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Arnaud Laurencin, un entrepreneur «nouvelle génération» au service des agriculteurs

Si l’utilisation de drones fait généralement penser à l’observation et à la cartographie des parcelles agricoles, des engins d’un tout autre genre existent également. Leur champ d’action s’étend du semis à l’application de traitements phytosanitaires, en passant par la distribution d’engrais, comme en témoigne Arnaud Laurencin qui propose ou entend développer ce type de prestations.

Temps de lecture : 7 min

À la tête d’Agriflight, on retrouve un jeune entrepreneur, Arnaud Laurencin, arrivé dans le monde agricole un peu par hasard. « Après des études d’ingénieur de gestion, j’ai travaillé durant plusieurs années dans de grandes entreprises basées à Bruxelles. Petit à petit, j’ai eu envie de changer de vie et me suis intéressé à l’agriculture », explique-t-il. En 2017, il quitte la Belgique pour la France, où il effectue ses premiers pas en agriculture. Fort de cette expérience, il revient au pays en 2021 et fonde son entreprise en 2022.

« Les nouvelles technologies m’ont toujours attiré. À mon retour, j’ai découvert les drones de travail. Quelques recherches m’ont permis de constater que l’agriculture de précision gagne du terrain et pourrait entrer dans une nouvelle dimension, notamment grâce à ces engins. » C’est ainsi qu’il a décidé de conjuguer ses deux passions, à travers sa propre société, basée à Overijse

Celle-ci compte plusieurs drones de détection équipés de divers capteurs (thermiques, multispectraux…) ainsi que deux drones de travail, pour le semis et la pulvérisation. Ceux-ci peuvent être équipés d’une cuve dotée d’un disque semeur rotatif ou d’une cuve couplée à plusieurs buses de pulvérisation installées sur les bras de l’engin.

Equipé pour le semis, le drone peut atteindre un rendement horaire de 10  à 12 ha/h, sur de belles parcelles.
Equipé pour le semis, le drone peut atteindre un rendement horaire de 10 à 12 ha/h, sur de belles parcelles. - Agriflight

Principalement le semis de couverts végétaux…

Compte tenu des législations (lire encadré), Agriflight a pour activité principale le semis d’engrais verts (trèfles, principalement), de cultures (moutarde) et de prairies (mélanges de légumineuses et graminées). Et ce, de diverses manières.

« Les agriculteurs font régulièrement appel à moi lorsque les terres ne sont pas portantes », explique le pilote. L’intervention consiste alors à implanter un couvert ou une prairie classiquement, de la même manière qu’un tracteur équipé d’un semoir le ferait. La largeur de travail théorique est de 6 m, à une hauteur de 3 m ; un radar permettant de suivre le dénivelé de la parcelle. Afin d’éviter les manques, un certain niveau de recouvrement est prévu dans le plan de vol du drone.

Il est également possible d’effectuer le semis d’un couvert un mois avant la moisson. « Comme la parcelle n’est pas accessible, l’utilisation du drone prend tout son sens. » Après le semis, la culture en place protège les graines et crée des conditions favorables à leur germination. « Lors de la moisson, le tapis végétal est déjà développé. L’agriculteur ne doit donc plus s’en préoccuper une fois les grains récoltés. »

Vue d’un semis  de couvert réalisé au drone, avant moisson de la culture en place.
Vue d’un semis de couvert réalisé au drone, avant moisson de la culture en place. - Agriflight

Troisième possibilité : intervenir après une attaque de limaces. Dans ce cas, un premier passage est réalisé avec un drone de détection afin d’identifier les zones concernées. Ensuite, le drone équipé du semoir prend le relais et opère exactement aux endroits concernés. Et ce ne sont là que quelques exemples...

L’entrepreneur se veut honnête quant à son travail : « J’ai fait quelques erreurs au début… Comme quiconque, je suis passé par une phase d’apprentissage. Mais aujourd’hui, les semis réalisés sont très homogènes, je connais les caprices des engins et suis en mesure de les anticiper pour fournir un travail de qualité ». À noter : Arnaud Laurencin n’endosse pas le costume de conseiller agricole. L’agriculteur lui fournit donc les semences qu’il souhaite. « Ma spécialité consiste à m’assurer que les graines tombent au bon endroit. Si besoin, je peux orienter mes clients vers des organismes, comme Greenotec, qui disposent d’expérience en la matière »

… avant la pulvérisation localisée ?

La pulvérisation de produits phytosanitaires sera, quant à elle, développée selon l’évolution des législations. Néanmoins, l’entrepreneur réfléchit déjà à la manière d’envisager ce service : « Je consulte la littérature. Je compte réaliser de nombreux essais avec l’UCLouvain, l’Institut flamand de recherche sur l’agriculture, la pêche et l’alimentation (Ilvo) et l’Université de Gand afin d’évaluer au mieux les paramètres qui influencent la pulvérisation ».

À titre d’exemple, il lui faut tenir compte des turbulences créées par les hélices. « En volant à plus basse vitesse, elles diminuent, de même que la dérive. » Les essais devront confirmer le type de buse à utiliser afin d’atteindre un résultat conforme aux attentes des agriculteurs. Le travail portera également sur la hauteur de vol, évaluée pour l’instant à 1,50 m.

Pour des questions de rentabilité, tant financière qu’horaire, Arnaud Laurencin n’envisage pas de pulvériser en plein mais compte s’orienter vers le spot-spraying, c’est-à-dire la pulvérisation localisée. « C’est un choix qui me semble évident vu le développement de l’agriculture de précision. En outre, cela permet de réduire le recours aux produits de protection des plantes, tel que souhaité aujourd’hui. »

En pratique, un drone de détection survolera en premier lieu la parcelle à traiter selon les objectifs prédéfinis (repérer des adventices, identifier des foyers de contamination…). Les données recueillies permettront de réaliser une carte de préconisation. Enfin, le drone de travail, équipé de ses buses de pulvérisation, interviendra précisément aux endroits ciblés par la carte.

Les projets futurs incluent encore l’épandage d’engrais. Néanmoins, le pilote de drone s’attend, ici aussi, à faire face à des freins législatifs. « Si d’autres se tournent vers ce métier, nous pèserons plus lourd sur l’administration et aurons plus de chance de faire bouger les choses. »

De nombreux avantages

L’utilisation d’un drone permet de bénéficier de plusieurs avantages. Premièrement, appeler un entrepreneur spécialisé en la matière se révèle être moins coûteux qu’investir dans du matériel neuf, bardé de capteurs.

Ensuite, et de toute évidence, la compaction des sols est réduite à néant. Troisièmement, les éventuels obstacles (arbres, pylônes, lignes électriques…) présents dans la parcelle peuvent être très facilement évités, moyennant une bonne préparation du travail à effectuer.

Enfin, le rendement horaire est plus que satisfaisant. « Sur de belles parcelles, au semis, on peut atteindre 10 à 12 ha/h », éclaire le pilote.

Et d’ajouter : « Toute opération débute toutefois par une préparation minutieuse. Le drone doit être apprêté pour le vol, c’est-à-dire qu’il faut le doter de sa batterie, remplir la cuve, calibrer le tout… On mesure également les bordures de la parcelle, afin que le plan de vol soit adapté à la situation rencontrée. Une fois que tout cela est terminé, le drone reste sous observation mais effectue son travail seul, sur base de la programmation effectuée ».

Si la surveillance de l’engin est légalement obligatoire, elle est également nécessaire. Arnaud doit, en effet, pouvoir intervenir en cas de dysfonctionnement, interchanger les batteries, remplir la cuve une fois celle-ci vide…

La cuve affiche une capacité de 40 kg de semences, qu’il convient de moduler selon le travail effectué. « Plus la cuve est remplie, plus l’engin est lourd… Et plus vite les batteries se vident. L’idéal est de réapprovisionner la cuve lors du remplacement des batteries afin que le drone ne revienne pas trop souvent à son point de départ. Ce calcul permet de réduire les temps morts. » En pulvérisation, le volume embarqué est de 30 l. « Le ballottement de l’eau en vol est un élément dont il faut tenir compte. Voilà pourquoi la capacité est quelque peu réduite. »

Convaincre les agriculteurs

Si les avantages sont bien présents, faut-il encore convaincre les agriculteurs de faire appel à un pilote de drone. « Je constate que les fermiers sont quelque peu méfiants vis-à-vis de cette nouvelle technologie. Nous pouvons cependant apporter des réponses à certaines de leurs problématiques. Quand des terres ne sont pas accessibles, car trop humides, mais que la législation impose le semis d’un couvert avant une certaine date, le drone est une solution. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres », déroule Arnaud Laurencin.

L’entrepreneur construit peu à peu sa clientèle, via le bouche-à-oreille et en participant à divers événements comme le Festival de l’agroécologie et de l’agriculture de conservation ou, prochainement, la Foire de Libramont. L’occasion de présenter cette activité à toutes celles et ceux qui s’y intéressent.

Jérémy Vandegoor

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