictions citoyennes, et on sera cohérent. Soit on se retrouve à faire ses courses en vitesse, à prendre des produits low-cost, à acheter n’importe quoi, et ce malgré ses convictions. Là, il y a une incohérence ». Attention, la recherche précise qu’une partie de la population, aux revenus plus faibles, n’a pas la possibilité de choisir les aliments qui se retrouveront, au final, dans son caddie.

Le second axe de l’étude concerne, lui, les décisions prises par l’Union européenne. Deux choix sont possibles : soit cette institution adopte des clauses miroirs, soit ces normes ne sont pas obligatoires et la loi de l’offre et de la demande domine. Pour rappel, avec les clauses miroirs, les produits alimentaires importés doivent répondre aux mêmes normes que celles imposées sur le territoire européen.

Des fermes sans éleveurs et des croisements terminaux

Sur base de ces deux axes, voici ce qui peut arriver. Commençons par les scenarii les plus pessimistes pour les agriculteurs wallons. La première situation, décrite par cette étude, envisage que dans vingt ans, les citoyens seront incohérents et totalement déconnectés du monde agricole. Du côté de l’Europe, aucune clause miroir n’aura été instaurée. Que va-t-il alors arriver ? Ce sera des exploitations… sans éleveurs ! « La grande distribution mettra une pression exrême sur le prix d’achat des matières premières. L’Union européenne continuera, quant à elle, à aller vers moins de produits phytosanitaires, moins d’engrais, tout en menant des politiques ultralibérales ». Une situation difficilement tenable pour les agriculteurs… Quant aux fermes, elles seront de plus en plus grosses. Des mega-exploitations robotisées et à la pointe de la technologie. À leur tête ? Une personne chargée de chapeauter le tout et qui envoie ses « hommes » sur le terrain. Le savoir-faire et la présence humaine dans les fermes ? Aux oubliettes ! Quant aux citoyens, ils mangeront de plus en plus de viande hachée et des plats tout préparés. Par conséquent, l’élevage laitier sera favorisé avec de la viande issue de bovins réformés. Quant à l’élevage allaitant, il perdra de la vitesse…

Changeons maintenant notre perspective pour imaginer un autre futur. Le citoyen reste incohérent, mais l’Europe a décidé d’adopter les clauses miroirs. Victoria Tosar explique ce scénario : « On se retrouvera avec des exploitations restructurées par le croisement terminal. Le consommateur saura qu’en grande surface, tous les produits possèdent des normes équivalentes. Il ne se tracassera donc plus de savoir si la vache étrangère est de meilleure ou de moins bonne qualité que la vache belge. Et comme il voudra aller au moins cher, il favorisera les produits qui ne viennent pas de chez nous ».

L’agriculteur sera obligé d’optimiser ses coûts de production pour produire aux prix les plus bas possible et ainsi rester concurrentiel face au marché étranger. « Il fera de la viande avec du lait comme on dit. Dans son élevage laitier, ses meilleures vaches continueront à être inséminées pour renouveler le cheptel, tandis que les bêtes plus moyennes, seront croisées avec une race viandeuse pour que les veaux puissent être engraissés pour la production de viande. Le Blanc-Bleu Belge sera dans la même situation que le Piétrain. On l’élèvera uniquement pour ses gènes et non pour ses avantages d’éleveur. De plus, des bassins de production se dessineront en Wallonie. Par exemple, dans certaines régions, on ne produira que du lait et dans d’autres que de la viande ».

Des situations plus optimistes…

Vous l’aurez compris grâce à ces situations : si le citoyen est incohérent, dans vingt ans, la vie des éleveurs risque d’être fameusement chamboulée. Et si, on imagine le monde de 2024 avec des consommateurs plus en phase avec le monde agricole qui l’entoure, que se passe-t-il ? Les situations changent du tout au tout, avec toujours deux scénarii possibles, selon que l’Europe ait adopté, ou non, les clauses miroirs.

Si ce n’est pas le cas, alors dans les étals des magasins, les produits wallons seront mis en concurrence directe avec ceux provenant de l’étranger. Cependant, le consommateur ne devra pas payer plus cher pour manger local puisque le secteur agricole se sera adapté en proposant un prix accessible. Pour ce faire, il aura dû diminuer ses coûts de production avec, notamment, l’optimisation du pâturage, l’augmentation de la part et de la qualité de fourrage dans les rations, l’identification et l’optimisation de la culture d’espèces végétales régionales d’intérêt pour l’alimentation des bovins ou encore l’identification de compléments en énergie issus de ressources locales.

Le consommateur sera attiré par ces produits et aura confiance en eux grâce, notamment, à l’usage des labels, au marketing, ou aux nouveaux services mettant l’accent sur le local, comme Hello Fresh mais à la sauce wallonne. Dans ce cas de figure, les citoyens pourront soutenir les agriculteurs en payant le prix juste. Des agriculteurs avec un sens du métier retrouvé et un travail rémunéré à sa juste valeur.

Des exploitations sur mesure et diversifiées

La dernière situation possible mise en avant par cette étude est « Des exploitations sur mesure pour chaque demande ». Ce scénario est possible si le citoyen est connecté avec ses convictions et si l’Europe a adopté les clauses miroirs.

« L’agriculteur va vraiment avoir un changement de visions des choses. Il va comprendre qu’il y a plusieurs catégories de consommateurs, et, par conséquent, plus de types de demandes possibles. Il va analyser ce qu’il aime faire, mais aussi ce que la société attend de lui, et va trouver une adéquation entre les deux. L’agriculteur saura ce qu’il produit et pour qui. Il y a une diversité des demandes et des offres. Très vite, des labels seront mis en place, pour permettre une communication transparente et renouer la confiance ».

Avec ce scénario, le citoyen aura conscience du modèle d’agriculture qui permet la production de ce qu’il achète : quelle réalité derrière le produit blanc et derrière tel ou tel label de qualité différenciée. Suite à ce changement de mentalité, la Wallonie verra cohabiter sur son territoire des exploitations bovines représentant une diversité de formes d’élevage.

Tisser du lien entre deux mondes

Si PROBOV imagine plusieurs situations, une chose reste commune à tous les scenarii : c’est le citoyen qui aura le dernier mot. « On voit bien que sans demande du consommateur, l’agriculteur ne pourra pas vivre décemment. Il est primordial de remettre le citoyen au cœur de la réflexion des exploitations bovines » note d’ailleurs Victoria Tosar.

« Payer plus cher, même pour une qualité différenciée, n’est pas tenable pour le consommateur dans la situation actuelle, sans une meilleure compréhension des enjeux et des contraintes du secteur agricole. Remettre du lien est une étape obligatoire pour que le citoyen soutienne à nouveau les exploitations bovines », indique l’étude.

Pour reconnecter ces deux mondes, PROBOV mise sur l’éducation et l’information. Ainsi, le citoyen cohérent aurait appris les grandes bases du monde agricole dès la maternelle, et tout au long des primaires et secondaires. Il y aurait davantage de fermes ouvertes organisées. Les citoyens pourraient aussi recevoir une information simplifiée pour lui permettre de comprendre des notions complexes, comme la durabilité. Les messages diffusés concernant le monde agricole seraient justes, sans publicités idéalistes ou mensongères. De leur côté, les pouvoirs publics mettraient en avant l’agriculture wallonne en diffusant des savoirs-faire réels du terrain. Bref, une reconnexion entre citoyen et agriculture, pour aboutir à une culture du bien vivre et à une véritable fierté de l’agriculture wallonne et de ses produits.

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