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«Les écologistes sont les plus grands alliés des agriculteurs»

Pour une majorité d’eurodéputés, le vote relatif aux propositions de simplification de la Pac constitue une réponse concrète au ras-le-bol des agriculteurs qui n’en peuvent plus d’un indigeste millefeuille administratif. Il n’en est rien pour les écologistes qui ne décolèrent pas, à l’instar de Saskia Bricmont avec qui nous avons échangé à la sortie de l’hémicycle. Une occasion de passer en revue avec elle les questionnements agricoles actuels auxquels elle a répondu sans langue de bois, comme à son habitude…

Temps de lecture : 6 min

L’élue wallonne fait partie des quelques parlementaires qui ont essayé d’empêcher l’affaiblissement des dispositions environnementales de la Pac.

Nous supposons que vous partagez la réaction de votre collègue français Benoît Biteau, pour qui l’initiative de la commission sape les stratégies européennes en matière de climat, de biodiversité et de protection des sols ?

Bien sûr. Pour moi, on prend les agriculteurs pour des « cons » car il n’y est aucunement question du revenu qui me semble quand même être leur préoccupation première. Rien non plus sur la régulation des prix de l’agroalimentaire au niveau européen. La simplification de la Pac porte essentiellement sur les mesures environnementales, ce qui envoie un très mauvais signal à tous les agriculteurs qui font déjà des efforts. Cela ne leur propose aucun accompagnement, ni soutien dans leur transition. Pour moi, cela ne répond pas à l’enjeu de l’agriculture familiale telle qu’elle existe en Wallonie. Par contre, cette orientation fait clairement le bonheur de l’agro-industrie qui profitera de la levée des contraintes liées aux mesures environnementales.

Que ressentez-vous face à cette orientation de l’Exécutif ?

Je suis en colère. Lorsque le secteur déclare que « l’on marche sur la tête », il pointe le manque de cohérence des politiques. La seule réaction de la majorité libérale et conservatrice qui est aux manettes depuis plus de vingt ans en Wallonie et en Europe a été de sucrer les mesures environnementales afin d’épouser leur agenda politique dont le but à terme est de tuer le Pacte Vert ! Je ne vois pas, par ailleurs, en quoi cette simplification va améliorer le revenu des agriculteurs.

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas, ou plus, dans la Pac ?

Pour moi, c’est son modèle actuel qui a encouragé les agriculteurs à toujours investir plus, à recourir à certains types de pesticides, à accroître les rendements pour accéder aux aides. Or, il faut réformer cette politique pour faire en sorte qu’elle devienne un véritable outil rémunérateur pour les agriculteurs. Elle doit les payer pour les services rendus à la nature, comme le stockage du carbone dans les sols. Les agriculteurs font d’autant plus partie de la solution qu’ils dépendent de la terre.

La directive sur la protection des sols a pourtant été adoptée ...

En effet, mais quelle est la cohérence entre la loi sur le climat et cette directive et le fait que la commission et les États membres s’attaquent aux mesures environnementales ? C’est bien la preuve qu’il n’y a pas de cohérence entre les politiques européennes. Plus généralement, on critique le verdissement mais rien n’a encore été mis en œuvre dans le cadre de la stratégie « De la fourche à la fourchette » puisque la question des pesticides a été retirée de l’agenda et que l’accroissement de la part du bio n’a jamais fait l’objet d’un texte. Le Pacte Vert n’est finalement jamais arrivé à la porte des campagnes. Faire donc croire que ce sont les quelques mesures environnementales qui mettent la corde au cou des agriculteurs, c’est quand même un sacré leurre.

Quels sont les sujets sur lesquels L’UE devrait avancer ?

Elle devrait urgemment se pencher sur la question du revenu et celle de la disparition de l’agriculture familiale liée à la problématique de l’accès à la terre et à la spéculation foncière. Il n’y a aucun mot sur le sujet alors que la commission pourrait soutenir, via la Pac, des coopératives qui seraient à même de faciliter cet accès ou encore un organisme de gestion des ventes du foncier agricole. Par ailleurs, la commission n’écoute pas les agriculteurs qui pointent régulièrement la question du libre-échange, notamment la proposition d’accord avec les pays du Mercosur dans lesquels le négociateur en chef de la commission est d’ailleurs en tournée pour les assurer de la future conclusion après les élections européennes. C’est le message envoyé par l’Exécutif en pleine crise agricole. C’est scandaleux, car la commission continue à avancer sans clauses-miroirs, sans réciprocité des normes sociales et environnementales.

Les parlementaires viennent de réaffirmer leur accord, dans les grandes lignes, avec la proposition de la commission sur les NBT. Comment réagissez-vous à ce vote qui clôture la première lecture du texte ?

Pour nous, les NBT constituent une nouvelle forme d’OGM. Seul le nom a été modifié pour le rendre plus acceptable. Les NBT n’ont pas fait l’objet d’une évaluation suffisamment approfondie. Nous n’avons pas assez de recul que pour en connaître leur impact réel. Notre groupe y reste opposé au nom du principe de précaution.

Que proposent les écologistes comme alternative à ces nouvelles technologies ?

Nous restons fidèles à un modèle d’agriculture naturelle et à l’agroécologie. Nous voulons faire en sorte d’assurer la transition du secteur agricole vers une agriculture plus durable et basée sur la préservation de la nature.

Les NBT sont pourtant présentés comme l’une des réponses au réchauffement climatique et à tous les aléas météorologiques susceptibles d’affecter le secteur agricole…

Nous ne sommes pas fermés à la recherche et aux nouvelles techniques pour autant qu’elles soient basées sur la nature. J’ai récemment été visiter la société coopérative maraîchère bio « Grow » (Growing Resilient Organic World) située dans le Brabant wallon. Les initiateurs du projet travaillent sur base de techniques de préservation des sols et de leur écosystème. Ils limitent au maximum l’usage des produits autorisés en bio en s’appuyant sur les cycles de la nature. Après cinq ans, leur modèle économique fonctionne et pourrait faire des émules. C’est sur ce type d’initiatives, plutôt que sur des techniques non éprouvées dont on ne connaît pas les conséquences sur la santé, qu’il faut s’appuyer. Il faut encourager ces projets via des fonds de la Pac et des soutiens publics plutôt que de se diriger vers des technologies dont on ignore la potentielle nocivité.

Nous arrivons au terme de cette actuelle législature, qu’en retenez-vous, et qu’attendez-vous de la prochaine, vous qui siégerez à nouveau dans l’hémicycle ?

Il faut faire en sorte que les Verts augmentent leur nombre de sièges dans cette assemblée et que le Pacte Vert reste une actualité en haut de l’agenda européen. Si l’on veut avoir le secteur agricole et les citoyens avec nous, il faut financer la transition vers un modèle qui permette d’atteindre la neutralité climatique via des programmes d’accompagnement et de financement. C’est ce qui a cruellement fait défaut sous cette législature. Nous devons démontrer que les écologistes sont les plus grands alliés des agriculteurs.

Marie-France Vienne

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