A la ferme didactique de la Province de Liège, un robot pour faire entrer les élèves dans la traite 2.0
En alliant théorie et pratique, la ferme didactique de la Province de Liège offre un environnement concret permettant aux étudiants de se former au plus près des réalités du monde agricole. Dans ce cadre, elle évolue, comme toute exploitation laitière, et se modernise. Pour preuve, un robot de traite vient de faire son entrée dans l’étable.
Alexis Dengis (à gauche) et Nicolas Warling sont les architectes du projet visant à remplacer la salle de traite, vieillissante, par un robot (ici, quelques jours avant sa mise en service). - J.V.
Par : Jérémy Vandegoor
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Propriété de la Province de Liège, la Ferme didactique de Jevoumont (Theux) constitue un véritable outil permettant d’assurer l’apprentissage de terrain des élèves de l’Institut provincial d’enseignement agronomique de La Reid (Ipea, enseignement secondaire) et des étudiants de la Haute école de la Province de Liège (Hepl, enseignement supérieur). « Cette exploitation laitière a été acquise par la Province en 1980, à des fins pédagogiques et de recherche. Très rapidement, elle s’est également orientée vers le développement de la race Holstein », retrace Alexis Dengis, chef d’atelier à l’Ipea, qui assure la gestion journalière de la structure. « En 2012, il a toutefois été décidé de recentrer ses activités sur le volet pédagogique. »
Un outil pédagogique diversifié
Aujourd’hui, la ferme s’étend sur 50 ha de prairies et héberge un cheptel de 60 vaches laitières, auquel s’ajoute le bétail de renouvellement. La production de lait s’élève à quelque 860.000 l/an.
Sur place, les élèves et étudiants peuvent toucher à la traite du troupeau, aux soins aux animaux, à la conduite du tracteur, à l’entretien du matériel… Bref, à tout ce qui fait le quotidien d’un éleveur laitier. Mais la ferme s’est également inscrite dans un programme de diversification, afin de permettre aux futurs diplômés de connaître d’autres facettes de l’agriculture et des métiers qui l’entourent.
« Nous disposons d’un atelier de valorisation et transformation. Nos élèves y découvrent la production de yaourt, fromage, crème, beurre… », détaille M. Dengis. « Nous nous sommes inscrits dans le programme de mesures agro-environnementales et climatiques, via la plantation de haies et arbres, et avons récemment aménagé un verger haute-tige. » Si de nombreuses parcelles de la région accueillent des pommiers, celui-ci est constitué de poiriers. La future récolte, complétée de pommes, pourra servir à la production de sirop de Liège, par exemple.
La ferme didactique héberge 60 laitières, auxquelles s’ajoute le bétail de renouvellement. - J.V.
La diversification porte encore sur les productions animales. Ainsi, la ferme héberge une quarantaine de poules ardennaises que les élèves multiplient (120 à 140 poussins par an). Outre l’apprentissage, de l’œuf à la poule, l’exercice permet de sauvegarder la race, en voie de disparition. « Depuis un peu plus d’un an, nous accueillons des moutons, en collaboration avec un éleveur de la région. Nos étudiants se familiarisent ainsi avec l’espèce tandis que les professeurs disposent des animaux pour partager leurs connaissances », complète Nicolas Warling, enseignant à la Hepl, dans le bachelier « agronome en gestion des productions animales et végétales, option gestion agricole ».
De l’engouement… et des interrogations
Comme toutes les exploitations agricoles, la Ferme de Jevoumont voit ses installations vieillir. C’est notamment le cas de la salle de traite, qui nécessitait un rafraîchissement d’envergure. Face à ce constat, que faire ? « Le troupeau, qui a compté jusqu’à 145 vaches à la traite, était en voie de réduction. En conservant 60 laitières, il ne nous semblait pas opportun d’opter pour une salle de traite 2 x 10, comme celle dont nous disposions », éclaire Alexis Dengis. Et Nicolas Warling d’ajouter : « La ferme se doit, en outre, de coller à la réalité du terrain. Or, les exploitations laitières s’équipent de plus en plus souvent de robots ».
Décision est donc prise de remplacer la salle de traite par un robot. Et ce, d’autant que la ferme avait déjà recours aux dispositifs de détection des chaleurs et des vêlages. « Les différents outils se complètent et s’inscrivent dans une logique d’utilisation des nouvelles technologies. »
Après plusieurs visites, un cahier des charges est rédigé et un appel d’offres publié. In fine, c’est un robot de traite Fullwood M²erlin qui vient d’être installé. Avec celui-ci, arrivent aussi un robot racleur et un robot repousse-fourrage. En parallèle, une partie de l’étable a été rénovée (remplacement des caillebotis et curage des fosses).
Cette nouvelle installation facilitera le travail sur la ferme. Des horaires plus attractifs pourront être proposés au personnel, sans devoir jongler avec les temps de repos entre deux pauses et autres horaires décalés qu’impose, dans le respect de la législation sociale, la traite conventionnelle.
Comment ce nouvel outil a-t-il été accueilli par les étudiants ? « Certains s’en réjouissent. On observe un engouement par rapport au robot, mais aussi quelques interrogations, notamment dans le chef des amoureux de la traite », livre M. Warling. L’outil permettra de rassurer certains jeunes. D’une part, en montrant qu’il est possible de réorganiser les journées ; d’autre part, en confirmant que la robotisation constitue un levier efficace pour alléger la charge de travail liée à la traite. « Nous souhaitons également familiariser les étudiants avec les outils numériques, les rassurer et leur montrer ce qu’ils peuvent leur apporter », complète-t-il
Une fosse a été prévue au pied du robot, permettant aux étudiants d’observer au plus près son fonctionnement. - J.V.
De nouveaux savoirs à acquérir
Le robot complétera la formation des étudiants des deux établissements. « Ils participaient à la traite, découvraient comment cela fonctionnait… Avec cette nouvelle manière de traire, nous allons devoir nous adapter. » Plusieurs pistes sont sur la table, bien qu’aucune décision ne soit encore prise.
Ainsi, les jeunes pourraient se consacrer à l’analyse des indicateurs livrés par le robot, à la résolution des éventuelles erreurs, à la santé du troupeau… Par ailleurs, la salle dédiée à l’outil est suffisamment grande que pour accueillir plusieurs étudiants et leur fournir toutes les explications nécessaires. Une fosse a également été prévue, permettant un accès facilité aux mamelles.
Mais comment ne pas perdre le savoir-faire de la traite elle-même ? « Une piste serait d’acquérir un troupeau de chèvres, en monotraite. Les élèves pourraient apprendre les bons gestes, en organisant des groupes de travaux pratiques, tous les jours à heure fixe », développe M. Dengis. M. Warling le rejoint : « Il s’agirait d’une nouvelle diversification pour la ferme, d’autant plus pertinente qu’un nombre croissant d’étudiants s’y intéresse ».
De nouveaux investissements
Le troupeau devra, lui aussi, se familiariser avec cette nouvelle installation. Les vaches étaient déjà habituées au distributeur automatique de concentré. Bien que celui-ci ait été démonté durant les travaux, elles devraient rapidement trouver le chemin des concentrés délivrés au niveau du robot. « Ce n’est pas pour autant que nous devons négliger les choses. Les trois prochains mois requerront une attention de tous les instants. » Il conviendra encore de concilier robot et pâturage.
À ce sujet, de nouveaux investissements sont programmés, en vue d’optimiser la mise à l’herbe. « Nous souhaitons réaliser des chemins de pâturage en bonne et due forme », confie Alexis Dengis. Mais pas que… « D’autres aménagements seront nécessaires, que ce soit au niveau des entrées et sorties de l’étable ou en matière de box de tri. » L’avancée des travaux dépendra davantage des fonds disponibles que de la motivation des enseignants.
Enseignement
L’Institut des arts et métiers du Centre, implantation de Soignies, propose un bachelier en agronomie sur trois ans en journée, trois jours par semaine, accessible en promotion sociale à tous les étudiants disposant d’un CESS. Il leur permet d’acquérir des compétences approfondies en gestion agricole et en techniques agronomiques modernes.