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Rencontre avec Rodolphe de Changy, chasseur de petit gibier : « Il y a aujourd’hui plus de chasseurs que d’agriculteurs ! »

Plus que des tireurs, les chasseurs sont des acteurs incontournables de la gestion et de la préservation du biotope de nos régions. C’est ce qu’affirme Rodolphe de Changy, président du conseil cynégétique de Hesbaye. Ce chasseur de petit gibier a accepté de nous parler de sa passion. Une activité très réglementée, qui nécessite des compétences spécifiques et une approche au plus près de la nature.

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C’est chez lui, sur les hauteurs de Héron, à quelques kilomètres de Huy, que Rodolphe de Changy a pris le temps de nous parler de sa passion pour la chasse. Une activité qu’il exerce activement depuis ses 18 ans, soit l’âge d’obtention du permis de chasse, mais dans laquelle il baigne, en réalité, depuis bien plus longtemps. « Je suis né dans une famille où la chasse était présente au même titre que l’agriculture ou la sylviculture. C’était une activité naturelle qui allait de soi. Avant d’avoir l’âge requis pour passer le permis de chasse, je traquais, je rendais service aux chasseurs, j’observais… Pour beaucoup, la chasse est une passion dans laquelle on baigne depuis son enfance », nous raconte-t-il.

Aujourd’hui, à 56 ans, la chasse est une passion à temps plein pour ce Héronnais, président du conseil cynégétique de Hesbaye : « Les conseils cynégétiques sont des ASBL qui disposent d’un agrément de la Région wallonne pour organiser et planifier la chasse dans un espace défini », explique-t-il. Créé en 1993, le conseil cynégétique de Hesbaye est le plus grand de Wallonie. D’une superficie de 107.000 ha, il s'étend de Namur à la frontière néerlandaise avec la Meuse au sud et la région flamande au nord. Il compte aujourd’hui environ 265 territoires adhérents. De plus, il s’agit d’un conseil devenu mixte avec la gestion tant du petit que du grand gibier.

Mais alors, pour les néophytes, quelles sont les différences entre la chasse des petits et des grands gibiers ? Tout d’abord, il est évident qu’il s’agit des espèces animales tirées. Les chasseurs des petits gibiers s’occuperont des petites bêtes à poils, comme les lièvres ou lapins, et à plumes, comme les perdrix, faisans, canards. Les chevreuils, sangliers, cervidés… entrent, eux, dans la catégorie des grands gibiers. Les armes diffèrent également d’une espèce à l’autre. Le grand gibier est tiré avec une carabine, tandis que le petit gibier se chasse au fusil triant des cartouches plomb ou nouveaux succédanés.

Un loisir extrêmement cadré

La région de Hesbaye est historiquement dédiée au petit gibier, c’est donc vers ce type de chasse que s’est tourné Rodolphe de Changy. Un chasseur présent sur le terrain et… dans les bureaux ! Et oui, pour être un bon chasseur, mieux vaut en connaître un rayon concernant les réglementations wallonnes et européennes en vigueur. Hors de question de tirer n’importe quoi, n’importe quand : tout est extrêmement cadré. « Nous chassons un certain nombre d’espèces. Ces dernières font l’objet d’autorisations au niveau d’un arrêté quinquennal de la Région wallonne 2020-2025. Tous les cinq ans (législature), les périodes d’ouverture et de fermeture de la chasse sont revues, indique-t-il.

D’ailleurs, si pour certains, c’est d’octobre à janvier que l’on entend plus facilement tirer en plaine, là encore, la réalité est bien plus complexe. A chaque espèce correspond une période et un mode de chasse bien déterminé. Prenons l’exemple de la perdrix, un animal pouvant seulement être chassé du 1er septembre au 30 novembre. Une temporalité précise pour un oiseau que l’on voit, malheureusement, de moins en moins dans nos campagnes. « D’ailleurs, pour pouvoir la chasser, il faut obligatoirement être membre d’un conseil cynégétique car la Région wallonne souhaite une coordination et une approche globale pour cette espèce. C’est également le cas pour le lièvre, et pour le cerf boisé, en ce qui concerne le grand gibier ». Il poursuit : « Pour la perdrix, c’est vraiment très spécifique. Puisqu’outre l’affiliation au conseil cynégétique, il faut adhérer à un plan de gestion drastique, lui-même soumis à la Région wallonne pour obtenir l’agrément ». Une législation très cadenassée pour ce petit oiseau, grand consommateur de protéines dans les premiers jours de sa vie (comme les autres gallinacés), qui de nos jours peine, hélas, à trouver de quoi se sustenter dans nos régions...

L’importance des aménagements

Lorsque l’on discute avec Rodolphe de Changy, l’un des mots qui revient le plus régulièrement dans la conversation est « gestion ». Un terme primordial dans l’univers de la chasse. « La chasse est une activité qui met l’homme au centre de ses responsabilités. Si cette discipline a toujours existé, aujourd’hui, on porte un autre regard dessus. On parle beaucoup de gestion ».

C’est notamment le cas lorsqu’il s’agira d’endiguer la prolifération d’espèces, comme le sanglier. Le conseil cynégétique de Hesbaye poursuit également la mission de régulation des prédateurs surnuméraires pour permettre à la petite faune de se développer. « La chasse joue réellement un rôle primordial pour l’environnement ».

Mais si vous dites à un chasseur que cette phase de gestion se cantonne uniquement à l’acte de mise à mort, vous risquez de le vexer. Rodolphe de Changy nous assure, en effet, que l’on verra plus souvent un chasseur avec des jumelles ou un appareil photo entre les mains plutôt qu’avec un fusil ou une carabine. Des observations précieuses pour ces spécialistes qui ont vu le biotope de nos régions fortement évoluer ces dernières années. « Il y a un affaissement très important de la population de petits gibiers. Actuellement, nous sommes à des seuils assez critiques. La perdrix a quasiment disparu, le faisan n’est plus aussi présent dans les densités que j’ai connues, le lièvre se chasse en moindres quantités, mais se maintient relativement bien grâce aux aménagements réalisés ».

Ces aménagements, le Hesbignon a accepté de nous les montrer. Pour ce faire, direction le champ à quelques dizaines de mètres de sa maison. Juste à côté, le Héronnais y a planté des haies et des tournesols. Un véritable maillage vert entre deux cultures. Ici, les animaux pourront y trouver un couvert et de la nourriture. Des abris vitaux pour certaines espèces sans refuge lorsque les terres sont mises à nu ou quand elles sont dérangées dans leur habitat naturel.

Un travail de toute l’année

Evidemment, développer ce type d’aménagement requiert du temps et des connaissances spécifiques. Dès lors, ceux qui pensent que les chasseurs ne le sont que quelques mois par an se mettent le doigt dans l’œil. En effet, la chasse est un travail de toute l’année. « Ce n’est pas comme aller au cinéma ou pratiquer un sport. Il y a beaucoup de tâches réalisées en amont. Il y a énormément de préparations, l’entretien des bois, du biotope, le nourrissage de petits gibiers pour suppléer l’absence de ressources naturelles in situ. Et ce n’est que lorsque toutes les conditions sont favorables que l’on peut chasser ». Un investissement important qui demande aussi une communication avec les autres acteurs de la ruralité, comme les agriculteurs. Des partenariats entre deux mondes indispensables pour favoriser, notamment, la mise en place de mesures agro-environnementales et climatiques, telles que les aménagements réalisés par les chasseurs hesbignons.

« Nous avons aussi observé une fréquentation accrue par le grand public des massifs boisés. Les espèces grand gibier qui y sont plus dérangées vont alors trouver refuge dans les grandes cultures. Par exemple, un froment bien levé au mois de mai, cache facilement un sanglier de 50 kg. Dans ce cas-là, l’agriculteur fournit « le couvert et l’abri » à un animal plus susceptible d’engendrer des dégâts dans ses cultures. C’est pourquoi, en tant que chasseur, il est important de connaître tous les acteurs de terrain et d’entretenir un dialogue ».

Une activité qui se diversifie

Si la chasse souffre souvent d’une image connotée de préjugés et d’une presse pas toujours favorable, ce n’est pas pour autant que le nombre de chasseurs diminue. Bien au contraire ! Selon le président du conseil cynégétique de Hesbaye, le nombre de permis de chasse est à la hausse. « Aujourd’hui, il y même plus de chasseurs que d’agriculteurs. A ce propos, le conseil cynégétique compte aussi nombre d’agriculteurs dans ses rangs ». Et si cette activité était plutôt perçue comme masculine, le nombre de femmes adeptes de cette discipline est également en augmentation.

Des chasseurs qui tentent de mieux communiquer avec les différentes parties prenantes, mais aussi avec le grand public. Deux mondes qui vont devoir cohabiter ces prochains mois afin de permettre aux journées de chasse et aux balades dominicales de faire bon ménage.

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