«Nous sommes les seuls éleveurs de chevreaux de boucherie en Wallonie !»
Bien connues pour leur production laitière, les chèvres peuvent aussi être appréciées pour leur viande. Pourtant, chez nous, ce produit est souvent méconnu et souffre encore de nombreux préjugés. Pour certains, son goût est trop fort, pour d’autres, ce plat est l’apanage de pays étrangers. Pourtant, à Remouchamps, Sophie Vincent et Ludovic Benoit ont osé se distinguer des autres éleveurs caprins grâce à leurs chevreaux de boucherie. Un produit rare qu’ils espèrent voir plus souvent dans les assiettes wallonnes.

C’est à l’arrière de leur maison que se trouvent les chèvres de Sophie Vincent et Ludovic Benoit, de l’élevage des Gadlis. Au total, 75 animaux, dont 35 mères, pâturent tranquillement dans les 2 ha de prairie. « Et dire qu’au commencement, il y a sept ans, j’en avais seulement deux », se souvient l’éleveur. Avec sa femme, ce dernier a toujours partagé une véritable passion pour les caprins. Tous deux enfants d’agriculteurs, ils se sont donc naturellement orientés vers cette voie.
« J’ai commencé par des laitières. Les femelles servaient à la production et à la reproduction, mais les mâles, nous ne savions pas ce que nous pouvions en faire. Il n’y avait pas de filière pour les valoriser. Puis, j’ai acheté des Boer, une race viandeuse. Un jour, nous avons décidé de goûter leur viande et cela nous a plu. On s’est alors dit : pourquoi ne pas se lancer dans ce type d’élevage ? De plus, tout le monde est dans la production laitière, et nous voulions nous différencier. En Wallonie, nous sommes les seuls à faire cela »
Propriétaire de deux chèvres Boer, Ludovic décide d’agrandir son troupeau et de se spécialiser dans la commercialisation de ce produit. Un pari risqué ! En effet, chez nous, la viande de chevreaux est peu répandue et souffre d’un manque de connaissance des consommateurs. « C’est une viande oubliée », admet Sophie Vincent. « C’est difficile de la promouvoir, mais en général, lorsqu’on accepte de la tester, on y adhère. » La preuve : ils ont réussi à se forger une véritable clientèle et ils attestent manquer chaque année d’offres pour satisfaire toutes les demandes. « Et pourtant, nous ne vendons que notre propre production ! »
Pour la vente, justement, ces deux agriculteurs ont misé sur le circuit court. Leur objectif est principalement de se faire un nom dans leur propre région en se rendant sur les marchés locaux. De plus, les clients ont la possibilité d’acheter leur viande directement au domicile des éleveurs puisqu’ils y possèdent leur propre atelier de découpe. « Le client peut assister à la découpe pour obtenir vraiment le produit souhaité », explique la jeune femme.
Diversifier la génétique : un autre défi
Mais malgré cette demande croissante, ce couple ne sait pas vivre de sa production. Ludovic Benoit possède, d’ailleurs, un emploi à temps plein en parallèle de cette activité. « C’est compliqué car notre élevage est trop important pour uniquement s’y consacrer après la journée, et trop petit pour en vivre… Nous souhaiterions nous agrandir et passer à un troupeau de 90 mères suitées. »
Si en optant pour ce type d’exploitation caprine, ils ne doivent pas consacrer du temps à la traite, leur charge de travail reste pourtant conséquente. C’est particulièrement le cas durant les mises bas. Une période stressante durant laquelle leurs nuits peuvent être écourtées. « Nous nous levons toutes les deux heures pour obtenir un maximum de réussite. Il y a un gros suivi au niveau des jeunes pour limiter les mortalités. L’année passée, j’en ai perdu 5 sur les 38, et il s’agissait principalement de mort-nés ou d’avortements », souligne Ludovic Benoit avant de nous montrer la chèvrerie. À l’intérieur, une chèvre allaite ses trois chevreaux, tandis qu’une autre s’apprête à mettre bas. Dans les prairies adjacentes, se trouvent différents lots. Toutes les femelles sont nées ici. Pour les boucs, comme Popeye et Charly, ils sont achetés à l’extérieur afin de diversifier la génétique. Là encore, il s’agit d’un défi pour ces agriculteurs puisqu’il existe peu de mâles reproducteurs pour cette race en Belgique.
Un élevage familial et le plus naturel possible
Au niveau de la conduite d’élevage, les jeunes restent sous le pis toute leur vie. Seules les femelles sont écartées lorsque les mères sont mises en lutte avec le bouc, afin d’éviter un accouplement indésirable. Outre le lait maternel, les animaux sont nourris à l’herbe, au fourrage, et reçoivent un petit complément de graines, afin de miser sur une alimentation la plus naturelle possible.
Pour les soins, toujours dans cette optique, les éleveurs ne procèdent qu’aux vermifugations, tandis que les mâles sont castrés à un mois. C’est lorsque les chevreaux auront atteint six mois, soit un poids moyen d’environ 20 kg, qu’ils seront abattus à Droixhe. Concernant la sélection des chevrettes pour la perpétuation de son troupeau, Ludovic Benoit choisit les meilleurs animaux. Pour cette race, il faut que la bête ait un corps blanc, une tête et un cou bruns avec une liste en tête blanche. Ces dernières donneront ensuite naissance pour la première fois à l’âge de deux ans. Le tout, sous l’œil vigilant de ces passionnés déterminés à promouvoir une production caprine de qualité en Wallonie.