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ULiège : «La disparition des vétérinaires engendrera une disparition des éleveurs!»

Vétérinaires ruraux et éleveurs : ces deux professions vont de pair. L’une ne peut exister sans l’autre. Pourtant, tandis que les cheptels diminuent d’année en année, ces professionnels de la santé sont, eux aussi, en perte de vitesse dans nos campagnes. Une pénurie d’autant plus problématique dans certaines provinces, comme le Luxembourg. Face à ce constat, la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Liège a développé le projet EVE qui permettra de renforcer les liens entre les étudiants, les vétérinaires et les éleveurs.

Temps de lecture : 5 min

Les vétérinaires ruraux sont-ils devenus « une espèce en voie de disparition », dans certaines régions de notre pays ? Il semble que oui… En effet, plusieurs provinces wallonnes sont particulièrement touchées par ce phénomène. C’est le cas du Hainaut, mais également du Luxembourg.

Une situation d’autant plus alarmante que la population de vétérinaires actuelle est vieillissante. Alors qu’il est pourtant primordial d’avoir un professionnel de la santé animale dans les exploitations agricoles. « S’il n’y a pas de relève, des fermes risquent donc de disparaître », souligne d’ailleurs Hugues Guyot, docteur en médecine vétérinaire et professeur à l’ULiège.

Hélas, selon lui, en moyenne 60 % des étudiants se dirigent vers les animaux de compagnie à la fin de leur cursus, tandis que les équidés et les ruminants se partagent les 40 % restants.

Confrontée à cette réalité, la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’ULiège a décidé de réagir avec EVE. E pour étudiants, V pour vétérinaires et E pour éleveurs. Ce projet, né l’été dernier et d’une durée de cinq ans, est soutenu par la Province du Luxembourg. L’objectif ? Renforcer les liens entre ces trois acteurs essentiels.

« EVE est parti du besoin de motiver ou de remotiver les étudiants pour la pratique rurale. Pour certains, non issus du milieu, ce sera l’opportunité de s’immerger dans cet univers, et de démystifier le métier », complète Hugues Guyot.

La clinique se déplace à la ferme

Concrètement, grâce à EVE, les étudiants pourront prochainement sillonner les routes luxembourgeoises au volant de leur clinique ambulatoire flambant neuve. « Nous possédons déjà une camionnette. Néanmoins, celle-ci est vieillissante. Avec ce projet, nous allons pouvoir avoir les fonds pour la remplacer ».

Dans ce véhicule, tout l’équipement nécessaire sera installé afin de réaliser des diagnostics individuels et de troupeaux. Neuf places seront disponibles pour les étudiants, tandis qu’à l’arrière se trouveront plusieurs tiroirs. Chaque caisse correspondra à une pathologie spécifique. Par exemple, une pour les mammites, l’autre pour les maladies respiratoires… On y trouvera aussi d’autres matériels spécifiques, comme un microscope ou encore une centrifugeuse. Bref, une vraie camionnette d’experts pour amener ces jeunes au cœur des élevages.

L’opportunité pour ces futurs professionnels de se former et de travailler en conditions réelles. Une véritable relation « gagnant-gagnant » pour chacune des parties prenantes. En effet, grâce à ce véhicule, les vétérinaires pourront, de leur côté, bénéficier d’un soutien venant des étudiants stagiaires. Quant aux éleveurs, ils pourront obtenir des conseils et avoir un autre regard sur telle ou telle problématique. « Il s’agit d’une aide pour eux puisqu’avec ce projet, on vient dans leur ferme pour réaliser des diagnostics, des audits… gratuitement. De plus, les vétérinaires vont entrer en contact avec les étudiants. Un premier contact qui pourra, éventuellement, déboucher sur un stage, et, pourquoi pas, sur l’envie de s’installer, à terme, en province du Luxembourg ».

Notons à ce propos qu’une bourse sera octroyée pour favoriser les stages dans cette province, grâce au soutien des autorités provinciales.

Un métier exigeant pour lequel de nombreux freins subsistent

Si certains étudiants ont déjà un lien direct ou indirect avec le monde rural, comme les enfants d’agriculteurs, pour d’autres, cette expérience dans les fermes sera une première. De quoi, qui sait, déclencher un coup de cœur pour ce métier, pour lequel de nombreux freins subsistent.

Il y a, évidemment, la pénibilité de la profession ou encore ses aspects financiers. « Lors d’une césarienne pour un ruminant, il faut parfois travailler de nuit, dans une étable, le tout pour une opération au même prix qu’une intervention sur un chat réalisée plus confortablement dans un cabinet ». Toujours au niveau financier, les vétérinaires doivent parfois avancer de l’argent pour l’achat de traitements, comme les vaccins.

De plus, suite au faible taux de renouvellement, ce métier est très intense. « C’est certain : ceux qui souhaitent se lancer trouveront toujours du boulot ». Cependant, à la fin de la journée, c’est un autre aspect du job qui les attend… les nombreuses tâches administratives. « Il y a tout le temps de nouveaux règlements. Quand on court d’une intervention à l’autre et que le soir il y a encore toute la paperasse à faire, c’est difficile », indique encore Hugues Guyot.

Le professeur ajoute : « À un moment donné, il y avait un autre souci : l’éleveur connaît très bien ses animaux, et il pardonnait moins. Il y avait parfois un respect qui venait à manquer des éleveurs envers les vétérinaires, et les jeunes sont très sensibles à cela. Il faudrait donc plus de tolérance et de confiance. Toutefois, cet aspect s’améliore ». C’est le même son de cloche pour les préjugés portant sur les femmes, de plus en plus nombreuses dans la profession.

Une profession qui s’est féminisée puisqu’environ 80% des étudiants sont des femmes.
Une profession qui s’est féminisée puisqu’environ 80% des étudiants sont des femmes. - ULiège.

Trois activités de l’intra-muros à l’extra-muros

Si la clinique ambulatoire fait partie des activités « extra-muros » de l’Université, ce n’est pas la seule… Les étudiants peuvent aussi y être formés à la médecine de troupeaux. Ils sont, de cette manière, amenés à intervenir dans le cadre de suivis réguliers en reproduction ou pour poser des diagnostics dans des situations particulières, comme une hausse soudaine de la mortalité au sein d’un élevage. Les investigations portent tant sur les maladies infectieuses que sur l’alimentation ou la gestion globale de la ferme, etc.

Puis, en « intra-muros », se trouve la clinique (plus d’informations ci-dessous). Un hôpital dédié aux ruminants qui accueille des situations plus complexes. « Avec le véhicule, on peut intervenir pour des cas de première ligne, comme une vache qui boîte ou tousse, un veau avec de la diarrhée. Et avec l’hôpital, ce sont des cas référés, soit plus compliqués nécessitant davantage de matériel spécifique, d’investigations… »

Trois activités primordiales pour permettre aux étudiants, filles ou garçons, issus ou non du milieu agricole, d’avoir toutes les cartes en main pour se lancer dans le monde professionnel et devenir, à leur tour, un maillon essentiel de la ruralité.

Hugues Guyot avec un des bovins de la clinique servant à former au mieux les étudiants à leur futur métier.
Hugues Guyot avec un des bovins de la clinique servant à former au mieux les étudiants à leur futur métier. - D.T.

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