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Directive sur les émissions industrielles (IED) : les bovins épargnés, pas les porcs ni les volailles…

C’est un petit « ouf » de soulagement pour les éleveurs européens. Le parlement et les États membres ont trouvé un accord pour réduire les émissions polluantes des activités agricoles et industrielles de l’UE, sans toutefois s’attaquer à celles des élevages bovins. Mais l’accord n’épargne pas les porcs et les volailles…

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La commission réexaminera toutefois les règles en 2026 pour évaluer si le champ d’application de la législation doit inclure les bovins ainsi qu’une clause de réciprocité pour garantir que les producteurs de pays tiers répondent à des exigences similaires lorsqu’ils exportent vers l’UE.

Trois députés sortent du bois

En amont des pourparlers, trois eurodéputés sont sortis du bois pour défendre l’élevage. Le socialiste italien Paolo De Castro, le centriste français Jérémy Decerle et le démocrate-chrétien wallon Benoît Lutgen, ont, dans une tribune, dénoncé la directive de la discorde.

« Traiter l’agriculture comme une industrie est un non-sens » ont-ils plaidé en demandant d’exclure les vaches du champ d’application de la directive, et de ne pas imposer de nouvelles mesures aux porcs et aux volailles déjà partiellement couverts par la législation actuelle.

« Le traiter de cette manière ne résoudra rien. L’industrialisation du secteur agricole se poursuivra au détriment de l’agriculteur qui devra faire face à des coûts plus élevés et disposera de moins de moyens pour diversifier ses revenus.

Les animaux, quant à eux, risquent de vivre sans lumière du jour et sans la liberté de parcourir les prairies. Des dérogations pour l’élevage extensif sont sur la table, mais elles ne changeront pas grand-chose au signal envoyé aux agriculteurs sur la nature de leur activité ».

En fin de compte, avec des effets plutôt incertains sur les émissions, « cette politique risque d’entraîner une diminution du nombre d’exploitations agricoles et une agriculture moins durable. Sans parler de l’augmentation des émissions à l’étranger, puisque la commission n’est pas disposée à aller de l’avant avec le principe de réciprocité en appliquant des règles similaires aux produits animaux que nous importons actuellement, et que nous importerions probablement encore plus si la directive devait être mise en œuvre ».

S’ils estiment qu’il faut s’attaquer aux émissions provenant de l’agriculture et en particulier de l’élevage, ils pensent que la durabilité des exploitations agricoles doit faire l’objet de textes dédiés et qui abordent cette durabilité de façon globale et certainement pas via l’actuelle directive. « Les animaux méritent mieux que d’être traités comme des déchets ou du ciment, les agriculteurs méritent mieux que d’être considérés comme des industriels » ont-ils conclu dans leur appel.

Seuil raboté pour les poules pondeuses

Pour les trois eurodéputés, le résultat est assez mitigé. Dans leur compromis, les colégislateurs ont ajusté certains seuils d’entrée dans le dispositif : 350 UGB (unité gros bétail) pour les porcs, 280 UGB pour les volailles (300 pour les poules pondeuses) et 380 UGB pour les élevages mixtes. Les exploitations agricoles extensives et bio sont exclues du champ d’application de la directive.

Dans ce dossier, le parlement s’était prononcé pour le statu quo : maintien de l’élevage bovin en dehors du champ d’application de la directive et des seuils à partir desquels les élevages de volaille et de porc entrent dans le dispositif inchangé. Les États membres s’étaient, eux, mis d’accord sur des seuils d’entrée pour les élevages de bovins et de porcs fixés à 350 UGB, pour ceux de volaille à 280 UGB et pour les exploitations mixtes à 350 UGB.

La commission proposait, initialement, que toutes les exploitations bovines, porcines et avicoles comptant plus de 150 UGB tombent sous le coup de la directive.

Actuellement, le texte concerne les élevages avec plus de 40.000 emplacements pour les volailles, plus de 2.000 emplacements pour les porcs de production (de plus de 30 kg) et plus de 750 emplacements pour les truies. Les nouveaux seuils convenus vont toucher un nombre plus important d’élevage. Les plus affectés seront ceux de poules pondeuses dont le seuil est environ divisé par deux (passant de 40.000 à 21.500).

Dispositif allégé

Afin d’éviter le fractionnement artificiel des exploitations agricoles, dans le but de réduire le nombre d’UGB d’une exploitation à un seuil inférieur à celui à partir duquel s’applique la présente directive, le compromis prévoit que les États membres adoptent des mesures garantissant notamment que deux installations situées à proximité l’une de l’autre et dont l’exploitant est le même puissent être considérées comme une seule unité au regard du calcul du seuil pour les animaux d’élevage.

Les exploitations agricoles qui entrent dans le dispositif doivent demander un permis aux autorités nationales et avoir recours aux « meilleures techniques disponibles » pour limiter leur impact pour respecter des normes de rejets de polluants (oxyde d’azote, méthane, ammoniac…). Afin de réduire la charge administrative, les colégislateurs se sont accordés sur l’obligation pour les États membres de mettre en place un permis électronique d’ici à 2035.

Étant donné que les exploitations agricoles ont des opérations plus simples que les installations industrielles, celles-ci bénéficieront d’un régime de permis plus léger. De même, les élevages seront soumis à un système allégé de contrôles notamment en ce qui concerne leur impact sur le sol et l’eau.

Les contrevenants s’exposeront à des amendes d’au moins 3 % de leur chiffre d’affaires annuel réalisé dans l’UE pour les infractions les plus graves. De plus, les États membres doivent accorder aux citoyens concernés par les cas de non-respect le droit de réclamer une indemnisation pour les dommages causés à leur santé.

Bilan mitigé

Pour Jérémy Decerle « si la sortie du secteur bovin du dispositif était la meilleure chose à faire », celle-ci s’est négociée « au détriment des autres secteurs de l’élevage ».

De plus, fixer un seuil de 380 UGB pour les exploitations mixtes est, selon l’ancien président des Jeunes Agriculteurs français, « stupide alors que la commission ne cesse de plaider pour la diversification des exploitations ».

Marie-France Vienne

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