«Mon système de GPS n’intéresse pas les voleurs»
Face à la recrudescence des vols dans leurs exploitations, les agriculteurs commencent à s’organiser. François Samain fait partie de ceux qui refusent la fatalité. Sur son exploitation située à Saint-Gérard, dans l’entité de Mettet, celui qui est aussi électromécanicien vend des balises et construit des GPS sous le label RTK Agri dont il a commencé à équiper ses propres tracteurs en 2022. Outre son prix, le système, qui est impossible à revendre, a l’avantage de ne pas intéresser les malfaiteurs.

Dans l’un de ses hangars, le cultivateur soude les cartes électroniques, assemble différents composants sur base du logiciel open-source AgOpenGPS, conçu pour fournir un système d’autoguidage GPS aux véhicules agricoles.
Un système qui dissocie les composants électroniques
Développé initialement par un agriculteur canadien, Brian Tischler, ce programme permet aux utilisateurs de créer leur propre système de guidage automatique à un prix très compétitif.
Les usagers peuvent assembler leur propre matériel en combinant des composants tels que des récepteurs GPS, des antennes, des capteurs d’angle de direction et des actionneurs pour le volant. « Quasiment tout le système est en fait développé par des agriculteurs » nous apprend M. Samain en précisant que c’est par exemple un confrère polonais qui fabrique les boîtiers qu’il utilise.
Contrairement aux grandes marques du marché où les composants électroniques se trouvent dans l’antenne, le système proposé par l’agriculteur namurois les dissocie : il comporte un boîtier électronique installé à l’intérieur de la cabine du véhicule tandis que l’antenne, de plus petite taille, s’y place à l’extérieur.
Pour fonctionner avec une haute précision, AgOpenGPS utilise un signal de correction RTK (Real-Time Kinematic ou cinématique temps réel) qui est souvent émis depuis une base installée sur l’exploitation agricole. Si un voleur ne possède pas cet accès, le système perd sa précision, réduisant considérablement son intérêt.
« Mon système n’intéresse pas les voleurs » développe d’ailleurs François Samain avant de préciser que ses GPS sont tout simplement « invendables » car les composants sont moins onéreux que ceux des grandes marques, mais aussi et surtout parce qu’il requiert tout un travail spécifique de câblage, montage et de programmation. Il sera donc beaucoup plus difficile de trouver un acheteur qui saurait comment l’installer et l’utiliser.
Travail avec le réseau français Centipède
Equiper un tracteur de ce type de GPS chez RTK Agri coûte 6.250€ pour un montage hydraulique. Quant à la balise, elle revient à 65€.
Le bouche à oreille commence à fonctionner en Wallonie. Les clients viennent des régions de Tournai et de Liège. Et François Samain de nous montrer du doigt le petit Fendt 211qui a fait 4h00 de route pour être équipé de son autoguidage.
Si les grandes marques utilisent leur propre écosystème de logiciels et de services qui requièrent un abonnement annuel (de l’ordre de 500€ à 700€ par an), l’agriculteur condruzien insiste sur l’avantage de travailler avec Centipède, le système collaboratif open-source de bases GNSS (Global Navigation Satellite System) lancé en 2019 par l’Inrae (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) offrant des corrections en temps réel pour un positionnement précis au centimètre près.
« Chaque antenne placée par un agriculteur est ouverte à tout le monde » illustre François Samain qui en propose lui-même à la vente. Et d’ajouter que « le coût annuel de ce système revient à 95€ par an ».
La solution développée par AgOpenGPS et vendue par l’agriculteur namurois est difficile à voler parce que techniquement complexe, non standardisée, dépendante d’une configuration spécifique et sans véritable valeur de revente. La piste pourrait faire des émules, bousculer les habitudes au niveau des constructeurs et, surtout, rendre la vie (très) dure aux malfaiteurs. C’est à coup sûr le souhait du secteur agricole…