Mycoplasma bovis: biosécurité et prévention sont primordiales
Dans le cadre d’un webinaire sur la lutte contre l’antibiorésistance organisé par l’Amcra, le Centre de connaissance concernant l’utilisation et les résistances des antibiotiques chez les animaux, le Dr vétérinaire Linde Gille (ULiège) s’est intéressée à l’impact de Mycoplsma bovis en ferme et aux différents moyens de prévention.

Mycoplasma bovis est une bactérie est très particulière tant elle est l’une des cellules vivantes les plus petites dans le monde et qui n’a en outre aucune paroi cellulaire. C’est pourtant cette dernière qui en général visée par l’action des antibiotiques. le pathogène y a donc une résistance naturelle contre certains d’entre eux.
Des facteurs de virulence
Une problématique bien belge
Des symptômes variés
Chez les vaches adultes, les symptômes les plus courants sont : mammites, pneumonie, arthrite. Ce ne sont pas seulement des grosses mammites cliniques, elles peuvent être subcliniques ou des vaches à cellules porteuses de Mycoplasma bovis
Chez les veaux, en général, les symptômes les plus fréquents sont : otites, pneumonies, et arthrites. La vétérinaire note aussi d’autres pathologies comme des infections oculaires, des méningites et des clapiers…
« Certains animaux sont asymptomatiques. Ils sont pourtant porteurs du pathogène, notamment dans les amygdales, le vagin… »
La pneumonie, cause de mortalité nº1
Comme le montre la Fig.1, c’est à partir de 3 à 6 mois que le nombre de mortalités dues à la pneumonie flambe. Près de 60 % des décès dans cette catégorie d’âge ! De 3 mois jusqu’à presque deux ans, la pneumonie est la cause la plus probable de mortalité chez les bovins.
Le coût des pneumonies
Une thérapie frustrante
« M. Bovis est un gros problème niveau pneumonie car la thérapie est fortement frustrante. Sa résistance naturelle aux antibiotiques, tels que tous les beta-lactamines, une large classe d’antibiotiques qui comprennent les dérivés de la pénicilline, l’amoxicillline, les céphalosporines… Les sulfamidés n’agissent pas non plus car agissent sur une protéine que le pathogène ne produit pas. Par ailleurs il existe des résistances acquises rapportées partout en Europe. En Belgique, une étude a porté sur 141 souches parmi lesquelles la résistance est acquise pour les macrolides, une résistance limitée pour enrofloxacine. Heureusement il existe encore quelques matières actives pour lesquelles il n’y a pas ou peu de résistance. Elle cite l’oxytétracyline, la doxyciline, le florfénicol et la tiamuline.
En outre, les facteurs de virulence (comme le biofilm, la création d’abcès pour s’y abriter) font qu’un traitement tardif n’a que peu d’impact contre le pathogène.
La prévention comme premier moyen de lutte
Deux types de préventions existent : d’introduction et de circulation, si malheureusement le pathogène est déjà sur la ferme.
En termes de prévention d’introduction, il existe 4 piliers :
– les animaux porteurs. Leur achat est le risque d’introduction du germe nº1 dans la ferme. En Belgique, 40 % des bovins nés entre 2005 et 2009, soit presque 2 million d’animaux) ont changé au moins une fois de troupeau. On a donc en Belgique une structure qui favorise le déplacement de bovins qui est aussi un risque de déplacement du pathogène ;
– le lait est aussi connu pour son grand risque de transmission. « Heureusement que le lait n’est pas transporté d’une ferme à l’autre. » Notons que le colostrum peut être aussi porteur du germe. Une étude menée en 2020 dans 17 fermes a montré que 1,9 % des échantillons de colostrum était positif à M. bovis. 13 exploitations où le pathogène circulait ont vu leurs échantillons de colostrum complètement négatifs. Dans les exploitations positives, la prévalence dans le colostrum allait de 3 à 30 %, ce qui signifie que si on achète du colostrum dans une autre ferme sans en connaître le statut M. Bovis, le risque n’est pas nul. « Toutefois, le risque d’importer le germe par le colostrum dans sa ferme n’est pas si important. »
« L’achat de colostrum congelé n’est pas LA solution puisque la congélation ne tue pas le pathogène. Pour s’en débarrasser on peut pasteuriser le colostrum durant 30 à 60 min à 60ºC sans en éliminer les anticorps. »
– les vecteurs passifs, soit tout ce qui peut être vecteur du germe sans que celui-ci ne soit actif. « Ce sont par exemple les bottes. Le pathogène sait très bien survivre dans l’environnement. Le germe peut vivre 230 jours dans les matières fécales, 8 mois dans le sable, jusqu’à deux semaines dans l’eau. D’où l’importance de la biosécurité pour lutter contre. »
– l’insémination artificielle. La transmission par IA est rare mais possible. Elle cite l’exemple de la Nouvelle-Zélande où le germe a été introduit dans les exploitations en 2015 à cause de l’insémination. En Belgique, une étude s’est intéressée à la semence des reproducteurs des différents centres d’insémination. Ledit pathogène n’y a jamais été trouvé. » Une autre étude a montré que la présence d’un taureau reproducteur en ferme multipliait par 4,7 le risque de circulation du germe dans la ferme.
La prévention de circulation peut être mise en place si le germe est déjà sur la ferme afin d’éviter que l’ensemble des animaux ne tombent malades ou aient des anticorps.
Ce type de prévention est soit directe ou indirecte.
Le contact direct est le facteur d’introduction nº 1 du germe au niveau de la ferme, que ce soit d’un veau à l’autre, d’une mère à son veau ou d’un porteur qui infecte tout le monde.
Le contact semi-direct se fait par l’intermédiaire d’un distributeur automatique de lait, de seaux communs, de la machine à traire…
Le contact indirect est à prendre en compte. Mme Gille pense entre autres au lait écarté qui va être mélangé et distribué à tous les veaux. « On augmente très fort le risque d’infection d’animaux en donnant du lait écarté qu’avec le lait d’une vache ou un lactoremplaceur. » Le colostrum est moins risqué d’autant que la relation est de 1-1, soit un colostrum pour un veau. Le risque n’est donc que pour un veau et pas pour un lot. En outre, s’il vient de la même exploitation, il amène une immunité ciblée pour la ferme.
L’air n’a pas été défini comme point de transmission indirecte mais une charge de bétail importante dans un bâtiment et une mauvaise ventilation peuvent concourir à la transmission de pathogène d’un lot à l’autre simplement par une toux. Grâce à son biofilm, M. bovis peut ainsi survivre dans l’environnement et infecter d’autres animaux.
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