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Les recommandations du Livre Blanc Céréales pour la fertilisation azotée en froment : raisonner sa fumure afin de minimiser les risques de pertes culturales et environnementales

Les traditionnelles réunions de sortie d’hiver du Libre Blanc Céréales se sont tenues ce mercredi. L’occasion pour les céréaliers wallons de prendre connaissance des différentes analyses et recommandations des experts. Une nouvelle fois, l’accent est mis sur l’optimum entre le rendement et la rentabilité, avec quelques nouveautés comme une fumure de référence pour la région du Condroz ainsi que pour les variétés panifiables premium.

Temps de lecture : 7 min

Avant de faire le point sur les réserves en azote minéral des sols, il est utile de s’intéresser aux conditions climatiques observées ces derniers mois. On connaît en effet l’influence que peuvent avoir la pluviométrie et la température sur l’ampleur de ces reliquats.

Un automne doux

Après un mois d’août relativement chaud et moins pluvieux, une première depuis un certain temps, les températures ne sont pas descendues. En effet, d’après les relevés provenant de la station IRM d’Ernage ( tableau 1 ), les températures sont restées mois après mois, nettement supérieures aux normales mensuelles, mises à part pour le mois de novembre. L’automne 2024, comme en 2023, est donc caractérisé par des températures douces pour la saison. Une période plus froide a ensuite été enregistrée aux alentours de mi-janvier 2025.

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Une fin d’année pluvieuse, entrecoupée d’accalmies

Du côté des précipitations, le mois d’août laissait penser à une accalmie après ces nombreux mois de pluie. Malheureusement, les mois de septembre et octobre n’ont pas dérogé à la règle de cette année, avec un excès de précipitations par rapport aux normales climatiques. Les deux derniers mois de l’année ont laissé place à quelques périodes d’accalmies, permettant les derniers semis de céréales.

État des cultures en sortie hiver

Dans les semis de la plateforme expérimentale de Lonzée, en date du 4 février, les stades de développement du froment observés dans les essais « dates de semis » sont :

– semis de mi-octobre : début tallage ;

– semis de mi-novembre : 2 feuilles ;

– semis de mi-décembre : 1 feuille.

L’état des emblavements est variable selon la date de semis et les conditions d’implantation. Si les parcelles implantées à la mi-octobre sont pour la plupart en bon état, la situation semble plus contrastée pour les semis tardifs réalisés en novembre et décembre.

Si vous pressentez que votre situation s’écarte d’un contexte moyen, il est conseillé de réaliser des profils azotés dans vos parcelles afin d’adapter au mieux la fertilisation azotée de vos cultures.

Le profil en azote minéral du sol au 3 février

Pas moins de 94 parcelles de froment d’hiver ont été échantillonnées, entre le 20 janvier et le 3 février, par le Carah, le Cra-w, Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège et par le Cepicop. Comme chaque année, ces prélèvements ont été réalisés dans les différentes régions agricoles de Wallonie sur des parcelles présentant des situations culturales contrastées, notamment au niveau des précédents culturaux. Cette diversité et le nombre de prélèvements réalisés ont pour objectif d’être le plus représentatif possible de la réalité du terrain. L’échantillonnage de ces profils a été réalisé sur 90 cm de profondeur.

Le tableau 2 révèle que le profil moyen en sortie d’hiver de cette année est relativement faible par rapport aux années précédentes. Mis à part l’année passée, une situation comparable n’avait plus été observée depuis 2018. D’après les données récoltées jusqu’au 3 février, le niveau d’azote présent dans le sol sur une profondeur de 90 cm est en moyenne de 39 kg Nmin /ha. Ce qui est largement inférieur à la teneur moyenne en azote minéral de ces dix dernières années (54 kg Nmin /ha).

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Migration au-delà de 90 cm de profondeur

Les précipitations de ces derniers mois (tableau 1) ont eu une incidence importante sur le stock d’azote minéral encore présent dans le sol à cette période. Ces faibles quantités sont distribuées uniformément entre les trois horizons. La couche supérieure (0-30 cm) contient 11 kg Nmin /ha, soit un peu plus de 28 % de l’azote présent dans le profil azoté (90 cm de profondeur). Les deux autres horizons contiennent tous deux à peine plus d’azote avec une moyenne de 14 kg Nmin /ha. Les pluies de l’automne et de l’hiver, en s’infiltrant, ont favorisé la migration de l’azote au-delà de 90 cm de profondeur et ont ainsi contribué à appauvrir le profil.

Des disparités liées aux précédents culturaux

Comme chaque année, des disparités existent également entre les différents précédents culturaux ( tableau 3 ). Cette année, les profils les plus riches sont observés lorsque le froment suit une pomme de terre ou un colza, avec des reliquats moyens de 51 et 55 kg Nmin/ha. Pour un précédent légumineuse, les reliquats mesurés en janvier dernier sont particulièrement faibles comparativement aux années antérieures. D’autres précédents comme la betterave, le lin ou le maïs offrent des reliquats assez faibles avec une teneur moyenne comprise entre 31 et 36 kg Nmin /ha. Enfin, pour un précédent comme la chicorée, la quantité d’azote minéral présente dans le sol est en moyenne de 21 kg Nmin /ha.

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Il est important de remarquer que pour un même précédent, il existe une forte variabilité entre les différents profils. Cette variabilité illustre les contextes pédoclimatiques variés rencontrés en Wallonie mais également les différences de pratiques en matière de fertilisation. De fortes variabilités intra-parcellaires peuvent également être observées en suite d’accidents culturaux localisés.

Les fumures de référence pour la nouvelle saison : 185 kg N/ha

La fumure de référence pour 2025 est basée sur les résultats d’une analyse pluriannuelle des essais « fumure », ainsi que sur base des observations de ce début de saison.

Il est également important de rappeler que celles-ci sont recommandées pour la conduite des variétés de froment panifiable belge supérieur (Q2), des variétés de froment à autres usages non fourrager (Q3) et pour les variétés de froment basique belge (Q4) destinées à l’alimentation animale.

Cette année, le stock d’azote minéral présent dans le sol est relativement faible. La fraction de tallage est donc, pour ces raisons, maintenue à 60 kg N/ha. Les fractions de redressement et de dernière feuille sont fixées par rapport à une année normale pour une dose totale de 185 kg N/ha.

La fumure en deux fractions sera réservée uniquement aux situations les plus favorables. Une fumure totale de 170 kg N/ha est conseillée pour ce cas précis. La dernière fraction a été réduite depuis 2022 afin de garantir une bonne valorisation de cet azote, mais aussi pour éviter tout excès de fertilisation en fin de cycle.

Les deux fumures de référence proposées cette année sont :

En trois fractions :

– tallage : 60 N

– redressement : 60 N

– dernière feuille : 65 N

En deux fractions :

– intermédiaire « T-R » : 95 N

– dernière feuille : 75 N

Sur base des résultats d’essais menés dans le Condroz depuis 2022, la fumure de référence en trois fractions peut notamment être adaptée comme suit :

En trois factions :

– tallage : 80 N

– redressement : 50 N

– dernière feuille : 55 N

Le cas des variétés panifiables premium

Les fumures de référence reprises dans cette section sont uniquement destinées à la conduite des variétés de froment panifiable belge premium (Q1), catégorie qui reprend également les variétés de froment élites améliorantes (Q1A). Basé sur des résultats d’essais, l’objectif de ce type de schéma est d’atteindre un compromis entre rendement, teneur et qualité des protéines.

Cette fumure de référence est spécialement recommandée pour ces variétés de froment qui ont pour principal débouché la valorisation en meunerie et en boulangerie.

En trois fractions :

– tallage : 40 N

– redressement : 80 N

– dernière feuille : 65 N

En quatre fractions :

– tallage : 40 N

– redressement : 80 N

– 2e nœud : 40 N

– dernière feuille : 60 N

Il est important de rappeler que la culture de variétés élites améliorantes (Q1A) nécessite d’opter au préalable pour un contrat qui rémunère correctement la qualité.

À garder en tête

Pour rappel, ces fumures de référence doivent toujours être adaptées en fonction du contexte de la parcelle et de l’état de la culture. Avant chaque apport, il est impératif d’ajuster les doses préconisées par la fumure de référence en tenant compte des différents facteurs correctifs.

Le conseil pourra évoluer en cours de saison en fonction des conditions de développement et de croissance des cultures.

Une fertilisation azotée raisonnée permet d’optimiser la production et la rentabilité de la culture, tout en minimisant les risques de pertes culturales (maladie, verse) et environnementales (émission de N2O, lixiviation de NO3).

Dans un contexte où le prix des engrais azotés est volatil, il est plus que probable qu’un excès de fertilisation génère d’importants surcoûts. Raisonner sa fumure est une démarche nécessaire afin de garantir des rendements économiques satisfaisants.

D’après le Livre Blanc Céréales

Février 2025

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