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La pomme de terre wallonne: un secteur d’excellence agronomique et économique

Lors de la présentation de la campagne «T’as la patate!» de l’Apaq-w, Pierre Lebrun, coordinateur de la Filière wallonne de la pomme de terre a rappelé les chiffres et éléments clés d’un secteur en constante évolution.

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En effet, en Belgique, la pomme de terre occupe actuellement une superficie d’environ 95.000 ha, dont 42.000 ha en Wallonie. La production nationale annuelle est de l’ordre de 3,5 à 4 millions de tonnes ces dernières années et la Wallonie y contribue pour 1,5 à 2 millions de tonnes.

Un rendement moyen et une surface à l’équilibre ?

Ces dernières années, le rendement moyen de la culture de pommes de terre varie de 42t/ha à 48t/ha. « Il ne progresse pas, c’est un élément important pour la filière. Il faut y voir un impact du changement climatique mais aussi un aspect variétal. Dans ce sens, le secteur a sans doute tout intérêt à diversifier ses variétés afin de maintenir sa capacité de production », explique Pierre Lebrun.

Au niveau de la surface occupée, on sort d’une longue période de tendance à l’augmentation pour aujourd’hui stagner à 95.000 ha : « Il est tout à fait préférable de ne pas dépasser ce stade pour des raisons d’occupation du territoire et de respect de rotation mais aussi de lutte contre les maladies. Nous comblons d’ailleurs déjà nos besoins via l’importation des pays voisins ».

Fontane domine

En termes de variétés, il y a eu pas mal du changement ces quinze dernières années. Les variétés hâtives occupent 5 à 10 % de la surface, essentiellement en Flandres et approvisionnent les industries de transformation en pommes de terre nouvelles dès le mois de juillet.

Les variétés de conservation stockées en hangar durant une plus ou moins longue période sont dominées par Fontane qui couvre plus de la moitié des superficies et a progressivement remplacé la Bintje. Parmi les autres variétés industrielles à frites, Innovator, Challenger et Bintje se font aussi la part belle avec une occupation d’environ 15 % des surfaces. Les variétés à chips telles que la Lady Claire ou VR808… prennent 5 à 10 % de la surface dédiée à la pomme de terre et 15 à 20 % de celle-ci est aussi occupées par des variétés industrielles plus variées.

Reste alors 5 à 10 % des surfaces pour les variétés spécifiques au marché du frais qui sont également assez diversifiées. On trouvera ainsi des variétés à chair ferme (Annabelle, Nicola, Valery, Charlotte…) destinées à la cuisson vapeur ou à la préparation en salade ou en gratins et des variétés à chair tendre (Alegria, Agria, Challenger, Artemis, Bintje…) utilisées en purée, potages ou frites ménagères.

La transformation industrielle, moteur du secteur

La pomme de terre en Belgique, c’est d’abord la frite, surgelée et fraîche qui absorbe 85 % des pommes de terre industrielles belges. Une petite vingtaine d’entreprises a utilisé plus de 6 millions de tonnes de pommes de terre en 2022, pour produire 2,8 millions de tonnes de frites surgelées, 260.000 tonnes de frites fraîches, 700.000 tonnes de chips, purée et autres spécialités. Plus de 80 % de ces différents produits sont exportés à travers le monde entier, pour 55 % en Union Européenne, et 45 % vers l’Asie, les Amériques et l’Afrique. Ce commerce génère une balance commerciale nette de l’ordre de 3,75 milliards d’euros par an, ce qui fait de la pomme de terre un des piliers de l’agroalimentaire belge.

« La transformation industrielle est donc bien évidemment le moteur du secteur. Les lignes de production et les acteurs en la matière sont nombreux en Belgique. Historiquement, ils sont davantage répartis en Flandre-Occidentale et Hainaut. On remarque aussi un phénomène de concentration avec la reprise des plus petites structures par des acteurs plus importants. Parmi ceux-ci, les acteurs belges ne sont pas à la traîne. Il s’agit bien souvent de négociants qui avaient la connaissance du produit et ont créé des usines en réagissant de manière assez pragmatique au marché. Outre l’évolution de la culture grâce à la qualité de son territoire, c’est bien là l’un des secrets du développement de la pomme de terre belge ».

La transformation industrielle belge emploie directement environ 6.000 personnes et a investi près de 300 millions d’euros l’an dernier. Avec le développement de la restauration rapide, la demande mondiale en frites surgelées continue de croître.

Mais à côté des unités industrielles de grande taille, il existe aussi des éplucheurs, qui fournissent notamment les friteries et les collectivités, et des fabricants de chips qui travaillent à l’échelle familiale. Les chips artisanaux et locaux connaissent ainsi un vrai succès.

Le frais dominé par la grande distribution mais…

Environ 15 % de la production belge de pomme de terre servent aussi à approvisionner les marchés du frais, principalement via la grande distribution (pour plus de 80 %), mais aussi les magasins spécialisés, les circuits courts (dont la vente à ferme, entre autres en distributeurs automatiques) et quelques marchés étrangers (Europe de l’Est et du Sud principalement). « Même si pour la grande distribution il ne reste plus que 4 ou 5 emballeurs/ préparateurs, il existe encore des petits emballeurs orientés vers les circuits plus courts. C’est d’ailleurs une tendance en développement avec l’attrait pour un produit plus local. Ce créneau reste une belle opportunité pour la pomme de terre ».

Le bio saturé

Quant à la production de pommes de terre bio, elle couvre 800 ha en Wallonie, soit environ 2 % des superficies. Elle est utilisée pour moitié en pommes de terre fraîches et pour moitié pour la fabrication de frites biologiques. La demande ne progresse plus réellement ces dernières années et le marché est à saturation : « Ce secteur a absolument besoin de retrouver un équilibre ».

Une saison atypique

« En pommes de terre, on repart de zéro chaque année et il faut s’adapter alors qu’il s’agit d’une culture à haut risque financier. On sort d’une saison atypique avec une fin qui semble finalement heureuse – mais les pommes de terre doivent encore être arrachées ! ». En effet, les plantations ont eu trois semaines de retard du fait du printemps froid et humide et les levées ont été perturbées par les pluies intenses de début mai. « Ces pluies ont refermé le sol et nous avons dû faire preuve d’imagination pour casser la croûte et aider la levée. La sécheresse en juin et juillet a freiné la croissance, amené une infestation de doryphores et mis en péril le rendement. S’en est suivie une période de pluies avec des températures très favorables au développement des pommes de terre mais qui a engendré une forte pression mildiou par rapport aux dernières années. Celle-ci n’a pas toujours été facile à gérer. Néanmoins, l’année se profile comme étant assez bonne, avec des rendements corrects attendus de 45 à 50 t/ha en moyenne et une teneur en matière sèche qui posait question mais tend à se stabiliser. Reste quand même encore des questions par rapport au mildiou sur les tubercules et les cœurs creux dus à la croissance trop rapide des tubercules. Cela pourrait engendrer des problèmes de conservation ».

L’avenir de la pomme de terre

L’avenir de la pomme de terre réside tout d’abord dans le développement de variétés robustes. « À termes, elles sont appelées à remplacer les variétés actuelles en étant plus adaptées à la sécheresse et/ou à la canicule, en étant moins gourmandes en engrais, et en nécessitant moins de traitements fongicides contre le mildiou. L’agriculture de précision – qui prend la forme de cartes embarquées pour l’application des engrais selon la fertilité du sol, de modulation des doses de défanants selon le volume de feuillage à détruire, de techniques alternatives de désherbage ou de défanage, ou encore de stations météo individuelles pour des traitements adaptés à chaque parcelle – aidera également à atteindre ces objectifs. Mais, tout cela devra être combiné à une protection raisonnée des cultures dont on aura toujours besoin. La maîtrise des coûts de production est également à suivre car des postes tels que l’énergie, la main-d’œuvre et les machines sont souvent très fluctuants ces dernières années et peuvent remettre l’équilibre en question ».

Bref, plus que jamais la pomme de terre wallonne est tournée vers l’avenir.

Propos recueillis par Delphine Jaunard

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