La vache-mannequin qui venait du froid
Cela fait déjà bien longtemps que l’École provinciale d’agronomie et des sciences de Ciney (Epasc), fondée en 1921 sur le site de la ferme-château de Saint-Quentin, a évolué en un centre de formation reconnu dans les domaines de l’agriculture, des sciences naturelles, de l’horticulture, de l’agroéquipement et de l’environnement. Afin d’offrir les meilleures ressources d’apprentissage à ses élèves, la direction de l’institution s’est dotée d’un outil pédagogique innovant : une vache-mannequin grandeur nature conçue pour offrir une expérience de formation immersive et ultra-réaliste à ceux qui seront les agriculteurs de demain.

L’établissement connaît un bel essor, comme en témoigne la croissance marquée de sa population scolaire, passée de 630 à 820 élèves en seulement quatre rentrées, dont 320 inscrits dans des options à finalité agricole.
Un enseignement plébiscité en Wallonie
Une évolution favorable qui fait dire à Françoise Deliège, cheffe d’atelier, que « la vocation pour le secteur agricole est bien prégnante chez les jeunes ». Preuve en est, les sections « agri » affichent complet chaque année.
À côté du premier degré (de 12 à 14 ans), l’Epasc propose un l’enseignement de transition (sciences agronomiques et appliquées) et de qualification, notamment en agroéquipement à destination des futurs spécialistes des machines agricoles, horticoles et sylvicoles.
Étonnamment, ils sont encore relativement peu nombreux, les élèves qui, à l’issue de leur parcours secondaire, choisissent de s’orienter vers le très réputé bachelier en agronomie, pourtant dispensé dans les locaux flambant neufs de la Haute école de la Province de Namur (Hepn), située en contrebas de l’Epasc.
Certains élèves y poursuivent un cursus supérieur, mais ils sont encore trop peu nombreux à s’y engager aux yeux de Christel Daniaux, responsable technique et scientifique, en précisant que l’Hepn compte actuellement 120 étudiants.
Un outil pour ancrer la formation dans la réalité
Pour qu’une formation technique et professionnelle soit pleinement efficace, il est essentiel qu’elle s’appuie sur des dispositifs pédagogiques fidèles aux exigences et aux situations réelles du métier. Dans cette dynamique, l’équipe pédagogique s’engage activement chaque année dans des appels à projets afin de doter la ferme didactique et le pôle agro-mécanique d’équipements à la hauteur des enjeux de l’agriculture de demain.
Comme les autres établissements, l’Epasc bénéficie à cet effet d’un financement pour la modernisation de l’équipement pédagogique de l’enseignement qualifiant.
L’équipe pédagogique a souhaité ancrer davantage la formation des élèves dans le développement de compétences professionnelles concrètes. Parmi celles-ci figure notamment l’encadrement des animaux en phase de reproduction, lors de la mise bas ainsi que pendant le suivi postnatal.
Pour répondre au nombre croissant d’élèves et dans un souci de respect du bien-être animal, l’établissement a opté pour l’introduction d’un mannequin de simulation, permettant de reproduire de manière réaliste tout une série de manipulations sans avoir recours à des animaux vivants.
Permettre l’erreur, respecter le bien-être animal
L’initiative prend tout son sens lorsqu’on sait que l’Epasc dispense, depuis plusieurs années, des cours d’insémination artificielle Une pratique qui, jusqu’alors, nécessitait la présence de dix vaches à la ferme didactique, soumises à des manipulations répétées par une trentaine d’élèves sur une période de six semaines.
Une situation qui n’est pas idéale en termes de bien-être animal que les enseignants souhaitent améliorer.
Le mannequin permettra à l‘élève de faire des erreurs et donc de le « mettre dans un cadre rassurant d’apprentissage pour pouvoir exercer des gestes pointus sans manipuler l’animal » développe Françoise Deliège.
« Notre objectif est de réduire le nombre d’animaux vivants pour passer au volet pratique sur la vache-mannequin » renchérit pour sa part Christelle Daniaux qui souligne la belle collaboration entre l’Epasc et la Haute école de la Province de Namur.
Une vache factice pour un suivi de gestation
Le module comprend également une série de fœtus de tailles différentes, plusieurs utérus en fonction des différents stades de gestation. Des outils en plastique souple que les élèves ont la possibilité de palper.
La formation agricole a le vent en poupe
Les professeurs de zootechnie, dont un vétérinaire, travaillent encore à la mise en place de séquences pédagogiques à destination des élèves qui se sont orientés vers les filières agricoles.
Ils pourront visualiser le positionnement des organes dans l’abdomen, effectuer des fouilles rectales pour poser un diagnostic de gestation et en déterminer les différents stades, mais aussi gérer le vêlage avec des possibilités de réaliser des mises en situation réalistes en proposant des dystocies fœtales ou maternelles.
Le mannequin offre par ailleurs l’opportunité de simuler la traite et de pratiquer l’insémination artificielle. « Il répond réellement aux défis pratiques posés par les métiers que choisissent nos élèves » insiste Françoise Deliège. Et de compléter que l’école « doit leur fournir des compétences techniques et intellectuelles indispensables pour devenir de bons agriculteurs demain ».
Comme une jolie éclaircie dans un horizon souvent obscurci par les nuages de la morosité. D’ailleurs, enchaîne encore promptement la cheffe d’atelier, « on peut affirmer qu’en matière de formation, le secteur se porte bien, porté par l’enthousiasme marqué des jeunes ».
Des projets plein la tête au service des élèves
Cet outil pédagogique n’existe qu’en deux exemplaires en Wallonie, le second mannequin étant abrité à la faculté vétérinaire de l’ULiège.
L’équipe pédagogique de l’Epasc ne manque ni d’idées ni d’initiatives, toujours en quête des meilleurs moyens pour préparer au mieux ses élèves aux réalités du terrain.
À ce titre, Françoise Deliège évoque déjà l’acquisition d’un second mannequin, spécifiquement conçu pour reproduire la tête et l’encolure d’une vache. Celui-ci permettra aux étudiants de s’exercer aux gestes de soins courants, tels que la pose de boucles auriculaires, qui est une obligation légale, ou les injections, un geste technique qui demande un certain savoir-faire pour ne pas provoquer de douleurs inutiles à l’animal.
Un nouveau projet qui devrait voir le jour en 2025. Quant à la vache-mannequin qui se repose actuellement au fond d’une classe en attendant les élèves, elle sera opérationnelle dès ce mois de mai.