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Course à la présidence de la commission européenne

Ce dimanche, les citoyens des 27 États membres sont appelés aux urnes pour désigner leurs eurodéputés. Mais d’autres échéances sont attendues au sommet des instances européennes. Il faudra également renouveler la direction de la commission européenne, en commençant par la présidence pour laquelle cinq candidats sont en lice. Ils ont débattu, le 23 mai dernier au sein de l’hémicycle à Bruxelles.

Temps de lecture : 8 min

Le climat et l’environnement et, plus largement, les stratégies du Pacte Vert, ont fait l’objet d’échanges entre les représentants des différentes formations politiques.

Le rôle croissant du parlement européen

Pour y voir plus clair sur ce qui se trame dans les hautes sphères de l’Exécutif européen, commençons tout d’abord par un petit rappel sur le mode de désignation du président de la commission, lequel a évolué depuis les premiers traités, accroissant, au fil des années, le pouvoir décisionnel du parlement européen. Ainsi, le rôle du parlement dans cette désignation est formalisé une première fois en 1992 par le traité de Maastricht et prévoit qu’il soit consulté.

En 1997, le traité d’Amsterdam introduit l’approbation du parlement européen dans la procédure d’investiture. Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, le président de la commission est désormais élu par le parlement européen à la majorité des voix sur une proposition du conseil européen, lui-même obligé de tenir compte des résultats des élections européennes.

Cinq candidats à l’assaut de la présidence

C’est à l’occasion de leurs congrès respectifs qui se sont tenus entre février et mars derniers, que les partis politiques européens ont désigné leurs têtes de liste pour conduire la campagne électorale des élections européennes.

Les cinq candidats qui briguent la présidence de l’Exécutif se sont présentés sur scène devant un parterre d’environ 900 invités, dont un important contingent de représentants de la presse.

Aux côtés d’Ursula von der Leyen, présidente sortante et candidate pour les démocrates-chrétiens du PPE, nous avons pu analyser les arguments et propositions du Luxembourgeois Nicolas Schmit, candidat pour les sociaux-démocrates, de l’Italien Sandro Gozi, l’un des trois candidats des libéraux de Renew Europe, de l’Allemande Terry Reintke, visage des Verts et de l’Autrichien Walter Baier, représentant de La Gauche.

Il est à noter que seules cinq formations ont présenté des candidats à ce poste, sur les sept groupes politiques que compte le parlement. Le groupe Identité et Démocratie (ID) et celui des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), tous deux d’extrême droite, qui ne cautionnent pas le système des « spitzenkandidaten » (candidat tête de liste), n’ont donc pas désigné de prétendant à la présidence de la commission.

L’ombre de l’extrême droite plane sur le débat

Une absence qui n’aura jamais été aussi présente dans le débat, le sujet de l’extrême droite ayant émaillé presque chacune des six grandes thématiques abordées par les candidats : économie et emploi ; sécurité et défense ; climat et environnement ; démocratie et leadership ; frontières et migration et innovation et technologie.

La grande question qui agite la bulle européenne à l’approche des élections, porte sur une possible alliance entre la droite modérée du PPE et la droite radicale de ECR à l’issue du scrutin. Nicolas Schmit s’y est montré farouchement opposé, estimant que ECR et ID « ne sont pas des forces démocratiques. Ils ne correspondent pas aux valeurs fondamentales de l’UE ».

Terry Reintke, la candidate écologiste, a renchéri en désignant l’extrême droite comme « la plus grande menace » pour l’UE. « Des politiciens travaillent avec des forces étrangères pour saper nos intérêts. Nous ne pouvons pas accepter que la main tendue de Poutine siège dans notre parlement », a-t-elle martelé.

Quant à Ursula von der Leyen, critiquée pour son ambiguïté face à un possible rapprochement avec la droite radicale, elle s’est montrée plus modérée. « La future composition des groupes au parlement n’est pas claire. Il nous faut donc choisir des principes, et rester très clair sur ces principes », a-t-elle évacué, sans réfuter l’option d’un rapprochement avec ECR et sa cheffe de file, Giorgia Meloni.

Le Pacte Vert comme un boomerang

Quel que soit le positionnement politique des candidats, s’il y a un autre sujet qui ne pouvait être éludé, c’est bien celui du climat et de l’environnement. Considéré comme une feuille de route de mesures visant à garantir la neutralité climatique d’ici 2050, le Pacte Vert était à nouveau sur la sellette.

Si l’on a observé un peu partout les signes d’une transition vers les énergies renouvelables, ces efforts ont été sources de tension avec le secteur agricole qui redoute l’indigeste lasagne administrative préparée dans les cuisines de l’Exécutif bruxellois.

La question revient comme une antienne : comment donc atteindre les objectifs du Pacte Vert sans endommager la croissance économique ? Pour la présidente sortante de la commission qui avait décidé de cette stratégie verte à long terme, tout le monde avait adhéré au cadre légal qui a été mis en place.

« Nous en sommes à la phase de transposition, nous avons noué un dialogue avec les industries et les agriculteurs pour leur demander ce dont ils ont besoin pour compléter cette feuille de route » a assuré Ursula von der Leyen. Et d’ajouter que pour ce faire, « nous avons la possibilité d’investir dans les technologies propres, ce qui sera la tâche de la prochaine mandature ».

La représentante du PPE a par ailleurs souligné que les agriculteurs, qui « étaient demandeurs de cette neutralité carbone », voulaient « passer de la conditionnalité aux incitants ».

Multiplication d’effets de manches

Les objectifs climatiques peuvent être mis en œuvre sans saper la croissance économique. C’est l’avis du candidat socialiste luxembourgeois pour qui « les bonnes politiques climatiques peuvent favoriser un nouveau type de croissance durable ». Une démarche qui a un prix… que personne ne semble pouvoir chiffrer.

Si Nicolas Schmit sait qu’il faut investir et mobiliser des fonds pour transformer et décarboner les industries, l’agriculture mais aussi la vie quotidienne des citoyens européens, il a bien conscience qu’il faudra surtout rendre ces politiques climatiques acceptables pour tous grâce à « un dialogue social intensif pour démontrer que tout le monde peut sortir gagnant » de cette orientation.

Le ton n’était finalement pas différent dans le chef du candidat libéral qui a balayé d’un revers de la main toute « lassitude en matière d’écologie ».

Il faut, selon lui, « passer à la transposition des mesures du Pacte Vert avec plus de dialogue et de pragmatisme, faire en sorte que le marché unique devienne plus durable pour les producteurs et les consommateurs, simplifier les projets renouvelables, interdire toute forme d’écoblanchiment ».

Un discours qui tranchait avec celui tenu par Walter Baier, issu du parti communiste autrichien et candidat de La Gauche pour qui « chaque étape vers la réhabilitation écologique et climatique est nécessaire ».

« Nous sommes prêts à le faire avec tout le monde disponible pour le faire, mais en même temps nous disons aux gens que nous ne croyons pas à la réconciliation de la nature et du capitalisme. Il y a une contradiction fondamentale et si l’on veut une réhabilitation écologique, il faut freiner le capitalisme néolibéral ».

Le revenu agricole enfin évoqué dans le débat !

Zappée dans toutes les interventions, c’est la candidate écologiste qui a (enfin) évoqué la question du revenu agricole. Sans doute le fait qu’elle soit elle-même fille d’agriculteurs n’y est-il pas étranger.

« Nous devons réformer la politique agricole de l’UE pour nous assurer que les agriculteurs, et en particulier les petits exploitants, reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour assurer la sécurité alimentaire, participer au changement en matière de protection de l’environnement et du climat, mais aussi, et c’est très important, pour pouvoir vivre de ce qu’ils font ».

Selon elle, il est impératif de remanier le processus d’attribution des subventions, qui sont actuellement accordées en fonction de la taille de l’exploitation agricole, sans tenir compte des aspects de durabilité, écologiques ou sociaux.

Des propos qui rejoignent ceux qu’elle avait déjà prononcés en amont du débat lorsqu’elle indiquait que son groupe aimerait « imposer des conditions en matière de normes écologiques et sociales, et plafonner les subventions agricoles pour donner l’argent qui reste – les fonds qui ne sont pas accordés aux grandes industries agricoles – aux petits agriculteurs et en particulier à l’agriculture familiale ».

Ursula von der Leyen partie pour rester ?

Mais que retenir, in fine, de ce long show, si ce n’est qu’il n’a finalement pas apporté de grande nouveauté au paysage politique de l’Union.

Dans la course à la présidence, on peut aisément avancer qu’Ursula von der Leyen garde encore une petite longueur d’avance malgré la multiplication de faux pas. Citons, parmi d’autres, sa proximité avec le patron de Pfizer révélée lors de la négociation des contrats d’achat des vaccins contre le covid-19, un voyage controversé en Israël ou encore la création d’un poste payé plus de 20.000 € par mois pour un contrat de quatre ans renouvelable deux ans afin d’y placer l’un de ses protégés, un Allemand de son parti, la CDU.

La présidente sortante marche plus que jamais sur des œufs. Elle doit à la fois donner des gages au PPE, dont elle est la candidate, tout en veillant à ne pas s’aliéner les autres partis europhiles de l’UE alors qu’elle n’a pas réellement clarifié sa position à l’égard du groupe d’extrême droite ECR.

Marie-France Vienne

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