PFAS : «il n’y a pas de contre-indication à l’épandage de boues d’épuration»
Présents dans tous les compartiments de l’environnement en raison de leurs nombreuses applications domestiques et industrielles, les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) l’ont aussi beaucoup été dans les médias. Car l’on en a retrouvé traces, à des taux toutefois inférieurs aux rares valeurs limites définies par certains pays européens, dans les boues d’épuration qui sont valorisées en agriculture. L’information a créé l’émoi en raison d’une potentielle cause de contamination des eaux et des aliments. Pour répondre aux questions, voire aux craintes des agriculteurs, nous nous sommes rendus à la Société publique de gestion de l’eau (SPGE).

PFAS, l’acronyme a récemment refait irruption dans notre vocabulaire alors que ces substances sont, en réalité, déjà omniprésentes dans notre quotidien depuis très longtemps.
Les PFAS, de très vieilles connaissances
Les PFAS sont une vaste famille de molécules de synthèse aux propriétés industrielles très intéressantes utilisées de manière intensive depuis les années 1950.
Emballages alimentaires, poêles anti-adhésives, textiles, cosmétiques mais aussi mousses anti-incendie, batteries, peintures, pesticides : tous ces produits peuvent contenir ces fameuses substances, utilisées notamment pour leur imperméabilité, leur résistance à la chaleur ou à la lumière.
Les raisons de leur succès sont les mêmes qui posent des problèmes désormais. Leurs propriétés ultra-résistantes les rendent invulnérables à la plupart des formes de dégradation, qu’il s’agisse des processus naturels physiques ou biologiques. Et ce sont les stations d’épuration qui sont le réceptacle des eaux usées véhiculant ce que l’on appelle aussi les « polluants éternels ».
De l’égout au champ, un parcours très contrôlé
La SPGE est chargée d’assainir les eaux usées qui ont été collectées par les égouts via le ruissellement sur le sol ou les rejets domestiques et industriels. En sont retirés certains éléments tels que le carbone, l’azote et le phosphore afin de respecter les normes de rejet édictées par l’UE.
Pour ce faire, elle utilise divers bassins où se développent des bactéries alimentées en oxygène (contrairement au processus de biométhanisation qui fonctionne en anaérobie) qui vont digérer très rapidement les impuretés et les transformer en boues.
Au sortir de la station d’épuration, elles sont chaulées dans un objectif d’hygiénisation, de stabilisation et de minimisation des odeurs.
Un prélèvement est effectué après le chaulage afin de les caractériser et de s’assurer qu’elles respectent les normes édictées par le Spf Santé publique et le Spw Environnement. « En fonction du résultat des analyses effectuées par un laboratoire indépendant », insiste Eric Van Sevenant, président du comité de direction de la SPGE, elles partiront soit en valorisation agricole, soit à l’incinération.
Les boues d’épuration riches en matières organiques
Après leur mise en conteneurs, elles sont prises en charge par un prestataire de services qui assure leur transport jusqu’à une plateforme de stockage ou en bord de champ, selon qu’elles aient été caractérisées ou non.
Riches en matières organiques (elles en contiennent environ 50 %), les boues d’épuration peuvent être utilisées comme engrais pour favoriser la croissance des plantes, ou comme amendements pour entretenir le potentiel et les qualités du sol dont elles peuvent aider à la structuration.

« Sur les quelque 200.000 t de boues d’épuration qui sont produites en Wallonie, 70 % sont valorisées en agriculture » précise M. Van Sevenant.
Il faut savoir que « les normes wallonnes qui encadrent leur utilisation en termes de niveau de cuivre et de zinc sont parmi les plus strictes en Europe » enchaîne Christian Didy, directeur processus exploitation et innovation au sein de la SPGE.
Un audit sur les stations d’épuration
Les PFAS sont revenus en force dans l’actualité suite à l’adoption de la nouvelle directive européenne « Eau Potable » en décembre 2020 qui évoque, pour la première fois, une future norme concernant ces substances, laquelle devait être respectée en 2026.
On les a recroisés en 2023 quand ils ont été détectés à Chièvres, dans l’eau de distribution à des taux de concentration supérieurs à la future norme européenne de 100 nanogrammes par litre.
Un événement médiatisé qui a poussé la SPGE à réagir. En l’absence de normes actuellement en vigueur sous nos latitudes, elle a fait procéder au mois de mai, sous l’égide d’un comité de suivi composé de représentants du Service public de Wallonie (Spw) et de l’Institut scientifique de service public (ISSeP), à un audit complet sur la présence de PFAS dans les eaux rejetées par les stations d’épuration et les boues issues du processus d’épuration.
Des inquiétudes exacerbées par les médias
À trois exceptions près, il en est ressorti que la très grande majorité des boues valorisées vers la filière agricole présentaient, pour les PFAS analysés, des taux inférieurs aux rares valeurs limites définies par certains pays européens ou nord-américains.
Pourtant, l’émoi a gagné les campagnes. Ce que déplore M. Van Sevenant, pour qui « les inquiétudes autour des résultats de l’audit ont été exacerbées suite à la diffusion d’une émission télévisée, laquelle ne nous a ni sollicité ni exploité les résultats, pourtant rassurants, de la SPGE ».
Et de préciser que « seules trois stations dépassaient la norme temporaire de 40 µg/kg MS. Parmi celles-ci, une seule dont les boues partaient en valorisation agricole n’était pas conforme » tandis que Christian Didy annonce « 32 nouvelles analyses sur ladite station ».
« À ce stade et en fonction des connaissances scientifiques, il n’y a pas de contre-indication à l’épandage des boues. Nous faisons tout pour en garantir la qualité et la traçabilité. La Région wallonne nous impose des contrôles qui sont effectués par des opérateurs indépendants agréés » a déroulé le président du comité de direction de la SPGE.
Et d’insister sur le fait que « les certificats délivrés par la Région wallonne doivent mentionner le lieu où les boues qui partent sur les champs seront épandues ».
Transparence vis-à-vis du secteur agricole
M. Van Sevenant tient par ailleurs à relativiser l’importance des boues d’épuration dans le secteur agricole. « Elles ne représentent que 4 % de tout ce qui est épandu en Wallonie ». Et d’attirer en revanche l’attention sur le fait que « 11 % des pesticides et autres produits qui sont appliqués contiennent des PFAS ».
« On retrouve par exemple les TFA (un PFAS très mobile à chaîne ultracourte) dans de nombreux produits phytosanitaires » enchaîne d’ailleurs Christian Didy.
La psychose est inversement proportionnelle au poids réel des boues dans l’apport de matière organique ou fertilisante dans le secteur agricole envers lequel la SPGE veut être « la plus transparente possible quant aux résultats et contrôles ».
« Tous les agriculteurs désireux d’épandre des boues sur leurs champs auront accès aux résultats du contrôle qualité » a développé M. Van Sevenant qui souligne avoir « reçu par deux fois et entendu les fédérations agricoles pour leur exposer l’ensemble des actions menées par la SPGE ».
Un plan d’action énergique et ambitieux
Sur base des études fournies par l’Office international de l’eau, la SPGE mène, de concert avec l’administration wallonne, un travail pour identifier et éliminer toutes les sources potentielles de production de PFAS qui rentrent dans les réseaux wallons d’assainissement. Il est pour elle particulièrement important de s’assurer que tous les services incendies ont bien basculé vers des mousses sans PFAS ou d’inciter les entreprises à modifier leurs processus de production. Afin de lutter contre l’utilisation de ces polluants, la SPGE prône parallèlement la responsabilisation des entreprises susceptibles de recourir à ces polluants persistants.
À l’échelle internationale, certains PFAS sont déjà interdits dans le cadre de la Convention de Stockholm : le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) depuis 2009, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) depuis 2020 et le PFHxS (acide perfluorohexane sulfonique) depuis 2022.
La SPGE a mis en place, en collaboration avec des entreprises wallonnes, des programmes de recherche qui visent à développer des systèmes de traitement d’eau permettant de détruire les PFAS. Elle va, par ailleurs, lancer un processus pour monitorer en permanence la qualité des eaux usées. Enfin, elle invite les agriculteurs ayant des questions ou souhaitant des informations complémentaires à la contacter via l’adresse dédiée, pfas@spge.be.