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Multiplier vos fruitiers : c’est facile !

Dans un précédent article consacré à la multiplication des fruitiers par semis, nous citions deux inconvénients majeurs de cette méthode : la juvénilité des plants, qui retarde leur entrée en production, et la transmission parfois imparfaite des caractères de la plante-mère à sa descendance. Afin de contourner ces problèmes, on recourt majoritairement à des techniques de multiplication végétative classiques, comme le bouturage, le marcottage et la séparation de drageons, ainsi qu’aux diverses méthodes de greffage. Celles dernières seront évoquées dans un article ultérieur. Enfin, à côté de ces techniques traditionnelles, la micro-propagation « in vitro » a connu, depuis les années 1970 différentes applications pour les plants fruitiers, qu’il s’agisse de la production d’arbres, d’arbustes, de sujets porte-greffe, ou encore la régénération de matériel végétal infecté.

Temps de lecture : 7 min

Toutes les techniques de multiplication végétative utilisées pour les fruitiers consistent à prélever des fragments d’un végétal, telles que des tiges porteuses de bourgeons ou racines, et à faire en sorte qu’ils deviennent des plantes autonomes conformes au plant-mère. Il est important de partir de plants-mères sains, indemnes de viroses qui seraient inévitablement transmises à la descendance.

La séparation de drageons

Cette méthode qui consiste à prélever des portions de racines porteuses de tiges est peu utilisée en pratique. On lui reproche de produire des plants qui auront une tendance encore plus accentuée à drageonner. Elle consiste, pendant toute la période d’arrêt de la végétation, à prélever à la bêche une portion de racine superficielle qui a émis un ou plusieurs rejets que l’on transplante en pépinière pour former de nouveaux plants ou des sujets porte-greffe. Ces rejets proviennent du développement spontané de bourgeons adventifs présents sur les racines. Il est évident que les drageons prélevés au pied d’un arbre greffé donneront en réalité des plants identiques au sujet porte-greffe.

La formation de drageons est fréquente chez les cognassiers porte-greffe de poiriers, chez les porte-greffes de pruniers, chez les pruniers non greffés et chez les noisetiers. Chez les framboisiers, les drageons sont formés non sur des racines, mais sur des rhizomes, tiges souterraines que l’on fractionnera de la même manière.

Dans le passé, la multiplication d’arbres fruitiers par séparation de drageons a parfois été utilisée pour créer des vergers extensifs d’arbres « francs de pied » : par exemple les mirabelliers en Lorraine ou la « Quetsche commune » (= « Altesse simple ») dans le Namurois.

Le bouturage de racines

Chez des espèces comme certains pruniers qui ont une propension naturelle à produire des drageons, il est possible de procéder à un bouturage de tronçons de racines dont les bourgeons adventifs produiront de nouveaux plants. Le prélèvement de tronçons de 5 à 10 cm de long se fait en fin de période hivernale. Ils sont placés dans du terreau humide, dans une serre chauffée. Des racines, puis les bourgeons adventifs vont se développer et évoluer en pousses feuillées.

La plantation en pépinière se fera dans le courant du printemps, en sélectionnant les pousses les mieux développées.

Le bouturage de rameaux non feuillés

À l’inverse du bouturage de racines, il s’agit ici de provoquer le développement de racines adventives sur des tiges prélevées pendant l’arrêt de végétation. La technique peut s’appliquer à de nombreuses espèces fruitières afin de produire des plants francs-de-pied (groseilliers à grappes, cassissiers, figuiers, vignes…) ou des sujets porte-greffe (fruits à pépins, fruits à noyau…).

Le prélèvement des boutures doit se faire sur des plantes saines et vigoureuses. Les boutures peuvent être de quatre types :

– boutures simples de rameaux : portion de bois d’un an de 20-30 cm de long sectionnée à la base ;

– boutures à talon de rameaux : portion de bois d’un an de 20-30 cm de long prélevés par arrachage avec un fragment de bois de deux ans appelé « talon », sur lequel la formation de racines adventives peut être meilleure ;

– boutures à crossette de rameaux : portion de bois d’un an de 20-30 cm de long portant à sa base un tronçon de bois de 2 ans de 2 à 3 cm de long ;

– boutures d’œil : tronçon de bois d’un an de 3 à 4 cm de long portant un seul œil.

Après la chute automnale des feuilles, les boutures de rameaux sont prélevées puis mises en jauge dans un mélange de sable et tourbe dans une cave fraîche. Un traitement de la base des boutures par une hormone d’enracinement peut améliorer le taux de réussite chez les espèces moins enclines à s’enraciner en stimulant la formation d’un cal cicatriciel. Si le sommet des boutures a été raccourci, les plaies seront enduites de mastic.

En mars, les boutures sont plantées en lignes à 30 x 10 cm, enterrées de moitié ou aux deux-tiers. La couverture du sol par un film plastique noir au travers duquel on pique les boutures permet de maintenir une bonne humidité et d’éviter le développement de « mauvaises herbes ».

Les boutures d’œil sont placées en caissettes ou en pots, à plat, en laissant l’œil apparent ; une incision longitudinale dans la partie enterrée de l’écorce favorisera l’émission de racines. Elles seront transplantées en pépinière dans le courant du printemps.

Après une saison d’élevage, après la chute des feuilles, les plants peuvent être mis, selon le cas, soit à leur place définitive, ou à 75 x 30 cm dans la parcelle de greffage.

Lorsqu’il est possible, le bouturage de bois sec a la préférence des pépiniéristes en raison de sa simplicité et du peu de moyens qu’il demande à mettre en œuvre. D’autres techniques ont été développées pour produire des sujets porte-greffe clonaux comme le bouturage semi-ligneux ou le bouturage herbacé pendant l’été. Dans les deux cas, lors de leur prélèvement, les rameaux mis à bouturer sont porteurs de feuillage ; il faudra donc assurer la survie des boutures avant qu’elles deviennent autonomes, en leur assurant un apport d’eau par nébulisation et en stimulant l’enracinement par chauffage du substrat et traitement hormonal. Ces techniques sont difficilement applicables dans le contexte de jardins d’amateurs.

Le marcottage

Dans le cas du marcottage, on cherchera en premier lieu à obtenir des racines sur la portion enterrée de tiges, et ce n’est qu’ensuite que les plants devenus autonomes seront sevrés du plant-mère. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées selon le cas.

le marcottage simple : sur des plantes qui présentent des rameaux longs et souples, en fin d’hiver, on ouvre une tranchée de 15-20 cm de profondeur dont le fond est amélioré par du compost. On y amène un rameau dont l’écorce aura été incisée afin de favoriser la formation d’un cal. Le rameau est maintenu en place par un crochet, et son extrémité est redressée, tenue par un tuteur. La tranchée est comblée de terre améliorée, puis tassée. Après une saison, l’enracinement est généralement suffisant, et le plant est sevré.

Le marcottage en crosse est une variante : autour d’un même pied-mère, plusieurs rameaux sont amenés dans une tranchée circulaire de 15 à 20 cm de profondeur.

Le marcottage annuel en cépée : les pied-mères sont rabattus très court en fin d’hiver. Au printemps, ils développent des jeunes pousses d’abord herbacées, puis qui se lignifient. Au fur et à mesure de leur croissance, on procède à plusieurs buttages successifs avec de la terre améliorée de sable et de compost. En automne, on démonte la butte et on sectionne les pousses enracinées. La même technique sera appliquée chaque année. Cette méthode est la plus commune pout la multiplication des groseilliers épineux et des sujets porte-greffe clonaux de pommiers et pruniers.

Le marcottage bisannuel en cépée : les pied-mères sont rabattus très court en fin d’hiver et on laisse se développer les pousses sans les butter la première année. Le buttage n’intervient qu’au début de l’année suivante, et le sevrage des marcottes enracinées en fin de deuxième saison. Ensuite, on laisse les plantes-mères se redévelopper. Ces marcottières ne produisent donc qu’un an sur deux. La technique est utilisée pour les cognassiers porte-greffes de poiriers.

Le marcottage en cépée par étranglement : cette variante est utilisée pour des espèces qui s’enracinent plus difficilement, comme les noisetiers et les châtaigniers. En fin d’hiver, les pied-mères sont rabattus très court, et ils ne sont pas buttés. Fin mai, la base des rejets est effeuillée sur 15-20 cm, puis on y place une petite ligature métallique qui provoquera un étranglement. Ensuite, on butte plusieurs fois en fonction de la croissance. Le sevrage se fait en fin de saison.

Le marcottage annuel à long bois : ce système est utilisé pour multiplier différents sujets porte-greffe vigoureux de cerisiers, de pruniers ou de poiriers. Les pied-mères sont plantés en oblique, en lignes espacées de 1,75 m et à 50-75 cm dans la ligne. En début d’année, les tiges de l’année précédentes sont couchées dans une rigole de 5 cm de profondeur, ou au niveau du sol, et maintenues par des crochets. Les yeux portés par ces rameaux vont se développer. On buttera ensuite en plusieurs fois avec de la terre améliorée, jusqu’à former une butte de 35-40 cm de haut. En fin de saison, on débute et on sectionne les pousses enracinées. Les pied-mères restent en place pendant plusieurs années.

Ir. André Sansdrap

, Wépion

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