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Focus sur les formalités en matière d’envoi des congés

Les quelques précédentes parutions, comme l’auront constaté les assidus lecteurs de notre hebdomadaire, auront été consacrées à exposer les divers motifs de congé envisagés par la loi sur le bail à ferme.

Temps de lecture : 5 min

Fort bien, direz-vous, mais, concrètement, à quoi ressemble un congé ? Comment l’envoie-t-on ? Que doit-il contenir ?

Le mode d’envoi

Commençons donc par le commencement sur les formes : le mode d’envoi. L’émetteur du congé l’enverra-t-il par WhatsApp, par Snapchat ou encore via Facebook ou Instagram ? Évidemment non, la loi étant, comme sur bon nombre de points, extrêmement stricte à ce sujet.

De fait, il suffira de lire les articles 2ter et 57 de la loi sur le bail à ferme pour s’en apercevoir.

L’article 57, d’abord, rédigé comme suit :

Les congés, oppositions ou notifications prévus aux articles 6, 8, § 4, 11, 12, 14, alinéa 1er, 24, 30, 33, 34bis, 35, 36, 36bis, 37, 38, 39, 40, 42, 44, 48, 49 et 55 sont, à peine d’inexistence, signifiés par exploit d’huissier de justice ou par un envoi.

Ce qui nous intéresse ici est que l’article 57 indique que le congé sera formalisé par exploit d’huissier (donc, un huissier vient sur place présenter le congé à son destinataire) ou par un envoi…

Un envoi ? De quoi s’agit-il ?

Comme souvent, la loi fonctionne par un système de renvoi, ce qui est parfois source de peu de clarté, pour définir ce que revêt la notion d’envoi.

L’article 2ter, en effet, énumère les modes de communication constitutifs d’envoi au sens de la loi sur le bail à ferme :

Tout envoi en vertu d’une des dispositions de la présente section est considéré avoir date certaine lorsque la date de sa réception peut être prouvée et lorsqu’il revêt une des formes suivantes :

1° le courriel daté et signé ;

2° le recommandé postal ;

3° les envois par des sociétés privées contre accusé de réception ;

4° le dépôt d’un acte contre récépissé.

L’envoi se fait au plus tard le jour de l’échéance du délai.

Il faut ainsi considérer que tout congé, en matière de bail à ferme, doit être envoyé par un des modes de communication prévus par la loi (articles 57 et 2ter).

Pourquoi donc ? Parce que, d’une part, la loi considère que ces modes de communication permettent de garantir, à tout le moins de faire en sorte de garantir, que le destinataire du congé soit touché par celui-ci et, d’autre part, pour certifier la date de réception du congé par le destinataire du congé.

Démonstration par l’absurde : si le congé pouvait être notifié par lettre simple, par exemple, c’est-à-dire non recommandée, comment serait-il possible de certifier que le congé a été envoyé et/ou reçu ?

On se rappellera en effet, à bon escient, que la matière des congés est soumise à des règles strictes en matière de délai et, pour apprécier le respect de ces délais, il faut forcément pouvoir vérifier, pour reprendre les termes légaux, « la date de sa réception ».

Le contenu du congé ensuite…

La loi sur le bail à ferme, fidèle à sa réputation, n’est pas sans imposer à l’émetteur du congé ce que ce dernier doit contenir en termes de mentions minimales.

En substance, et pour faire simple, la loi indique, pour certains congés à tout le moins, toutes les mentions obligatoires, et ce à peine de nullité, ce qui signifie, ni plus ni moins, qu’une mention légalement obligatoire absente d’un congé rend celui-ci nul, c’est-à-dire inexistant (sous réserve de l’application de l’article 12§8 al.2 qui donne au juge une faculté d’appréciation en certains cas).

Même si, selon le motif de congé, la loi impose évidemment telle ou telle mention à ajouter/insérer, une mention commune existe, soit celle de la procédure à suivre pour contester le congé.

Il faut bien comprendre qu’un congé peut, en certains cas, n’être que la première étape d’un processus plus vaste de libération d’un bien rural : autrement parlé, le congé ne sera définitif que s’il n’est pas contesté par son destinataire, ce dans un délai de 3 mois devant le Juge de Paix compétent (attention : appel en conciliation préalable obligatoire, avec des délais stricts à respecter).

Cette possibilité de contestation du congé, que d’aucuns ont appelée « l’inversion procédurale », s’impose désormais au destinataire du congé s’il ne l’accepte pas (tel n’était pas le cas avant la réforme de 2020 puisque c’était alors à l’émetteur du congé d’en solliciter la validation judiciaire si le destinataire n’indiquait pas son accord ou demeurait silencieux).

L’article 12 §4 de la loi sur le bail à ferme contient en effet que :

Le congé donné par le bailleur dans les formes et délais prévus à la présente section et qui n’a pas été contesté par le preneur est valable.

Le preneur peut contester le congé en ce compris les motifs invoqués en saisissant le juge de paix dans les trois mois de la notification du congé.

Si cette règle est ici abordée, c’est parce que, précisément, il est imposé à l’émetteur du congé d’insérer dans le texte de celui-ci l’obligation, pour son destinataire, de le contester en cas de désaccord.

La loi précise en effet, en son article 12 §1er 3° :

À peine de nullité, le congé, à l’exception de celui visé à l’article 11, 3/1, est transmis suivant les formes prévues à l’article 57 et indique clairement :

(…)

3° une mention relative à la procédure à suivre pour contester le congé dans l’envoi notifiant ce dernier.

Nous aborderons, lors de la prochaine parution, les mentions particulières imposées pour certains motifs de congé…

Rappelons que la matière est complexe et que la question des délais est toujours épineuse : mieux vaut donc être conseillé que d’agir tout seul « dans son coin »…

 

Henry Van Malleghem, avocat au barreau de Tournai

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