D’architecte paysagiste à éleveur de chèvres: une reconversion réussie!
« Paysan », c’est la dénomination choisie par Vincent Henrion pour se définir. Il y a douze ans, cet éleveur caprin a fait le grand saut vers le monde agricole, marquant ainsi un changement radical dans sa vie. Ancien architecte paysagiste, il vit désormais au rythme de sa trentaine de chèvres alpines, dont la production contribue à la fabrication des fromages de la Chèvrerie de Vissoul.

Certains ont des rêves qu’ils n’osent jamais concrétiser. D’autres ont osé franchir le pas, même si cela signifie parfois devoir affronter toute une série d’obstacles. C’est le cas de Vincent Henrion. À Vissoul, un joli hameau de la commune de Burdinne, dans la province de Liège, sa chèvrerie a su se forger une réputation. Ses trente chèvres alpines vivent en harmonie avec la nature environnante. Aujourd’hui, à cause du mauvais temps, elles ont décidé de rester à l’intérieur, parfois accompagnées des poules d’ornement qui se plaisent à se percher sur leur dos. Tandis que son employée est en train de réaliser l’unique traite de la journée, l’éleveur a accepté de retracer son parcours. Un parcours pas tout à fait comme les autres…
« Je me suis écouté »
Si gamin, il a toujours eu des animaux, surtout des moutons, ce dernier n’a pas baigné dans le monde agricole depuis sa tendre enfance. Au contraire, il travaillait comme architecte paysagiste dans le Brabant wallon. « Pendant 25 ans, j’étais dans l’entreprise familiale. Elle avait une certaine ampleur, avec du personnel. Mais, j’avais cette idée de travailler comme paysan depuis longtemps. Cette reconversion est un respect de ce que je pensais devenir lorsque j’étais ado. On peut dire que je me suis écouté… » C’est ainsi qu’en 2011 il construit sa chèvrerie pour l’ouvrir un an plus tard.
Mais pourquoi cette direction vers le secteur caprin ? « C’est une question essentiellement économique, avec les chèvres on peut valoriser un maximum le produit, le lait. Avec le mouton pour la viande, il faut de la quantité, du volume, des terres, ce que je n’ai pas ». Dans son exploitation à taille humaine, ce Burdinnois d’adoption possède, en effet, 5 ha, dont 2 sont loués.
Sortir d’un idéal…
Bien qu’il ait été en contact avec la nature grâce à son premier métier, ce changement de vie l’a confronté aux réalités et aux défis du monde agricole. « Il a fallu que je m’écarte d’un idéal. Je maîtrisais une idée, mais pas la partie professionnelle, pour avoir un retour, un vrai rendement. Au départ, je pensais que cela allait aller tout seul. C’est faux, évidemment. Il faut réaliser de la sélection, faire des choix, ne pas garder certaines bêtes ».
Bien qu’il ait suivi une formation pour la transformation de fromage, le reste de ses compétences a été acquis sur le terrain, pas à pas, avec son lot d’erreurs, de surprises et même de déceptions.
« J’avais déjà un sens des animaux, des premières connaissances. Mais il y a eu des moments très difficiles, comme lorsque je perdais des chèvres sans en comprendre la raison. Ce sont des animaux très sensibles. Il arrive qu’une bête décède en l’espace d’une demi-journée, sans que l’on sache réellement pourquoi ». Malgré ces épreuves, il n’a jamais abandonné, et au fil du temps, a réussi à se professionnaliser. « C’est une reconversion, on a donc l’énergie d’un jeune qui se lance dans le métier avec cette véritable envie de réussir ! ».
Objectif ? Deux litres de lait par jour pour chaque bête
Aujourd’hui, l’objectif de Vincent Henrion est de parvenir à une production quotidienne de deux litres de lait par chèvre, soit 60 l au total. Pour y parvenir, il sélectionne les animaux les plus productifs au sein même de son troupeau, les mieux adaptés, selon lui, à leur environnement, plutôt que d’en acquérir à l’extérieur. De plus, pour des raisons d’organisation, il pratique la mono-traite, soit une traite par jour, en matinée. Un choix bien réfléchi pour ces caprins qui vivent au sein de la chèvrerie jusqu’à leur 8, voire 9 ans.
Au niveau de l’alimentation, ces animaux reçoivent du foin à volonté et un mélange de triticale, avoine et pois. Une céréale dont la ration est plus importante durant la période de gestation, pour l’apport en protéine. Et c’est du 100 % fait maison, puisque l’éleveur travaille en autonomie fourragère et céréalière « sauf quand la récolte est insuffisante. Sinon, je n’achète rien de l’extérieur. Cela a toujours été une volonté de ma part ».
En outre, les chèvres peuvent pâturer à leur guise puisqu’elles rentrent et sortent du bâtiment, imaginé par le fromager, quand bon leur semble, soit 9 mois environ sur l’année.
Des animaux en autogestion, même pour les maladies
Ayant opté pour l’agriculture biologique « une évidence pour moi », le Burdinnois souhaite se rapprocher un maximum du cadre de vie naturel de ses animaux. Il favorise donc l’autogestion, et ce même en ce qui concerne leur santé. « Je laisse faire. Je ne suis ni en surproduction au niveau lait, ni au niveau de l’alimentation. J’essaie d’être le plus près possible de l’animal ». Ainsi, il n’administre pas de vaccins et n’effectue des vermifuges que si c’est nécessaire. « Il y a même certaines chèvres que je ne vermifuge jamais, elles sont devenues résistantes. Cela prouve que c’est possible d’arriver à avoir des bêtes bien adaptées à leurs conditions de vie, sans intervention de l’éleveur ».
En tout cas, les chevrettes nées en avril semblent être au top de leur forme, et n’hésitent pas à faire des cabrioles, sous le regard de leurs mères et du seul bouc que compte cette petite ferme villageoise.