Suspenses et psychodrames en série à la commission
La présidente de la commission Ursula von der Leyen a dévoilé, la semaine dernière, le casting de l’équipe qui l’entourera jusqu’en 2029, fin de son second mandat. Sa composition, hautement scrutée au sein de la bulle européenne, a été le fruit d’âpres négociations émaillées de quelques psychodrames dont l’Exécutif a le secret…

Le plus retentissant fut certainement l’épisode lié à Thierry Breton, le commissaire (Marché intérieur) du deuxième pays de l’UE et poids européen qu’est la France.
Formellement désigné fin juillet par Emmanuel Macron pour effectuer un second mandat à la commission, il en a claqué la porte non sans avoir envoyé une lettre au vitriol à sa présidente.
Thierry Breton claque la porte et incendie Ursula von der Leyen
Tout s’est joué quelques jours seulement avant que les portefeuilles soient officiellement dévoilés. Si, jusqu’alors, Paris soutenait la candidature de Thierry Breton, l’appui s’est effrité dans la dernière ligne droite, lorsqu’Ursula von der Leyen a mis Emmanuel Macron face à un choix : garder Thierry Breton mais avec un plus petit portefeuille, ou bien proposer un autre nom mais avec un plus gros maroquin.
C’en était trop pour l’homme politique qui a entretenu, cinq années durant, des relations notoirement exécrables avec la dirigeante allemande.
Dans sa missive, le désormais ex-commissaire a dénoncé la nouvelle organisation de la commission, « un peu plus verticalisée », avec moins de commissaires expérimentés, et dans laquelle certains ont été « rétrogradés ».
Le président français a sifflé la fin des hostilités en proposant son ministre démissionnaire des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, en remplacement de M. Breton.
Suspense luxembourgeois
Pressenti depuis longtemps à l’Agriculture, le démocrate-chrétien luxembourgeois Christophe Hansen a bien failli devoir renoncer à un poste qui lui tendait les bras autant qu’il lui tenait à cœur. Le parti socialiste européen (PSE) avait en effet souhaité que son compatriote Nicolas Schmit, tête de liste (spitzenkandidat) lors des élections européennes de juin, figure dans la composition de la prochaine commission.
Mais un tel changement aurait eu pour conséquence de rayer des listes celui qui souhaitait pour prendre la place du Polonais Wojciechowski à l’Agriculture. Après moult négociations, il n’en fut finalement rien. Les Luxembourgeois ne sont heureusement pas connus pour avoir le sang chaud ni la gâchette facile.
Christophe Hansen, un spécialiste à l’Agriculture
C’est donc finalement bien M. Hansen qui devrait être le prochain commissaire à l’agriculture. Euro
Un portefeuille à compétences partagées ?
Toutefois, l’étendue exacte de son portefeuille, notamment sur les questions alimentaires, et la répartition des compétences avec le commissaire à la Santé et au bien-être animal, Oliver Varhelyi, restent à éclaircir. L’intitulé « Alimentation » de son poste ne devrait pas pour autant lui conférer la mainmise sur le dossier de la sécurité alimentaire.
Ces problématiques devraient donc rester dans l’escarcelle de la DG Santé, au grand dam des organisations agricoles qui, en plus d’espérer un poste de vice-président à l’Agriculture qui ne s’est finalement pas matérialisé, mettaient la pression pour changer de paradigme sur des sujets sensibles comme les NBT et les pesticides.
L‘eau et l’économie circulaire en ligne de mire
La Suédoise Jessika Roswall sera chargée de l’Environnement, de la résilience en matière d’eau (une priorité du mandat) et de l’économie circulaire. Elle devra surtout se concentrer sur l’application et la mise en œuvre de la législation existante en matière d’environnement et de biodiversité en tenant compte de l’importance de la simplification et du dialogue avec les parties prenantes.
Parmi ses nouvelles missions figure le lancement des travaux sur les crédits nature dont pourraient bénéficier les agriculteurs. Son autre grand chantier sera la préparation d’une stratégie européenne sur la résilience de l’eau pour renforcer la sécurité hydrique en se penchant sur l’efficacité de l’eau, les pénuries, la pollution et les risques liés à l’eau. Objectif, là encore : améliorer la compétitivité et l’innovation des entreprises.
Cap sur les auditions des candidats commissaires
Les commissaires ne vont pas entrer en fonction avant plusieurs semaines car c’est au parlement européen de prendre la main en commençant, dans un premier temps, par s’attaquer à l’examen de leurs candidatures.
Les commissions parlementaires compétentes adresseront des questions écrites aux candidats auxquelles ces derniers doivent répondre – par exemple, pour ce qui est du commissaire à l’Agriculture et à l’alimentation, ce sera celle de l’Agriculture mais aussi, dans une moindre mesure, celle de l’Environnement.
Puis, une audition d’environ trois heures sera organisée, au cours de laquelle le candidat devra convaincre les coordinateurs des différents groupes politiques. Une session de rattrapage peut éventuellement être organisée, comme cela avait été le cas du commissaire actuel à l’Agriculture Janusz Wojciechowski en 2019.
Si un candidat est rejeté, comme cela pourrait être envisagé pour le candidat hongrois qui s’est vu chargé des dossiers de la Santé et du Bien-être animal, la procédure prendra du retard avec la désignation d’un nouveau candidat qui devra encore passer par tout ce processus. Et à la fin, le parlement réuni en plénière, ne pourra que rejeter ou élire la commission dans son intégralité, et non les différents commissaires désignés. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer la nouvelle équipe commencer à travailler dès le 1er novembre.