Les technologies embarquées dans les tracteurs, un arsenal facilitant les tâches du chauffeur
Ecrans, antennes gps, automatismes, modulation de dose, coupure de section… Les technologies se font de plus en plus présentes dans les tracteurs. Au quotidien, elles aident les conducteurs lors des travaux des champs, mais doivent être choisies au mieux, selon les besoins de la ferme ou de l’entreprise. Focus, cette semaine, sur l’autoguidage, une option devenue incontournable, ou presque.

S’il est un outil essentiel dans une ferme, c’est bien le tracteur. Devant tantôt faire preuve d’une grande polyvalence, tantôt se voir assigner des tâches très spécifiques, il est employé au quotidien et doit se révéler un partenaire efficace et fiable. Quand vient l’heure d’acquérir un nouvel engin, une mûre réflexion est de rigueur. Il faut dire que le choix peut s’avérer complexe, les catalogues des constructeurs ne cessant de s’étoffer de nouvelles options, parfois très avancées. Certaines d’entre elles s’apparentent à des gadgets pour tel acheteur, alors qu’elles constituent de réelles solutions pour tel autre.
« La première évidence est d’opter pour le véhicule répondant le plus justement aux exigences et besoins du client. Chaque ferme ou entreprise agricole est différente », introduit François Sneessens, Product Manager Massey Ferguson chez Matermaco, importateur de la marque en Belgique. « Cela requiert un dialogue approfondi et franc entre le client et le vendeur, d’une part pour cerner les réalités de l’exploitation et la position du tracteur convoité au sein de celle-ci et, d’autre part, pour y faire correspondre l’engin et les équipements qui y répondront le plus fidèlement possible ».
Parmi les options proposées, celles liées aux technologies embarquées sont assurément celles dont l’évolution est la plus marquée et la plus rapide ces dernières années. D’où notre question, abordée au travers de ce dossier en deux parties : de quoi est capable un tracteur d’aujourd’hui ? François a accepté de se prêter au jeu et nous éclaire quant aux capacités de ces engins modernes, au travers des équipements technologiques disponibles sur les tracteurs de la marque présentés sous le label MF Technology.
Un engin et des équipements adaptés aux besoins
Avant d’entrer dans le vif du sujet, notre interlocuteur brosse rapidement le portrait du marché des tracteurs. « Massey Ferguson fait partie du groupe Agco, à l’instar d’autres marques telles que Valtra ou Fendt. Si les produits du groupe disposent globalement d’équipements et options sensiblement similaires, chaque marque possède ses propres bureaux d’étude et d’ingénierie et ses propres sites de production. »
Au sein d’Agco, Massey Ferguson est la marque se caractérisant par la plus large gamme de tracteurs, pour des puissances allant de 20 à 425 ch, ce qui en fait un tractoriste présent sur tous les segments du marché. Ce dernier se décompose comme suit : la première tranche concerne des véhicules de 20 à 70 ch. Il s’agit de tracteurs destinés à des entrepreneurs de parcs et jardins, des paysagistes, des communes et autres collectivités, ou encore quelques particuliers.
« Ce sont des engins simples au niveau technique et disposant de peu d’options. Ce marché est très concurrentiel, très ouvert du fait de la présence de nombreuses marques. Généralement, le choix du tracteur ne souffre guère de discussion et est donc rapidement fixé, en raison de la simplicité des matériels proposés et du fait que le client identifie rapidement ses besoins ».
Le second segment du marché relève quant à lui d’une autre paire de manches : « Il concerne des tracteurs spécialisés de 70 à 120 ch, destinés essentiellement à la viticulture, l’horticulture, l’arboriculture ou le maraîchage. » Cette gamme est, chez Massey Ferguson, particulièrement étoffée, avec pas moins de 100 modèles différents et 5 largeurs possibles comprises entre 97 cm et 1,80 m.
Ce large catalogue est nécessaire car les besoins de ces exploitants sont extrêmement spécifiques, et donc très variés d’une exploitation à l’autre. Il est évident que les contraintes rencontrées par un viticulteur sont bien différentes de celles d’un producteur de pommes, de fraises, de noisettes, d’arbres ornementaux ou de chrysanthèmes. « Cela rend ce marché particulièrement complexe. Le vendeur doit être très attentif aux attentes du client qui, de son côté, doit se montrer le plus loquace possible pour expliquer ses conditions de travail, besoins et desiderata ».
Enfin, le troisième segment du marché, celui qui nous intéresse davantage dans le cadre de ce dossier, est celui de la gamme agricole, avec des puissances ici comprises entre 85 et 425 ch. « C’est véritablement le cœur de l’activité de la marque, avec des produits 100 % Massey Ferguson », commente François. « Pour les puissances les plus faibles, jusqu’à environ 110 ch, la demande des acheteurs concerne essentiellement des modèles techniquement simples, privilégiant le « tout mécanique ». Au-delà de 110 à 120 ch, les clients souhaitent le plus souvent des tracteurs plus élaborés. » Leur réflexion est plus poussée et s’oriente notamment vers un plus grand confort avec des solutions telles que les suspensions du pont avant et de la cabine, un siège plus évolué ou un éclairage led.
Il remarque que les acheteurs de ce segment sont aussi plus attentifs à la valeur que présentera encore le tracteur au moment de sa revente et ils l’équipent en conséquence. Certains équipements peuvent effectivement influencer significativement le prix de revente.
« Pour prendre un exemple, essayez aujourd’hui de revendre une voiture dépourvue de climatisation et vous constaterez à quel point cela impacte négativement le prix que vous pourrez en obtenir. Il en est de même avec certains équipements, notamment technologiques, sur les tracteurs. Évidemment, la prise en compte de cette valeur de revente lors de l’achat d’un nouveau tracteur sera différente selon que le client est un entrepreneur renouvelant ses engins tous les deux ans ou un agriculteur souhaitant conserver son véhicule une quinzaine d’années ».
Ces véhicules à vocation agricole pouvant présenter une technologie avancée se déclinent en cinq gammes avec une puissance minimale de 105 ch pour le plus petit modèle de la gamme 5S et une puissance maximale de 425 ch pour le plus imposant des 9S. « Si ce n’est la série 9S qui est directement dotée de la version haut de gamme Exclusive, chaque modèle est livrable en trois versions de finition », enchérit François.
« La première d’entre elles, dénommée Essential, est la plus simple, dépourvue de joystick multifonction et de gps. La mouture Efficient correspond, elle, au milieu de gamme : elle peut techniquement être dotée du guidage mais, financièrement parlant, ce choix n’est pas très pertinent si l’on en compare le coût à celui de la finition haut de gamme. Cette dernière, baptisée Exclusive, dispose non seulement du gps intégré mais aussi de l’air conditionné automatique, d’un écran en équipement standard ou encore d’une suspension de cabine très performante. »
« Je conseille toujours aux clients de bien comparer les équipements présents en standard pour chaque niveau de finition et de comparer ensuite les différents prix. En effet, suréquiper une version milieu de gamme en y ajoutant un tas d’options peut, au final, coûter plus cher que choisir initialement la version haut de gamme dotée dès le départ d’un très bon niveau d’équipements ».
De plus en plus de technologies à bord
Commercialement, un envol des technologies embarquées est observé. « Oui, et c’est très net ! On peut même parler d’une tendance exponentielle depuis quelques années. Un indicateur très clair est celui des statistiques de vente des systèmes de guidage installés en usine sur les tracteurs neufs. En 2022, ce sont un peu plus de 15 % des tracteurs Massey Ferguson à moteur à six cylindres sortant d’usine qui en étaient équipés, contre environ 36 % en 2023. Et cette évolution se poursuit : sur la première partie de 2024, ce chiffre est passé à 72 %… Même si elle est moindre en termes de pourcentages, la même tendance s’observe pour les ventes de softwares d’usine tels que la gestion de tronçons ou la modulation de dose. »
Ces technologies optimisent le fonctionnement du tracteur et des outils attelés, avec des gains qui peuvent se marquer sur les plans agronomique, financier ou encore en termes de productivité et de confort pour l’opérateur. Elles nécessitent souvent de pouvoir recueillir, faire circuler et exploiter des données. À ce niveau, l’apparition de l’Isobus fut une avancée remarquable.
Pour rappel, l’Isobus, tout en offrant une capacité de traitement d’une grande masse de données, permet de commander différentes machines à partir d’un seul et même terminal grâce à des connecteurs standardisés, et ce indépendamment des marques du tracteur, de la machine et du terminal. De par ce canal de communication efficace et normalisé entre tracteur et matériels attelés, cette technologie ouvre la porte aux fonctions plus avancées et intelligentes, facilitant la gestion de l’exploitation, la tâche de l’opérateur, la documentation des travaux culturaux et la mise en œuvre des outils d’agriculture de précision. « L’Isobus est un équipement incontournable pour tout qui souhaite acquérir un tracteur doté des dernières technologies embarquées. »
Les dernières évolutions vont encore plus loin puisqu’elles autorisent la commande de certains paramètres du tracteur par la machine attelée elle-même, en fonction des conditions de travail qu’elle rencontre. Cette option, dénommée TIM Isobus (Tractor Implement Management system), peut, par exemple, équiper les modèles de la gamme 9S.
« Cette solution se définit par une gestion automatique des fonctions électroniques du tracteur en fonction des exigences de l’outil », commente François. « À titre d’exemple, nos nouvelles presses à balles carrées de la série 2200 sont compatibles avec cette technologie. Grâce à plusieurs capteurs, le système TIM est en mesure de surveiller le fonctionnement et les performances de la presse, et même de les optimiser en augmentant ou diminuant automatiquement la vitesse d’avancement du tracteur pour assurer à tout moment un approvisionnement optimal du canal de pressage. La presse est donc capable de commander la vitesse du tracteur en fonction de la taille et de la configuration de l’andain de fourrage ».
Le terminal, porte d’entrée vers les technologies
Avec François, allons plus loin dans le cœur de notre dossier, en explorant avec lui, poste par poste, les équipements technologiques pouvant se rencontrer sur un tracteur moderne, ainsi que leurs fonctionnalités, en débutant par les terminaux. « Le terminal, plus communément appelé l’écran, est un élément très important lorsque l’on parle de technologies embarquées car c’est à lui qu’est directement confronté le chauffeur. C’est littéralement la porte d’entrée vers ces outils. Il faut donc qu’il soit le plus complet possible mais aussi et surtout le plus intuitif et facile d’utilisation ».
Sur les tracteurs rouge et gris, différentes possibilités existent : l’écran tactile Datatronic 5, à partir duquel se contrôlent toutes les fonctionnalités (fonctions du tracteur, Isobus, guidage…), peut ainsi se voir adjoindre un deuxième écran Fieldstar 5 pour une expérience encore plus poussée. Ce second moniteur autorise aussi la gestion de toutes les fonctions hormis celles propres au tracteur.
Cette combinaison de moniteurs permet de visualiser simultanément deux écrans et, ainsi, commander plus facilement toutes les fonctions essentielles : paramètres du tracteur et de la machine, guidage, caméra, cartes… L’opérateur peut, en outre, choisir sur quel écran il souhaite afficher tel ou tel type d’information, par exemple l’écran sur lequel s’affichent les fonctionnalités de guidage et celui sur lequel apparaissent les fonctions Isobus de la machine tractée.
Fieldstar 5 s’installe en Plug and Play ; autrement dit, il est facilement interchangeable. Ceci se révèle intéressant puisqu’il est possible d’utiliser l’écran d’un second tracteur qui en serait aussi pourvu, et de limiter de ce fait les frais d’investissement.
Dans les tracteurs 8S et 9S, un écran supplémentaire appelé V-Display, monté sur le montant avant droit de la cabine, affiche par ailleurs les informations essentielles du tracteur, comme un miroir.
« Datatronic 5 permet un contrôle simple et efficace des matériels attelés grâce à la création et l’enregistrement d’un profil pour chaque outil dans le système, et ceci tant pour les matériels attelés à l’arrière qu’à l’avant », ajoute notre hôte. « L’ergonomie et l’intuition ont été au centre des attentions lors du développement du système. Ainsi, la création d’un profil se fait en quelques clics sur l’écran pour configurer les caractéristiques principales de l’outil concerné. Le profil contient les paramétrages propres à la machine et au tracteur (régime moteur, transmission, hydraulique, relevage…), qu’il est possible d’adapter à tout moment au besoin. »
Il n’est donc pas nécessaire d’encoder l’ensemble des données à chaque fois que l’on travaille avec cet outil ; il suffit de sélectionner le profil correspondant retenu en mémoire par le système, de modifier l’une ou l’autre donnée si nécessaire, et le travail peut débuter.
Outre la facilité d’utilisation pour le chauffeur, ce type de système peut également participer à la gestion de l’exploitation en renseignant des données objectives relatives au travail effectué et aux coûts y afférents. « Un déclencheur peut être défini, activant la fonction de comptage. Par exemple, le compteur du nombre d’hectares travaillés ne peut fonctionner que si le tracteur avance et si le relevage est abaissé. Le comptage s’arrête dès qu’une de ces deux conditions, définies par le chauffeur, n’est plus rencontrée, pour reprendre ensuite. Dans le même ordre d’idées, Datatronic 5 rend possible l’encodage du coût horaire d’un chauffeur ou du carburant de sorte que le système puisse calculer le coût global de la tâche effectuée. »
Les systèmes de guidage, pour un travail précis et optimisé
Les systèmes de guidage figurent en tête du classement des équipements choisis par les acheteurs, à tel point que les constructeurs pré-équipent bien souvent leurs engins. « C’est le cas pour nos tracteurs », confirme François. « Des versions de finition sont pourvues du pré-équipement gps en standard et le système est entièrement modulable, même après plusieurs années. Ainsi, le client peut faire évoluer ses choix, par exemple en achetant une antenne plus tard. Le tracteur disposant du pré-équipement nécessaire, il suffira de connecter cette antenne et débloquer l’option de guidage, sans avoir à consentir de gros frais. »
Pour rappel, le guidage d’un tracteur repose sur l’exploitation de signaux envoyés par des systèmes de navigation par satellites dont le plus connu est le système américain gps. Les signaux gps utilisés seuls n’offrent cependant pas une précision satisfaisante pour un usage agricole, puisqu’elle peut atteindre plusieurs mètres. Il est donc indispensable de recourir à des systèmes complémentaires fournissant des signaux de correction permettant alors de se localiser plus précisément.
Egnos, un développement européen basé sur trois satellites géostationnaires, est l’un d’eux et offre une précision de 30 cm maximum. Dans des conditions vraiment optimales, par exemple en été, par ciel dégagé et en l’absence de vent, elle peut être meilleure encore, atteignant quelques centimètres. D’autres signaux de correction existent, procurant des précisions encore plus performantes, pouvant atteindre entre 0 et 2 cm avec le système RTK.
« Le système d’autoguidage disponible d’usine MF Guide peut fournir une précision submétrique, décimétrique ou centimétrique, selon le choix du client. En Belgique, on constate une forte disparité : actuellement, 95 % des tracteurs dotés de MF Guide fonctionnent avec le RTK en Flandre, contre seulement 50 % en Wallonie. Ce gradient trouve son origine, entre autres, dans le fait que le signal RTK a été rendu gratuit en Flandre alors que les wallons doivent débourser environ 400 € pour un abonnement annuel, sans oublier le fait que le signal perd en précision dans le relief plus marqué de l’Ardenne ou encore une morphologie d’exploitations différente ».
Ces systèmes de guidage se révèlent performants et procurent de multiples avantages en évitant les manques et les chevauchements, en optimisant le temps de travail et la consommation de carburant, en libérant les mains du conducteur et en réduisant son stress et sa fatigue tout en permettant à son attention de rester focalisée sur sa tâche.
« Il est à noter, de nouveau, que notre offre est modulable à tout instant. Si un client se montre hésitant quant à la précision qu’il souhaite et hésite à investir d’emblée les 3.000 € d’options permettant de passer du signal Egnos au signal RTK, rien ne l’empêche de débuter avec Egnos et, s’il constate que celui-ci ne lui donne pas satisfaction à l’usage, d’acheter par après un code d’activation lui donnant accès au RTK. Il n’y aura alors aucune autre adaptation à envisager, et donc aucun coût supplémentaire autre que l’achat de ce code.
« De même, les antennes sont interchangeables. Ceci est un avantage : vous utilisez l’antenne sur un tracteur puissant pour le travail du sol et pouvez la monter ensuite sur un tracteur plus léger pour la fertilisation des cultures. Outre une réduction des frais d’investissement, les deux tracteurs utilisant la même antenne bénéficieront du même degré de précision », ajoute François.
Comme nombre de constructeurs, Agco investit beaucoup pour fournir des solutions technologiques de pointe à ses utilisateurs. Cela s’est récemment concrétisé par le rachat de 85 % d’un acteur-clé du secteur, Trimble, et la création de la marque PTX. Cette nouvelle réjouit notre spécialiste. « Agco devient un véritable acteur dans le domaine de la localisation satellitaire en agriculture. Ceci augure de nouvelles avancées, pour le guidage des tracteurs bien entendu, mais aussi celui des machines de récolte telles que les moissonneuses-batteuses ou, encore davantage peut-être, pour le guidage individuel de l’outil attelé au tracteur ».