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Ça roule pour l’apiculture en province de Liège!

« Je recherche l’or du temps », écrivait André Breton. Pensait-il aux reflets jaunes irisant le corps trapu des abeilles, à la couleur ambrée de leur miel ? L’apiculture, c’est un peu la poésie de l’agriculture. Les apiculteurs, des lecteurs de ruches qui évoluent au rythme des floraisons. Germinal, Messidor, Thermidor, des périodes qui évoquent joyeusement le colza, le châtaignier, le trèfle et la luzerne au fil de l’année. Pour perpétuer la magie dans les champs et prairies, le Centre de Formation en Agriculture et Ruralité de Liège (Cpfar) situé à Crisnée, a décidé de leur donner un coup de pouce.

Temps de lecture : 8 min

La province a ainsi mis sur pied, ou plutôt sur route un outil tout à fait original : une miellerie mobile qui participe de la sensibilisation au monde d’apiculture en province de Liège.

Un outil à destination des apiculteurs et des écoles d’apiculture

Cet atelier itinérant dédié à l’extraction du miel des cadres de ruches a été mis en service en juin 2015. Il répond à un besoin des apiculteurs liégeois qui ne disposent pas, pour ce faire, du matériel onéreux, encombrant et qui ne se justifie que lorsqu’on a un nombre suffisant de ruches.

«Le local et les outils sont mis gracieusement à notre disposition. Cela nous permet de continuer à élever nos abeilles, à vivre notre passion sans devoir investir dans du matériel réellement coûteux» (Julien Dumoulin).
«Le local et les outils sont mis gracieusement à notre disposition. Cela nous permet de continuer à élever nos abeilles, à vivre notre passion sans devoir investir dans du matériel réellement coûteux» (Julien Dumoulin). - M-F V.

L’outil vient en aide à celles et ceux qui se sont lancés en apiculture dans un esprit de maintien de la biodiversité et de la sauvegarde des pollinisateurs et qui ne s’inscrivent pas dans une logique de commercialisation.

Cette unité mobile de 4,50m de long sur 2,50m de large est aménagée selon les normes d’hygiène de l’Afsca. Elle permet aussi au Cpfar d’encadrer et de former et des apprentis apiculteurs à extraire leur miel.

« L’apiculteur arrive avec ses cadres de hausse et repart avec son miel en seaux » synthétise Maxime Cromps, coordinateur au Cpfar, en précisant que c’est l’apiculteur lui-même qui réalise toutes les opérations.

La miellerie mobile se rend également dans les écoles d’apiculture, d’une commune à l’autre, afin de former leurs élèves aux bons gestes et techniques d’extraction.

Sur la route, de Waremme à Eupen

Chaque année, entre les mois d’avril à septembre, ce sont entre 200 et 250 apiculteurs qui utilisent la miellerie mobile. Les actions du Cpfar ne se limitent toutefois pas à cet outil. Le centre participe à des événements autour de l’apiculture (semaine des pollinisateurs ou de l’abeille, ruchers pédagogiques…).

La miellerie mobile dispose de plusieurs points de chute réguliers. « Elle se rend au moins deux fois par an du côté de Malmedy, Stoumont et couvre toute la province, de Waremme à Eupen » déroule M. Cromps en expliquant que les demandes se regroupent naturellement.

Par force centrifuge, le miel est expulsé des alvéoles vers les parois.
Par force centrifuge, le miel est expulsé des alvéoles vers les parois. - M-F V.

« Il faut savoir que la période de floraison et donc d’extraction est sensiblement la même dans une seule et même région. Un apiculteur qui possède des ruches en Hesbaye n’extraira pas en même temps que celui qui habite à Malmedy, car c’est un autre type de sol et de floraison » explique M. Cromps, en précisant que la miellerie est toujours disponible sur le site du Cpfar à Crisnée.

Des jeunes, des retraités, une seule passion

Le profil des utilisateurs de la miellerie mobile est très varié. « Cela va des jeunes qui se lancent en apiculture aux retraités qui font cette activité par passion. Tous ne possèdent que quelques ruches » résume M. Cromps qui note un intérêt « croissant » des citoyens pour l’apiculture.

L’accès à la miellerie mobile est entièrement gratuit, le but étant de soutenir un secteur et de venir compléter le travail des écoles d’apiculture.

L’infrastructure, qui se déplace à une vitesse maximale de 90km/heure, reste plusieurs jours sur un site préalablement défini. Elle nécessite un soutien logistique assez important. Un chauffeur-technicien doit préalablement vérifier l’adéquation entre la demande et les besoins en eau et en électricité mais aussi s’assurer de la stabilité du sol où le véhicule fera halte. « Il vérifie que tous les astres sont correctement alignés afin que tout se passe bien » sourit Maxime Cromps.

Une fois déposée, la miellerie est placée sous la responsabilité des apiculteurs qui l’utilisent.

Ruchers pédagogiques et lutte contre le frelon asiatique

Très impliqué au niveau de l’apiculture, le Cpfar dispose aussi de ruchers pédagogiques installés dans le parc du château de Jehay et dans l’insectarium Hexapoda, le plus grand d’Europe, situé à Grand-Axhe, dans l’entité de Waremme. Un troisième rucher sera prochainement implanté sur le site même du Cpfar.

Les ruchers sont équipés de capteurs afin de visualiser en temps réel, le poids, la température et le taux d’hygrométrie des ruches. Ces données permettent la surveillance d’une colonie à distance. Elles sont transmises à une plateforme en ligne qui permet à l’apiculteur d’évaluer la force de la colonie, l’accroissement de ses récoltes ou encore les risques d’essaimage. Elles aident donc l’apiculteur dans son travail quotidien au rucher.

« Le but est, in fine, de pouvoir conseiller les apiculteurs » précise Maxime Cromps qui évoque par ailleurs la lutte contre l’invasion du frelon asiatique grâce à différents outils de piégeage mais aussi la mise en place d’un réseau comprenant les écoles d’apiculture et les apiculteurs, ce qui favorise le partage d’informations et les retours d’expériences.

« Nous avons aussi la volonté de développer des conférences et des séminaires pour aider les apiculteurs dans leur travail ou sur des thématiques précises, le tout entièrement gratuitement » pose M. Cromps.

Julien Dumoulin, apiculteur amateur passionné

Apiculteur amateur depuis quatre ans, Julien Dumoulin possède six ruches qu’il a installées au bout de son jardin, à Alleur.

Il a achevé une formation en apiculture voici deux ans à l’Asbl BeeQueen à Theux. Et c’est la troisième fois qu’il utilise la miellerie mobile sur le site du Cpfar, à Crisnée pour y extraire son miel toutes fleurs.

« J’arrive à 09h00 avec, en général, une dizaine de hausses, je désopercule les cadres avec un couteau pour retirer la pellicule de cire que les abeilles ont déposée à la surface des alvéoles enfermant le miel alors à 18 % d’humidité, un paramètre que l’on mesure avec un réfractomètre. Au-delà de ce chiffre, on a un gros risque de fermentation » prévient-il.

Et de poursuivre : « j’introduis ensuite les cadres dans l’extracteur. Par force centrifuge, le miel est expulsé des alvéoles vers les parois. Une fois le miel récolté dans les seaux, il est environ 15h00. Je retourne chez moi, et c’est là que débute une période d’attente durant laquelle je le laisse décanter » résume Julien.

« On enlève ensuite l’écume. Soit on l’empote quand il est liquide, soit on le travaille un petit peu pour qu’il devienne crémeux ou solide ».

Le circuit vertueux pour la cire

Rien ne se perd dans cette activité puisque Julien offre la cire produite par les abeilles à sa voisine qui l’utilise pour faire des baumes 100 % naturels.

Quant aux cires en feuille qui sont apposées sur les cadres pour amorcer le travail de l’abeille, Julien les fond pour en faire de petits blocs qu’il transformera en bougies.

Pour l’apiculteur amateur qu’il est, la miellerie mobile est un outil « extraordinaire » car « le local et les outils sont mis gracieusement à notre disposition. Cela nous permet de continuer à élever nos abeilles, à vivre notre passion sans devoir investir dans du matériel réellement coûteux ».

Une panoplie de formations pour les éleveurs

Au-delà de l’apiculture, le Cpfar offre une palette d’activités et de formations à destination des (futurs) professionnels, que ce soient les agriculteurs, les conjoints, les aidants et toute personne ayant un projet d’installation.

le Cpfar dispense une formation aux soins des onglons pour pouvoir entretenir les pieds des bovins, ovins et caprins.
le Cpfar dispense une formation aux soins des onglons pour pouvoir entretenir les pieds des bovins, ovins et caprins. - CPFAR.

Car l’agriculteur n’est plus seulement la personne qui moissonne assise dans son tracteur, sa fonction est plurielle. Il doit aussi être comptable, communicant ou encore à même de prodiguer des soins à ses animaux.

Outre une préparation au permis G mettant à la disposition des candidats des infrastructures et un matériel roulant conformes à la législation en vigueur, le Cpfar dispose ainsi d’un pôle dédié à la santé et au bien-être animal avec une formation aux soins des onglons pour pouvoir entretenir les pieds des bovins, ovins et caprins.

Une autre sera consacrée à la manipulation, la contention et l’observation des animaux d’élevage à destination des jeunes agriculteurs, afin de compléter leur cursus.

Le centre provincial, testera, pour la première fois cette année, la dimension de l’homéopathie au sein des élevages.

L’économique n’est pas en reste puisque le centre forme, en l’espace de trois journées, les personnes qui souhaitent se lancer en coopérative ou dans une diversification au niveau de la vente de produits locaux mais aussi dans l’élevage ovin, caprin ou encore la création de vignobles.

Les futurs viticulteurs y apprennent, entre autres, à connaitre la vigne pour mieux la tailler et comprendre la taille pour mieux l’exécuter.

« Nombreux sont les agriculteurs qui font des analyses de terres, qui sont en train de planter des vignes » relève Maxime Cromps, ajoutant que « nous sommes passés de quelque 36 vignerons en province de Liège en 2018 à plus de 75 en 2023 ».

« Partir des besoins des agriculteurs sur le terrain »

Le Cpfar forme les agriculteurs à la connaissance du sol et les initie aux bases du smartfarming en production végétale, et ce, avec le concours de WalDigiFarm.

Le Cpfar a mis en œuvre une formation au niveau de l’horticulture comestible à petite échelle, avec tout ce qui a trait à la taille des arbres fruitiers.
Le Cpfar a mis en œuvre une formation au niveau de l’horticulture comestible à petite échelle, avec tout ce qui a trait à la taille des arbres fruitiers. - CPFAR

Enfin, le centre provincial a mis en œuvre une formation au niveau de l’horticulture comestible à petite échelle, avec tout ce qui a trait à la taille des arbres fruitiers, et la création d’un potager bio et de son écosystème.

« Notre but est de complémenter de l’information, de transmettre des gestes et des savoirs » synthétise M. Cromps. Et de conclure qu’il y a « un sens à toutes ces actions, il s’agit de prodiguer de l’aide sur le terrain et venir avec des outils, sous forme de formations qui sont autant de réponses à des besoins du secteur agricole et du monde rural ».

Marie-France Vienne

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