est un traumatisme pour un éleveur »
Recrudescencedes maladies en Europe
Les élevages d’ovins et de bovins n’ont pas davantage été épargnés par la MHE, la FCO et la tuberculose, endémique sur une partie de ce territoire français. Plus largement, la recrudescence des maladies animales en Europe est le fait de la mondialisation, du changement climatique, mais aussi des tensions au niveau géopolitique.
Directrice exécutive de la fédération des vétérinaires européens (FVE), Nancy De Briyne a ainsi évoqué l’augmentation de l’instabilité et les menaces de bioterrorisme pouvant avoir des répercussions délétères sur le contrôle des maladies et entraîner un effet domino. Le taux élevé de mortalité et de morbidité, la souffrance des animaux qui produisent moins, sont des facteurs qui ont des conséquences en matière de qualité alimentaire, sans parler des dimensions émotionnelles et économiques pour les agriculteurs en raison des restrictions commerciales.
« La seule action de prévention,c’est la vaccination »
Les virus ne connaissent pas de frontière administrative, c’est dire qu’il convient de renforcer les stratégies sanitaires au niveau européen, ont plaidé de concert les trois eurodéputés. Le socialiste français a appelé tout de go à s’inscrire davantage dans la prévention que dans la réaction tandis que son collègue belge a relayé l’inquiétude grandissante des éleveurs européens devant la multiplication des épidémies dont il a égrainé les dégâts.
Ceux occasionnés à la filière porcine frappée par la PPA, à la filière volaille par la grippe aviaire alors que l’UE a enregistré le retour de la fièvre aphteuse dont elle était indemne. Concernant la FCO, le libéral a demandé une harmonisation totale des règles à l’intérieur du marché commun pour ne pas entraver le commerce intracommunautaire, une stratégie vaccinale communautaire, des achats et stockages groupés pour une distribution harmonisée des vaccins au sein des États membres.
Pour M. Cassart, la FCO est en passe de devenir récurrente dans les élevages européens, et ce, en raison du réchauffement climatique. « Nous devons unir nos efforts et travailler à un vaccin multi-sérotypes » a-t-il insisté.
Le cas de l’IBR en Belgique
L’eurodéputé wallon a saisi l’occasion pour évoquer le cas de l’IBR (infectious bovine rhinotracheitis), maladie ô combien contagieuse (1 animal en contamine 7 autres en 24 heures) contre laquelle la Belgique est engagée dans un programme de lutte. Il a dénoncé la procédure d’autorisation de la vaccination « totalement inappropriée ». Pour rappel, celle-ci est autorisée uniquement en cas de confirmation du foyer donc après l’apparition de symptômes, après intervention du vétérinaire, donc après la prise et l’analyse d’un échantillon et, enfin, après transmission des résultats à l’autorité de santé.
Une fois cette procédure effectuée, le cheptel est entièrement contaminé. Et selon la législation belge, il doit être réformé en 90 jours, « le tout avec une indemnisation à charge d’un fonds de mutualisation complètement financé par les éleveurs ». Le Libéral s’est fait le porte-parole des éleveurs et des vétérinaires de terrain pour demander l’obtention du statut indemne tout en pouvant continuer à vacciner. Il a stipulé que les filières demandaient la réouverture du règlement délégué 2020.689 relatif aux règles applicables à la surveillance, aux programmes d’éradication et au statut indemne de certaines maladies répertoriées et émergentes.
Quand la grippe aviairetraumatisait la France
Les bienfaits de la vaccination, Olivier Debaere, directeur de crise au ministère français de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, en est lui aussi plus que convaincu.
« Les vaccins constituent des outils de qualité, sûrs, efficaces et complémentaires à la biosécurité pour prévenir et lutter contre les maladies animales » a-t-il lancé en écho aux eurodéputés avant de présenter la mise en place, inédite dans l’UE, d’une stratégie vaccinale pour lutter contre l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) dans son pays qui a connu cinq vagues épizootiques majeures depuis 2015.
Près de 3.000 foyers ont été recensés dont 1.377 sur douze mois en 2021-2022. C’est plus que l’épizootie historique de fièvre aphteuse au Royaume-Uni. 40 millions de volailles ont été abattues, un chiffre « insupportable » pour le représentant français. Quant aux indemnisations, elles ont atteint un montant pharaonique de 1,6 milliard €.
Les mesures sanitaires de dépeuplement, de surveillance, de restriction des mouvements, n’ont pas suffi à enrayer la propagation de la maladie. Une situation, des chiffres, qui ont poussé les autorités françaises à recourir à des moyens médico-sanitaires.
Cette maladie zoonotique constitue en outre un risque pour la santé humaine. Elle pèse sur le moral des éleveurs en proie au désarroi devant l’ampleur des contaminations ou au stress de voir leur cheptel contaminé. C’est aussi l’épuisement des services d’encadrement et des vétérinaires qui doivent intervenir sur le terrain.
Une stratégie vaccinale gagnante
Avec ce nombre d’abattages massifs, c’est la société civile qui s’interroge, ce sont les finances publiques qui tirent la langue. Autant de dimensions qui ont poussé la France à vacciner.
Une première campagne de vaccination a été lancée en octobre 2023. Elle a rencontré un tel succès (seuls 10 foyers ont été recensés) qu’elle a été reconduite en octobre 2024. Chaque année, ce sont, par exemple, 60 millions de canards qui sont vaccinés. Un effort qui a coûté 100 millions €, bien en deçà du milliard € qui a été dépensé en indemnisations.
Pour assurer la réussite de cette opération, la France a dû compter sur une série de facteurs, à commencer par des vaccins disponibles en qualité et en quantité et une stratégie éprouvée (où la rendre obligatoire, pour quelles espèces, à partir de quel seuil…) pour laquelle la France a eu besoin des conseils du monde scientifique. La démarche a également requis l’adhésion des parties prenantes, à commencer par les éleveurs pour qui la vaccination est contraignante, ainsi que le monde vétérinaire.
Enfin, elle met en lice une diplomatie sanitaire en amont et pendant la vaccination afin d’éviter des fermetures de frontières, ce qui a nécessité l’approbation des filières exportatrices.
Pour autant, a souligné M. Debaere, « la vaccination n’est pas une baguette magique, c’est un bâton robuste, sûr, utile et de qualité qui nous permet, avec la biosécurité, de marcher plus loin et plus longtemps ».
L’importance de la coordinationdes campagnes de vaccination
Quittons nos voisins français pour nous tourner vers d’autres États membres dont les élevages n’ont pas été épargnés au cours des dernières années. Bernard Van Goethem, directeur à la DG Santé de la commission, a démontré l’efficacité des campagnes menées par l’Exécutif pour les enrayer.
Pour l’illustrer, il a évoqué la dermatose nodulaire contagieuse (une maladie virale du bétail) arrivée en Europe en 2015 par la Grèce via la Turquie avant de se propager en 2016 à la région des Balkans (Bulgarie, Macédoine du Nord, Albanie, Kosovo, Serbie et Monténégro) au sein de laquelle la commission a coordonné des campagnes de vaccination pour juguler la maladie et ainsi protéger l’UE. Fin 2017, le nombre de foyers avait été réduit de 95 % dans ces régions pour disparaître en 2018, prouvant ainsi la grande efficacité de ce genre d’opération dans la propagation de la maladie.
La commission prône une politique de santé animale unique pour assurer un fonctionnement efficace et sûr du marché afin que les productions animales puissent circuler librement au sein de l’espace européen.
Outre l’harmonisation des législations et des réglementations, l’UE dispose d’une panoplie d’outils en matière de prévention et de contrôle des maladies.
M. Van Goethem a notamment cité le laboratoire de référence européen, l’Efsa, les plans d’urgence mis en œuvre par les États membres, les programmes cofinancés d’éradication, la plateforme de suivi des animaux ADIS (animal disease information system), les banques de vaccins (qui disposent, par exemple, de 35 millions de doses d’antigènes contre la fièvre aphteuse) et EUVET, le service d’urgence vétérinaire présent pour soutenir les États membres en cas de problème. C’est l’une de ses équipes qui s’est récemment rendue en Allemagne pour soutenir et conseiller les autorités locales dans l’émergence d’un foyer de fièvre aphteuse à Berlin.
Des obstacles à la vaccinationdans certains pays
Avec le cofinancement qui ne cesse de diminuer, Nancy De Briyne estime quant à elle qu’il faut investir encore davantage dans la législation sur la santé animale, dans la biosécurité, les systèmes de détection, mais aussi mener des campagnes d’information, également à destination du grand public, et réaliser des visites de santé préventives.
Pour la représentante de la FVE, cela passe aussi par le développement de la vaccination, laquelle permet de protéger la santé des animaux mais aussi la santé publique. « L’on fait face à de nombreux défis que sont la disponibilité des vaccins, leur distribution ou encore des obstacles commerciaux à leur utilisation dans certains pays ».
La vétérinaire a pointé un travail nécessaire au niveau de la stratégie de contrôle des maladies. Elle s’est parallèlement demandé si l’abattage pratiqué en masse était soutenable sur le long terme. « Maintenir les animaux en bonne santé et éviter les abattages massifs devraient être des priorités pour les décideurs européens » a d’ailleurs répondu en écho Roxane Feller, secrétaire générale d’AnimalhealthEurope.
« Une seule santé »,un concept qui doit devenir réalité
Tant les eurodéputés que les experts en santé animale sont unanimes pour déclarer que les épidémies de maladies animales sont une adversité supplémentaire qui s’ajoute à la longue liste des défis auxquels les agriculteurs doivent faire face de plus en plus fréquemment.
Pour le démocrate-chrétien Stefan Köhler, « les récentes épidémies de PPA et de fièvre aphteuse en Allemagne, ainsi que les mesures d’urgence qui en ont découlé, soulignent l’urgence de mettre à jour les politiques de préparation.
« Plus d’Europe », c’est le credo du Wallon Benoît Cassart qui plaide en faveur d’une harmonisation des politiques sanitaires, pour l’agrément des vaccins et leur distribution ainsi que pour les mouvements des animaux pour qu’ils puissent circuler librement et être au mieux valorisés en tenant compte de toutes les spécificités régionales.
Tous les intervenants sont tombés d’accord sur la nécessité de faire encore évoluer les outils juridiques, industriels et financiers. « Je crois beaucoup au concept d’une seule santé. Les épizooties d’aujourd’hui sont souvent les zoonoses de demain. On ne peut séparer la santé animale de la santé humaine et de celle de la planète » a, pour sa part conclu Éric Sargiacomo.
