Double peine pour les céréaliers

La moisson est généralement l’apogée d’une campagne céréalière, le moment où l’on récolte les fruits d’un travail entamé plusieurs mois auparavant. Selon la quantité et la qualité des grains, cette période de l’année, toujours très attendue, conjugue satisfaction et déception les années intermédiaires tandis que l’un ou l’autre sentiment domine lorsque la saison a été excellente ou, au contraire, mauvaise…
Cet été, on parlera également de soulagement, tant le chemin vers la récolte a été sinueux et parsemé d’embûches… Même cette dernière ligne droite ne fait pas exception ! Jugez plutôt : les vannes célestes se sont ouvertes dès les semis, retardant et compliquant ceux-ci. Les nuages gris n’ont, ensuite, que très rarement quitté le pays. Les pluies incessantes ont, localement, déclassé des parcelles, retardé la croissance, impacté le remplissage du grain et, par endroits, entraîné le développement de fusariose de l’épi. La moisson se joue enfin entre les gouttes, bien que le soleil semble installé dans le ciel belge depuis quelques jours.
In fine, tant les rendements que la qualité en pâtissent. Les premières tendances qui se dessinaient lors de la récolte des escourgeons se confirment maintenant que l’on fauche le froment. On observe des pertes de rendements allant de 20 % à 40 %. Certains agriculteurs évoquent même des chutes de 60 % ! Le grain est petit et de modeste qualité. Le rendement en paille est, lui aussi, décevant, au grand dam des éleveurs.
Cette situation n’est pas propre à la Belgique. La moisson est qualifiée de mauvaise en France, toutes régions confondues, où la tendance à la baisse sévère des rendements se confirme aussi. Le gouvernement, par la voix du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, s’est même dit « prêt à activer des dispositifs d’aides exceptionnelles » si la situation le nécessite. D’autres pays d’Europe rencontrent la même situation…
Cette première peine est sévèrement alourdie par la situation internationale. Russie et Ukraine poursuivent leurs exportations, malgré que l’accord céréalier de la mer Noire ait pris fin. En parallèle, les rendements sont annoncés en hausse aux États-Unis et au Canada, tandis que la demande chinoise faiblit. À l’échelle globale, les récoltes sont plutôt bonnes et s’accompagnent d’une demande limitée. Cela se traduit par une baisse des cours. Or, la dégradation des rendements européens n’est, pour le moment, pas suffisante que pour enrayer cette tendance.
Alors qu’un recul des rendements s’accompagne fréquemment d’un accroissement de la qualité et/ou des prix, permettant de compenser le faible tonnage observé sur la bascule, il n’en est donc rien cette année. Sans conteste, cela se ressentira sur la trésorerie des fermes, doublement impactées par la baisse de la production, d’une part, et des prix, d’autre part. Cela relance également la question de l’attrait des céréales, malgré leur rôle incontestable dans la rotation des cultures. Ne tirons toutefois pas de conclusion hâtive et tournons-nous vers l’avenir. La prochaine campagne débute dans quelques semaines seulement et pourrait, qui sait, déboucher soit sur de très bons rendements, soit sur une revalorisation des cours internationaux. L’un et l’autre témoignant, une fois encore, des hauts et des bas avec lesquels doit vivre le monde agricole.