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Un été ukrainien...

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Dans ce monde qui a soudainement dérapé avant de chuter lourdement. Des pans de vie se sont tus, soudain jaillit une réalité immobile encerclée de murs d’angoisse. C’est le lot de toute guerre, son leurre et sa folie, son effarement et les abîmes indistincts qui se font face.

En Ukraine, l’absurdité nimbe l’horizon de doutes, torture les champs de mitrailles. Quand certains pleurent sur ce néant, dans nos pays où règne l’abondance, se plaindre relève d’une certaine indécence. Victimes collatérales du conflit, les agriculteurs ukrainiens se sont transformés en démineurs, car ceux dont c’est la profession sont débordés. Les bombes qui n’ont pas explosé, les obus et roquettes menacent leur vie au quotidien. Ce qu’ils redoutent, c’est qu’elles explosent sous leur machine. Certains ont blindé leur tracteur avec des plaques de moissonneuses-batteuses. À court et moyen terme, l’accumulation de ces engins explosifs risque de rendre inexploitables des terres agricoles fertiles pendant des années.

Souvent confrontés à un choix impossible, ils doivent décider s’ils veulent risquer leur vie pour cultiver leurs terres ou risquer de perdre leurs revenus et les moyens financiers de subvenir aux besoins de leur famille. Vis ma vie d’agriculteur ukrainien, comme on dit communément (et tellement légèrement) sous nos latitudes.

À cela s’ajoute la hausse des prix du carburant, des engrais et du transport depuis le début du conflit. Et ce n’est pas fini. La prolongation de l’accord sur les céréales en mer Noire demeurait, chaque trimestre, soumise au bon vouloir du Kremlin. Avec son interruption qui a été décidée par Vladimir Poutine en juillet, beaucoup d’agriculteurs ukrainiens se demandent si leurs productions, moins rentables, pourront atteindre les marchés.

L’affaiblissement du secteur agricole, qui représentait 15 % du PIB en 2021, 20 % de la population active et 40 % des exportations, affectera toute l’économie nationale. C’est dire que l’agriculture, pour l’Ukraine, c’est vital. C’est même la pierre angulaire de son économie.

Elle l’est également plus que jamais pour la Russie. Car de l’autre côté de la ligne de front, Vladimir Poutine en a fait une arme de construction massive pour son pays, qui est même redevenu, depuis 2016, la première puissance exportatrice de blé, détrônant dans ce classement le rival américain qui en était le leader depuis les années 1930. C’est simple, plus le temps passe et plus les volumes de blé échangés dans le monde sont d’origine russe tandis que les pays frontaliers de l’Ukraine, au premier rang desquels la Pologne, qui répète à l’envi vouloir protéger ses propres agriculteurs pris à la gorge, ne veut clairement plus ouvrir ses frontières aux biens agricoles ukrainiens.

L’agriculture constitue un levier de puissance pour les uns. Un quotidien de souffrances pour les autres. En cette période de vacances, synonymes, pour beaucoup d’insouciance, nous avons une pensée pour ces derniers.

Marie-France Vienne

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