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L’enfer de la surréglementation

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Norme, réglementation, directive… lourdeur, lenteur, complexité. Des vocables aussi rébarbatifs que les épithètes qui leur font cortège. Et surtout qui inspirent la crainte et font redouter la sanction, tranchante comme le couperet qui tombe inexorablement sur l’échine courbée, déjà préparée à la recevoir, du citoyen et de l’agriculteur.

Les méandres de la machine administrative ressemblent parfois à la rue de Fernando Pessoa, celle que l’écrivain portugais imaginait en forme d’enseigne couchée à l’horizontale, où les lettres seraient mobiles et n’auraient aucun sens. Les agriculteurs se sont rebiffés en début d’année pour dénoncer, entre autres, le fardeau administratif pesant sur leurs épaules. Soucieux de désamorcer le mécontentement, les États membres avaient exigé de la commission un plan de simplification des règles de la Pac, véritable monstre bureaucratique. Au-delà de la Pac et pour mieux comprendre l’élaboration et surtout les quantités de lasagnes administratives qui sortent des cuisines de l’Exécutif, il suffit de se pencher sur les conclusions du récent rapport de Mario Draghi, un document qui a mis en lumière non seulement l’excès de réglementations, mais aussi l’absence d’outils adéquats pour en évaluer l’impact. Le rapport transmis par l’ancien président de la banque centrale européenne va plus loin en comparant la production législative européenne à celle des États-Unis avec quelques précautions de méthode. Il en ressort qu’environ 3.500 textes législatifs et 2.000 résolutions ont été adoptées aux États-Unis au niveau fédéral lors des trois derniers mandats du Congrès (2019-2024). Au cours de la même période, environ 13.000 lois ont été adoptées par l’UE. Ces chiffres sont éloquents : l’Europe produit plus du double d’actes législatifs que les États-Unis sur la même période !

Au niveau agricole, on se souvient que la commission avait publié en avril dernier les résultats préliminaires de son enquête concernant la charge administrative à laquelle sont soumis les agriculteurs. Sur la base des 26.886 réponses reçues à sa consultation, on a appris que 33 % des personnes interrogées travaillent plus de 6 jours par an sur des tâches administratives liées aux demandes d’aide de la Pac et 44 % indiquent avoir à déclarer une même information plusieurs fois (sur des données fiscales, l’allocation des surfaces ou des questions environnementales). De nombreux agriculteurs qui sollicitent une aide de la Pac ont également recours à une aide extérieure pour préparer et soumettre leur demande. Un constat alarmant qui pousse les États membres à réclamer la nomination d’un vice-président de la commission chargé de la simplification, thématique qui a encore été au cœur, la semaine dernière, des discussions des ministres européens de l’Agriculture. Il y a été question des indicateurs de suivi trop complexes, du maintien d’un double contrôle (des résultats et de la conformité) ou encore du processus bien trop lent d’amendement des plans stratégiques.

Marie-France Vienne

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