Accueil Cultures

La Ferme de Freloux, en Hesbaye : le cœur abricot

Le temps semble envahir la cour comme on y entrerait pour délivrer une gaieté ou une ardeur en un jour fluide, profond et lumineux. De l’arbre en son centre froufroutent quelques oiseaux dont chaque pépiement rinçait le ciel d’un bleu tranchant. La Ferme de Freloux, la Hesbaye, les grandes cultures et la douceur des abricots de Stephan Jansen.

Temps de lecture : 8 min

Voyageur dans l’âme, curieux de tout et particulièrement attiré par les énergies renouvelables et les arbres fruitiers, Stephan Jansen aime à laisser vagabonder ses pensées, mais aussi sa créativité.

Reprise de la ferme familiale et diversification

Toutes deux l’ont mené à effectuer des stages dans des pépinières dès son parcours scolaire, avant d’embrasser des études de bachelier en agronomie à l’ISIa de Huy. C’est en 2014 qu’il reprend la ferme familiale d’environ 130 hectares en grandes cultures (betteraves, maïs, froment, colza orge brassicole, pommes de terre) située à Freloux, jadis qualifié de plus petit village de Belgique avant la fusion des communes du 2 juillet 1964, dans l’entité de Fexhe-le-Haut-Clocher.

Très vite après la reprise de la femre familiale, Stephan Jansen décide de se diversifier et plante 3 hectares de poiriers et 0,5 hectare de cerisiers. En 2016, il souhaite pousser la démarche plus loin en se lançant dans une spéculation originale, les abricots.
Très vite après la reprise de la femre familiale, Stephan Jansen décide de se diversifier et plante 3 hectares de poiriers et 0,5 hectare de cerisiers. En 2016, il souhaite pousser la démarche plus loin en se lançant dans une spéculation originale, les abricots.

Tout seul sur son exploitation et ne possédant pas toutes les machines, Stephan Jansen fonctionne sur base d’une mutualisation de matériel entre ses voisins à Fexhe. « Je n’ai pas de moissonneuse, c’est un collègue qui vient travailler chez moi. En revanche, j’ai un semoir à betteraves et je vais semer chez lui » détaille-t-il.

Très vite, il décide de se diversifier et plante 3 hectares de poiriers et 0,5 hectare de cerisiers. En 2016, il souhaite pousser la démarche plus loin en se lançant dans une spéculation originale.

L’inspiration allemande

Pour ce faire, il retourne en Allemagne, où sa famille puise ses racines, et rend visite à plusieurs arboriculteurs entre Düsseldorf et Cologne, qui ont développé avec succès la culture d’abricots. Et c’est chez un pépiniériste près de Coblence, au confluent de la Moselle et du Rhin, qu’il découvre la richesse des variétés du « Prunus armeniaca ».

La tête pleine d’informations et de conseils, il décide de se diriger à son tour vers la culture de ce joli fruit orangé, parfumé et juteux dont la courte saisonnalité, de juin à août, incline les amateurs à en profiter rapidement pour le déguster lorsqu’il est gorgé de soleil.

Dix lignes d’abricotiers, dix variétés d’abricots

C’est ainsi que, de retour en Belgique, Stephan plante rapidement 0,5 hectare d’abricotiers (correspondant à environ 650 arbres), soit dix lignes comportant dix variétés différentes (Carmingo, Faralia, Helena du Roussillon, Harogem, Kioto, Orangered, Pinkcot, Robada, Spring Blush, Bergeron).

« On goûte vraiment la différence entre chaque variété, certaines sont plus juteuses, d’autres davantage farineuses, les saveurs ne sont pas les mêmes » s’enthousiasme-t-il.

« Au début, j’étais un peu dans le flou, car je ne savais pas lesquelles seraient le mieux adaptées à notre climat ici, à Fexhe, » rembobine-t-il. Une période qui correspond aussi aux essais du Cef (Centre fruitier wallon) avec lequel il échange des retours d’expériences « car nous sommes les premiers à nous être lancés dans cette spéculation en Wallonie ».

C’est à Olivier Warnier, directeur du Cef qu’il téléphone pour connaître la liste des produits agréés pour les abricots et les traitements autorisés mais aussi pour recueillir des conseils au niveau de la taille.

« Sur les dix variétés plantées, deux n’ont jamais porté de fruits, car elles ont des floraisons trop précoces et rencontrent par conséquent des problèmes en cas d’épisode de gel, ou alors ce sont les abeilles qui ne butinent pas en raison du froid » pose Stephan Jansen.

Un écosystème vertueux

La production d’abricots est liée à la météo… et ses caprices. En temps normal, la floraison peut débuter entre février et fin mars pour une récolte que l’on situe en juillet et en août.

Cette année, les volumes n’ont pas été au rendez-vous, la faute à deux nuits de gelées tardives au printemps, malgré le canon à chaleur rotatif dans lequel Stephan vient d’investir.

Pour optimiser ses rendements, il collabore avec un apiculteur du village qui vient poser ses ruches dans le verger. D’abord lors de la floraison des abricotiers, puis celle des poiriers et des cerisiers.

Si, cette année, la récolte est mitigée, de l’ordre de 1 tonne à 1 tonne et demie, «j’ai déjà récolté entre 4 et 5 tonnes, et si tout se passe bien, que la floraison est bonne, je peux normalement sortir entre 8 et 9 tonnes de mon demi hectare de verger. Mais je n’y suis encore jamais arrivé» indique Stephan Jansen.
Si, cette année, la récolte est mitigée, de l’ordre de 1 tonne à 1 tonne et demie, «j’ai déjà récolté entre 4 et 5 tonnes, et si tout se passe bien, que la floraison est bonne, je peux normalement sortir entre 8 et 9 tonnes de mon demi hectare de verger. Mais je n’y suis encore jamais arrivé» indique Stephan Jansen.

À la Ferme de Freloux, Stephan Jansen a mis en place un écosystème vertueux dans un perpétuel souci de respect de l’environnement, qui fait la part belle aux mesures agro-environnementales. Il a par exemple implanté des bandes fleuries dans le verger, des bandes enherbées, un hôtel à insectes, planté des haies et 3 hectares de miscanthus le long des cours d’eau pour la protection des eaux et de la faune locale (faisans, lièvres), mais aussi, à terme, pour alimenter une chaudière afin de chauffer tous les bâtiments de sa vaste exploitation en carré.

En tout, il s’est engagé dans non moins de 8 hectares de MAEC.

Les femmes, atouts dans la cueillette des abricots

Si, cette année, la récolte est mitigée, de l’ordre de 1 tonne à 1 tonne et demie, « j’en ai déjà récolté entre 4 et 5 tonnes, et si tout se passe bien, que la floraison est bonne, je peux normalement sortir entre 8 et 9 tonnes de mon demi-hectare de verger. Mais je n’y suis encore jamais arrivé » sourit Stephan.

La récolte est un important moment dans la vie d’un fruiticulteur. Car on travaille en équipe et on y crée du lien. Cette année, Stephan a accueilli une Ukrainienne et a pour habitude de faire appel au centre d’accueil de la Croix-Rouge situé à Bierset. Il offre aussi du travail à des demandeurs d’emploi et des saisonniers étrangers qui souhaitent s’intégrer en Belgique.

« Ils viennent de tous horizons mais forment un petit groupe de 5 à 6 personnes de nationalités différentes, ce qui n’est en général pas un problème car je parle allemand, anglais et néerlandais. Cela se passe toujours dans la convivialité. À à la fin de la récolte, j’organise un barbecue pour tout le monde ».

Autant de personnes qu’il doit former « car il faut manipuler les abricots avec douceur lors de leur cueillette, raison pour laquelle je fais plutôt appel à des dames, car elles sont plus délicates que les hommes dans cet exercice » dit-il malicieusement.

Mais il faut savoir que la récolte ne s’effectue pas d’une seule traite, « car tous les abricots n’arrivent pas à maturité en même temps, cela dépend des variétés » explique Stephan en précisant que « sur un même arbre, il faut parfois repasser une à deux fois ».

C’est souvent l’œil et le toucher qui détermineront le moment idoine pour cueillir le fruit. L’exercice est rendu encore plus difficile en raison de la variation des couleurs entre espèces. Bref, on l’aura compris, il faut s’y connaître.

La vente directe victime de son succès

Ses fruits font le bonheur des villages alentours car Stephan propose ses abricots en vente directe à la ferme. En cas de récolte particulièrement abondante, il les vend aux magasins locaux et restaurants de la région ainsi qu’à des confituriers, la société Materne s’étant déjà manifestée. « Mais je n’ai pas assez d’abricots, même pour ma vente directe » souffle-t-il.

Car ses abricots ont la cote et sont victimes de leur succès. « À chaque fois que j’ouvre mon point de vente, j’ai une file de 60 à 70 personnes devant ma ferme » s’étonne-t-il encore non sans fierté.

L’agri-photovoltaïque au secours des abricots ?

Pourtant, s’il veut atteindre les volumes nécessaires pour être rentable au niveau de ses abricots, Stephan Jansen est bien conscient qu’il va lui falloir investir.

« J’ai pensé à bâcher les arbres pour les protéger du gel, mais ce n’est pas optimal du point de vue environnemental, je réfléchis donc à mettre de l’agri-photovoltaïque (Agri-PV) au-dessus des arbres (qui peuvent tout de même culminer à 3 mètres de haut) avec l’avantage que les panneaux laissent passer la lumière » explique-t-il en ajoutant qu’il pourra également « récupérer le courant pour la ferme ».

« Je produis donc de l’énergie tout en protégeant mes arbres ».

Il faut dire que les installations solaires à grande échelle sur des terres arables sont de plus en plus populaires, surtout en Allemagne où plusieurs acteurs ont mis en place un centre de recherche Agri-PV pour les pommes et les fruits en espalier dans une ferme fruitière biologique en Rhénanie-Palatinat. Leur objectif est d’accroître la résilience climatique dans la culture fruitière et d’assurer une production de pommes sûre et durable avec une production d’énergie solaire supplémentaire.

L’importance de retisser du lien avec les consommateurs

Car Stephan Jansen ne compte pas abandonner cette spéculation. « Quand j’ai repris la ferme, ce n’était que des grandes cultures, je n’avais donc aucun contact avec le consommateur final. La vente directe m’a permis de retisser ce lien, d’avoir des retours des clients qui me font part de leur variété préférée » souligne-t-il.

Et c’est la Carmingo et la Bergeron qui semblent recueillir la majorité des suffrages.

Et d’ajouter, « il faut que je puisse produire encore plus de fruits pour répondre à la demande de tous mes voisins et amateurs de productions locales ». Pour autant, il ne souhaite pas franchir le pas de la vente à une échelle supérieure. « Je ne veux pas rentrer dans un système où je serais dépendant des grandes surfaces qui m’imposeraient un prix, maintenant c’est moi qui le fixe, j’arrive à écouler toute ma production, je veux rester à dimension humaine, c’est ainsi que je suis heureux ».

Conseils et partage d’expérience pour les fruiticulteurs amateurs

En Wallonie, ils sont encore peu nombreux à s’être lancés dans la culture d’abricots, mais aux agriculteurs qui souhaitent la développer, Stephan dispense des conseils quant aux variétés à implanter et partage son expérience sur ses quelques années de recul.

Alors oui, l’abricot peut se développer sous nos latitudes, en Wallonie, où les terres sont bonnes. On retrouve aussi de la culture d’abricots en Autriche, une contrée où il fait froid l’hiver mais qui bénéficie d’un climat idoine au printemps.

« Quant aux fortes chaleurs que nous avons connues cet été chez nous, elles ont permis aux fruits d’être beaucoup plus sucrés et goûteux que l’année dernière et à choisir, je préfère de loin 2022 » conclut Stephan Jansen.

Marie-France Vienne

A lire aussi en Cultures

Voir plus d'articles