Les positions s’affirment sur le Mercosur
Alors que la France a verrouillé son rejet de l’accord par l’adoption d’une résolution par les deux chambres de son parlement, la Pologne a aussi formalisé son opposition. Et la France espère obtenir celle de l’Italie dont la position pourrait faire basculer un potentiel vote au conseil. Le Brésilien Lula maintient pourtant la pression pour conclure. Au parlement européen, le sujet va revenir sur la table.

Comme prévu, le parlement français a rejeté l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur.
L’Assemblée nationale le 26 novembre (par 484 voix contre 70), puis le Sénat le lendemain (par 388 voix contre une) ont massivement validé la résolution d’opposition au traité « en l’état », verrouillant de fait la position exprimée par la France sur le sujet.
Et Paris n’est plus seul puisque le gouvernement polonais a formalisé, le 26 novembre, son opposition au texte. « Le conseil des ministres s’oppose aux résultats des négociations avec le Mercosur dans le domaine de l’agriculture », a d’ailleurs précisé l’ancien président du conseil européen et actuel Premier ministre polonais Donald Tusk.
Varsovie joue donc la carte de l’alliance avec Paris pour constituer une minorité de blocage au conseil de l’UE. « Je suis convaincu qu’ensemble nous construirons une forte coalition diplomatique d’opposition au Mercosur », a ainsi déclaré le ministre polonais de l’Agriculture Czeslaw Siekierski à l’issue de sa rencontre le 22 novembre avec son homologue française Annie Genevard.
Ambitions divergentes
L’exécutif français souhaite aussi convaincre l’Italie dont le ministre de l’Agriculture et beau-frère de la présidente du Conseil Giorgia Meloni a exprimé, lors du Conseil agriculture du 18 novembre, son rejet de l’accord en l’état.
Le Premier ministre français Michel Barnier se rendra d’ailleurs en Italie au début du mois de décembre pour rencontrer la dirigeante transalpine. Nul doute que le sujet sera abordé. Et cela pourrait avoir son importance puisqu’en fonction du mode de décision au conseil de l’UE, la position de l’Italie pourrait participer à faire basculer le scrutin et le destin de l’accord, si les discussions se finalisent.
De l’autre côté de l’Atlantique, le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva persiste dans sa volonté de finaliser le traité d’ici la fin de l’année. Et Paris est devenu une cible. « Si les Français ne veulent pas de cet accord… ils ne décident plus de rien, c’est la commission européenne et Ursula von der Leyen qui décident », a-t-il affirmé le 27 novembre lors de la rencontre nationale de l’Industrie, organisée par la CNI (Confédération nationale de l’industrie) à Brasília. Et d’ajouter sur le réseau social X, « je veux signer l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, car cela fait 22 ans que nous en discutons ».
Merco (pas) sûr
Les pourparlers entre les parties se poursuivent donc au niveau technique. Les négociateurs étaient même attendus dans la semaine du 25 au 29 novembre à Brasília. Dans cette optique, plusieurs organisations européennes du secteur agroalimentaire (Copa-Cogeca, Cefs – fabricants de sucre, Cepm – maïs, Euwep – œufs, Avac – volaille, Cibe – betteraviers, Selma – bétail et viande, iEthanol – éthanol hors carburant) ont appelé, le 26 novembre, l’exécutif européen à prendre une position ferme « pour protéger l’intégrité de l’agriculture européenne et préserver la confiance des consommateurs ».
À ce titre, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois Xavier Bettel a évoqué, en marge de la réunion des ministres du Commerce international du 21 novembre, « un document sur la protection des agriculteurs » qui serait sur la table des discussions, sans apporter de détails supplémentaires.
Inquiétudes légitimes des agriculteurs
Et le sujet de l’accord UE/Mercosur devrait revenir d’ici peu à l’ordre du jour des discussions au parlement européen. Les eurodéputés de la commission du Commerce international échangent ainsi le 3 décembre sur ce sujet à l’occasion d’un débat. Mais la présidente du parlement européen Roberta Metsola se veut prudente.
Les inquiétudes des agriculteurs français concernant les négociations entre l’UE et le Mercosur sont « légitimes » et il est « crucial de prendre le temps d’y répondre totalement », a-t-elle prévenu le 24 novembre lors d’une visite à Paris.