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Une menace imminente et silencieuse

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À trop crier au loup , on en voit le museau. Le sens de cette expression populaire qui tire son origine d’une fable d’Ésope, trouve son prolongement dans les annonces récurrentes autour d’un possible accord avec les pays du Mercosur (le « Marché commun du sud » de l’Amérique latine, bloc formé par le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie) négocié depuis… 1999 ! On notera en passant que le mandat utilisé dans ces négociations remonte donc au siècle dernier, tandis que les concessions sur les produits sensibles ont été décidées avant la pandémie de covid-19, la guerre en Ukraine et l’adhésion potentielle de ce pays à l’UE.

Mais est-il donc nécessaire d’agiter une nouvelle fois le chiffon rouge ? Oui, car la conclusion dudit accord semble, cette fois-ci, n’avoir jamais été aussi proche. Un mois après un énième cycle de pourparlers, les négociateurs en chef de l’UE et des pays du Mercosur se sont en effet retrouvés à Brasília la semaine passée pour une nouvelle session de discussions. Ces dernières années, les opposants à ce rapprochement entre les deux blocs pensaient que c’était sur le volet environnemental, talon d’Achille d’une partie du secteur agroalimentaire des pays sud-américains, que buterait le projet d’alliance. On se souvient de la colère du président brésilien Lula, qui avait jugé « inacceptables » les nouvelles exigences de l’UE, laquelle menaçait de sanctions les pays du Mercosur en cas de non-respect des engagements, pourtant volontaires, pris dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Voici quelques jours encore, le porte-parole de la commission européenne en charge du Commerce international et de l’Agriculture déclarait que « l’objectif de l’UE reste de s’assurer que l’accord réponde aux objectifs de durabilité de l’UE, tout en respectant les sensibilités de l’UE dans le secteur agricole. »

Il faut pourtant rappeler que cet accord offre aux fermes-usines brésiliennes, 50 fois plus grandes en moyenne que leurs consœurs européennes, un accès facilité à notre marché. Que répondre à nos éleveurs bovins, à qui l’UE demande de maintenir un élevage au pâturage, tandis qu’elle dope les ventes, sur son marché, de viandes issues d’animaux engraissés aux antibiotiques promoteurs de croissance, dans des « feedlots » de 10.000 têtes de bétail, le tout sur le dos de la forêt amazonienne. Sans nouveaux garde-fous, cet accord de libre-échange expose notre Vieux-Continent à tous les dangers sanitaires tout en nous faisant perdre la maîtrise de nos assiettes.

Pour le Copa-Cogeca, la conclusion d’un tel accord, qui pourrait intervenir mi-novembre, irait à l’encontre de l’esprit du dialogue stratégique sur l’agriculture et sur les négociations commerciales. Il enverrait surtout un message des plus négatifs aux communautés rurales à l’aube du nouveau mandat de Madame von der Leyen...

Marie-France Vienne

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