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Wiebe Vermiesch crée

une ferme d’élevage… sans étable

Wiebe Vermiesch, de Deinze, fait partie de ces jeunes qui souhaitent se lancer dans l’élevage bovin sans être issu du secteur agricole. Il a commencé par élever des

poulets de chair dans des poulaillers mobiles sur un petit terrain et propose

désormais des colis de viande de bovins Hereford. Ces bêtes paissent toute l’année dans des espaces naturels comme le Parkbos et ne vont jamais à l’étable.

Tout simplement parce qu’il n’y en a pas.

Temps de lecture : 7 min

Wiebe possède un troupeau de 18 bêtes. « J’ai commencé il y a deux ans en achetant quelques animaux, et le troupeau s’agrandit chaque année. En 2024, j’ai pu abattre pour la première fois deux bœufs de trois ans. Cette année, il y en aura trois et en 2026, cinq.

L’alimentation influe en partie sur le goût, mais bien que personne n’ait pu tester à l’avance, certains restaurants ont déjà commandé quelques pièces. La majeure partie est vendue sous forme de colis de 5, 10 ou 20 kg », explique Wiebe. Pour le haché et les hamburgers, le haché de bœuf est mélangé avec du haché de porc Brasvar.

Ernest et Graskiekens, deux marques qui ont le vent en poupe

La viande, vendue sous le label « Ernest », connaît déjà son succès. Wiebe possède une clientèle grâce à Graskiekens, la division de poulets de chair de son entreprise. « Avec Graskiekens, j’ai commencé une vente mensuelle à destination des particuliers, puis les restaurants ont suivi. Je suis maintenant à la fin de ma troisième saison de poulets et j’organise des ventes bimensuelles pour les particuliers, tandis que j’abats des poulets chaque semaine pour les restaurants. »

Graskiekens et bientôt Ernest figurent notamment sur les menus de restaurants branchés de Gand, tels que Horseele (dans le stade de football Ghelamco), Rizoom et Elders.

Avec Ernest, Wiebe espère pouvoir vendre à terme 10 bovins par an, soit environ un bovin par mois. « Le troupeau doit encore grandir, idéalement jusqu’à 50 voire 100 animaux, en fonction des terrains supplémentaires que je pourrai utiliser », déclare l’éleveur.

Pas de taureaudans la zone de promenade

Le troupeau Ernest paît actuellement sur 21 ha d’espaces naturels (Parkbos) appartenant à l’Agence pour la Nature et les Forêts à De Pinte. Wiebe a conclu un accord en vertu duquel il est autorisé à y faire paître son troupeau sous certaines conditions. « Il y a des règles concernant le nombre d’animaux par zone, l’entretien des clôtures et des barrières, l’installation de pompes à nez comme points d’abreuvement et d’autres responsabilités. » Il poursuit : « Mon taureau reproducteur Django pèse environ 900 kg et ne peut accéder à la zone de promenade, car cela pourrait poser problème aux visiteurs de la réserve naturelle. Au moment de la reproduction, je le déplace vers un lieu interdit aux promeneurs où j’y amène les vaches. Le reste de l’année, le taureau se trouve dans un pâturage situé dans un endroit complètement différent. Cette approche facilite la concentration des naissances sur quelques semaines. »

Les bovinschoisissent eux-mêmes leur menu

Les bovins Hereford sont de vrais paysagistes. Ils participent à la sélection naturelle des plantes et des arbres dans la réserve naturelle. Ils se faufilent dans la forêt, broutent les mauvaises herbes et se régalent de celle des clairières. « Ici, les vaches choisissent ce qu’elles veulent manger et en quelle quantité. Cette race a encore l’instinct de savoir quand grignoter telle ou telle brindille d’arbre. »

« Personne ne peut se douter que cet endroit abrite des vaches à l’engraissement qui paissent. Leurs déjections n’ont pas l’odeur caractéristique des bouses de vache et ça ne sent pas l’étable ».

« J’ai le temps de grandirà mon rythme »

« Cette façon de devenir éleveur, je l’ai choisie tant par nécessité que par conviction. Il m’était impossible de reprendre la ferme familiale ou même des terrains, tout simplement car mes parents n’en possédaient pas. Et reprendre une exploitation existante, m’aurait contraint à m’endetter lourdement, si tant est que j’en eus trouvé une. Avec mes marques Graskiekens et Ernest, cela fonctionne, et j’ai en plus le temps de grandir à mon rythme. »

« Ce choix était toutefois bien plus qu’une nécessité. Je me suis demandé quel type d’élevage nous aurons en Flandre dans 50 ou 100 ans. Quel est le meilleur modèle ? Celui qui élève des bovins de boucherie de manière intensive et qui doit constamment se battre pour chaque permis, ou un éleveur qui essaierait de suivre un autre chemin ? Je n’ai pas de boule de cristal et je ne critique personne pour ses choix, mais mon intuition m’indique que la voie que j’ai empruntée est la bonne ».

« Les agriculteurs doivent trouver eux-mêmes des solutions »

« En tant que secteur, l’agriculture doit trouver ses propres solutions. Si l’on ne peut nourrir toute la Flandre en utilisant des pâturages naturels avec des bovins viandeux, cette option est une bonne façon de maintenir l’agriculture et la production alimentaire locale en vie.

Peut-être existe-t-il aussi des solutions viables pour utiliser les animaux comme pâtureurs naturels. Ces terrains, à De Pinte, étaient encore un agricoles il y a 10 ou 15 ans. D’une certaine manière, avec mon troupeau Hereford, je ramène l’agriculture dans cette zone. Avec ce que je fais ici, je rends l’agriculture visible, presque tangible, pour tous les promeneurs qui y passent», déclare Wiebe.

La Hereford, une race amicaleaux nombreux atouts

Wiebe s’est orienté à dessein vers la race Hereford. « Elle combine de très nombreux atouts que sont la résistance aux conditions hivernales et aux maladies, car je n’ai pas d’étable pour me replier. J’apprécie aussi leur capacité à vêler de manière autonome, car je ne vois les animaux qu’une fois par jour et je ne peux installer de caméra de surveillance dans cet espace. Enfin, leur caractère amical est important à souligner, car mes vaches évoluent dans un parc naturel fréquenté par des promeneurs, et il n’est pas question d’avoir des animaux nerveux, au comportement imprévu ».

« Plusieurs races, comme les Galloways, les Black Angus et la Rouge de Flandre, ont obtenu de bons résultats, mais les Hereford sont encore plus performantes. Elles sont à même de prospérer dans des environnements sans nourriture à foison et pauvre en céréales, comme le mélange qu’elles trouvent en forêt et dans les espaces ouverts. Ce sont généralement de bonnes mères, et elles produisent une viande de qualité supérieure. Le charme de la race a peut-être fait pencher la balance. »

Aucun symptômede fièvre catarrhale observé

Les bovins Hereford de Wiebe ne sont pas immunisés contre la FCO. « Pourtant, je n’ai perdu aucun animal à cause de cette maladie. Il se peut que certains aient été infectés, mais je n’ai observé aucun symptôme et il n’y a eu aucun problème lors des vêlages. Peut-être que le fait qu’ils soient tous en parfaite santé et sont en mouvement toute la journée les aide. »

Ces dernières années, le jeune éleveur n’a eu qu’à traiter une entorse ou et une inflammation de l’œil.

Un système de pâturage en rotation

Actuellement, Wiebe dispose de 45 ha de terrains à De Pinte, Sint-Martens-Latem et Deinze pour ses bovins. Une grande partie appartient à l’Agence pour la Nature et la Forêt et à Natuurpunt, d’autres à des particuliers.

Sur les 21 ha situés à De Pinte, Wiebe organise son élevage sur base d’un système de rotation avec quatre blocs, de sorte que les bovins ne restent jamais plus de quatre semaines au même endroit. Pendant les mois d’hiver, la rotation s’arrête, et les bovins disposent de toute la parcelle. Pour le moment, il n’est pas autorisé à intégrer d’autres animaux, comme des moutons ou des poulets, à cette dynamique.

Wiebe cherche encore de nouveaux terrains pour faire paître son troupeau Hereford. « Il y a des propriétaires pour qui un terrain signifie plus que le simple rendement financier potentiel. Cela peut être des particuliers, des associations de protection de la nature, des entreprises ou des autorités, voire des propriétaires de vergers. Si l’entretien du paysage avec du pâturage naturel peut se faire dans les bonnes conditions, nous trouverons une solution », conclut Wiebe.

D’après Filip Van der Linden

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