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La terre à crédit, vraiment?

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Nous sommes en août. Depuis quelques jours, nous dansons tels des funambules sans filet sur une planète qui fonce, tête baissée, vers le néant. Car l’humanité aurait consommé l’ensemble des ressources planétaires disponibles pour 2023 et s’apprêterait donc à vivre à crédit jusqu’en 2024. C’est en tout cas ce que veut démontrer l’Ong « Global Footprint Network », qui s’attache annuellement à calculer l’instant où l’empreinte écologique, notion inventée au début des années 90, dépasserait la biocapacité de la planète.

C’est cette même association qui ne se prive pas d’agir en policier du comportement en culpabilisant, année après année, les mangeurs de viande et en pointant plus globalement la place du système agricole dans la consommation de ressources ainsi que notre modèle agroalimentaire actuel accusé d’être une cause majeure du jour du dépassement.

Mais il faut savoir que la notion même de jour du dépassement ne fait pas l’unanimité chez les scientifiques, dont le pourtant très écologiste américain Michael Shellenberger pour qui cette fameuse date butoir symbolique mélange des choses qui n’ont rien à voir. Ce concept ne met-il pas dans le même sac la déforestation et la consommation de pétrole, alors que les forêts se régénèrent en quelques années et le pétrole en plusieurs millions d’années ?

Nous n’irons toutefois pas jusqu’à embrasser toutes les thèses souvent climatosceptiques de la géographe et économiste française Sophie Brunel, laquelle, dans son ouvrage « Le développement durable », taxe le concept d’empreinte écologique de « totalement farfelu ». Sauf que son analyse sur ce sujet précis interpelle et aiguise notre réflexion.

L’auteure met en cause (entre autres arguments) le calcul relatif à l’empreinte écologique, qui méconnaît tous les acquis du progrès technique et repose sur des bases hautement discutables dont la caractéristique est de pénaliser systématiquement toutes les activités liées à la modernité. « Quand une donnée n’entre pas dans son mode de calcul, l’empreinte écologique ne la comptabilise tout simplement pas, comme c’est le cas pour l’énergie nucléaire : impossible de calculer le nombre d’hectares bioproductifs nécessaires pour compenser l’énergie nucléaire. Donc, on n’en tient pas compte ! » souligne-t-elle.

Comme il est totalement impossible de vérifier l’obscur mode de calcul que Global Footprint Network a réussi à imposer dans son référentiel, ce que l’opinion retient, c’est seulement que le monde court à la catastrophe. Si le jour du dépassement relève davantage de l’outil de communication politique, il a toutefois le mérite de nous alerter sur la nécessité de protéger et… de restaurer la nature (cela ne vous rappelle-t-il rien ?) en orientant, par exemple, les modes de production vers l’agroécologie. Et si cette communication annuelle nous servait finalement à cultiver notre esprit critique  ?

Marie-France Vienne

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