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Glyphosate: l’Europe propose un renouvellement pour 10 ans

Dix ans assortis de nombreuses mesures d’atténuation des risques. C’est ce que propose la Commission européenne pour renouveler l’autorisation de mise sur le marché de l’UE du glyphosate dont la licence expire le 15 décembre. Le texte est maintenant entre les mains des États membres qui devraient procéder à un vote le 13 octobre. Mais, avant cela, des négociations vont s’engager alors que certains estiment qu’il faudrait prévoir un plan progressif de sortie du glyphosate.

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La Commission européenne a proposé, le 20 septembre, le renouvellement du glyphosate dans l’UE pour une durée de 10 ans (contre 15 ans généralement pour les produits phytosanitaires). Le projet de règlement a officiellement été présenté aux États membres, et discuté, lors d’une réunion d’experts le 22 septembre.

Un vote sur le sujet sera organisé le 13 octobre. Si aucune majorité qualifiée (pour ou contre) ne se dégage, un second scrutin, en comité d’appel, sera alors nécessaire (un mois plus tard environ). Une décision doit être prise avant le 15 décembre, date d’expiration de la licence actuelle de la matière active.

Lors des discussions qui vont avoir lieu dans les prochaines semaines le texte pourrait être appelé à évoluer ; plusieurs États membres, la France et l’Allemagne notamment, l’ayant critiqué. En 2017, la Commission européenne avait proposé un renouvellement pour 7 ans qui avait finalement été ramené à 5 ans seulement (puis prolongé d’une année à cause du retard pris par la procédure d’évaluation des risques).

Atténuation des risques

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a, dans son évaluation des risques, estimé que l’herbicide ne présentait pas de risques suffisants pour en interdire l’utilisation dans l’UE mais elle a pointé certains sujets de vigilance. Pour y répondre, la Commission européenne a prévu, en annexe de son projet de texte, une douzaine de conditions d’utilisation spécifiques dont l’interdiction de la dessiccation (maturation accélérée des plantes).

Les conditions d’utilisation, indique le règlement, doivent inclure des mesures d’atténuation pour éviter la dispersion du glyphosate due aux pulvérisations effectuées par les utilisateurs professionnels dans les domaines agricoles. « Par défaut, une bande tampon non pulvérisée sur le terrain d’au moins 5 à 10 m et des buses réduisant la dérive de pulvérisation d’au moins 75 % doivent être requises, sauf si le résultat de l’évaluation des risques indique qu’une telle atténuation n’est pas nécessaire ».

Dans son évaluation, l’Efsa avait identifié un risque à long terme chez les petits mammifères herbivores pour la moitié des usages proposés du glyphosate et reconnu que le manque de données empêchait toute analyse définitive. Pour en tenir compte, la Commission enjoint les États de fixer, si besoin, des conditions d’utilisation selon les spécificités locales telles que la limitation de la durée d’utilisation, du nombre d’applications ou de la dose maximale.

Les États membres seront aussi tenus d’examiner les « co-formulants » et d’évaluer l’exposition des consommateurs aux résidus pouvant être présents dans les cultures successives cultivées en rotation. Ils devront également veiller à la protection des eaux souterraines susceptibles d’être exposées via l’infiltration comme aux eaux de surface, notamment celles utilisées pour le captage d’eau potable.

Manque d’harmonisation

Mais Bruxelles laisse globalement beaucoup de marges de manœuvre aux États membres pour mettre en place concrètement ces mesures d’atténuation du risque. C’est la principale critique formulée par la France qui regrette que l’application de méthodes alternatives ne soit pas rendue plus contraignantes. Nos voisins demandent également à la Commission européenne d’accélérer la mise au point de méthodes d’évaluation des risques pour la biodiversité afin de répondre aux interrogations de l’Efsa sur certaines lacunes dans les données.

En Allemagne, le ministre de l’Agriculture, Cem Ozdemir, a lui aussi critiqué la proposition de la Commission européenne qui devrait, selon lui, préparer une sortie progressive du glyphosate. D’autres pays comme le Luxembourg, l’Autriche et les Pays-Bas devraient eux aussi faire partie des opposants au projet mis sur la table par Bruxelles. Mais d’autres y sont favorables. Fin juillet, la Commission européenne a reçu les commentaires de 17 États membres qui, pour la plupart, ont soutenu le renouvellement. Certains auraient même voulu voir l’autorisation portée à 15 ans.

Une Belgique une nouvelle fois divisée

Quant à la Belgique, le gouvernement fédéral se montre divisé sur la question qui relève à la fois du ministre de l’Agriculture, David Clarinval, et du ministre de la santé, Frank Vandenbroucke. Le comité ministériel restreint devrait revenir sur la question le 6 octobre.

Le premier nommé a toutefois indiqué, en commission de la Chambre, que « vu que l’évaluation scientifique montre qu’un usage sûr de la substance est possible, il n’est pas utile d’appliquer ici le principe de précaution. Car l’évaluation scientifique intègre une marge de sécurité suffisante ».

« Les préoccupations soulevées par l’Efsa ne sont certainement pas exceptionnelles et sont similaires à celles qui ont été acceptées pour d’autres substances actives dans le passé », a-t-il ajouté, notant que des critères d’évaluation clairs, tels que le potentiel endocrinien, cancérigène et génotoxique, avaient été étudiés de manière approfondie dans le cadre des essais réglementaires.

La vice-Première ministre Petra De Sutter défend, quant à elle, une position opposée à celle de son collègue et réclame une interdiction totale de la matière active. « Il y a de fortes indications d’une responsabilité du glyphosate dans des problèmes de santé. Ses effets néfastes ne peuvent être exclus. Dans de tels cas, il faut toujours donner priorité à la santé », a-t-elle fait savoir. Mme De Sutter a encore indiqué qu’elle « fera tout pour que la Belgique vote contre la prolongation de l’autorisation ».

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