Le séchoir à foin de la ferme des Queuwys? Un système qui a réussi à faire ses preuves!
Opérationnel depuis 2019, le séchoir à foin de la ferme de Queuwys à Froidchapelle semble tenir toutes ses promesses. Si l’investissement est, il est vrai, conséquent, il a permis à ces éleveurs de constater des améliorations tant pour la santé de leurs vaches qu’au niveau de la qualité de leur fromage, en passant par leur confort de travail. Des résultats chiffrés puisque ces agriculteurs ont décidé de prendre part à différentes études dont les conclusions sont plus qu’encourageantes !

En mars dernier, nous avions rencontré Pascal Laudelout et Hélène Decourty, éleveurs de vaches laitières à Froidchapelle. Ils nous avaient alors parlé de leur séchoir à foin. Avec cette méthode, l’herbe fauchée est rentrée en vrac par couche : la première de 2 m de haut, et après deux à trois jours de séchage, on ajoute des couches d’un mètre. Pour tout sécher, le mécanisme de ventilation récupère l’air sous la toiture pour le réinjecter par le dessous.
Avant d’investir 500.000 € et de réaliser beaucoup d’autoconstruction pour mettre en place ce système, le couple avait mûrement réfléchi et s’était renseigné auprès de différents éleveurs français. Après coup, ils nous avaient confié que le jeu en valait réellement la chandelle. Tout d’abord, il leur permet de travailler efficacement : en 10 à 15 minutes, toutes les bêtes sont nourries. « Le confort de travail est indéniable. C’est un réel plaisir. En passant au séchoir, nous avons réalisé une économie de 300 h de tracteur ! ».
Puis, ils avaient également remarqué que leurs vaches laitières possédaient un meilleur métabolisme et étaient moins sujettes aux pathologies, comme les mammites.
Un fourrage de très bonne qualité
Dès lors, ces retours étaient-ils plutôt des impressions ou s’agissait-il d’une réalité ? Et bien, tout porte à croire que les Hennuyers avaient vu juste ! En effet, ces bons résultats sont, à présent, corroborés par différentes analyses puisque ces éleveurs biologiques ont pris part à un CRE, soit un centre de référence et d’expérimentation. Durant deux années, de 2022 à 2024, différents partenaires se sont ainsi penchés sur leur système, ont réalisé des analyses de la parcelle jusqu’à la qualité des fromages pour chiffrer les avantages, mais aussi les points d’attention du séchoir.
Parmi les partenaires, on retrouve le Centre wallon de recherches agronomiques. Ces scientifiques avaient pour objectif de mieux connaître la qualité du foin séché (sa composition chimique et sa valeur nutritive), et son utilisation par les vaches laitières (ingestion et digestibilité, production laitière). Pour ce faire, ils ont prélevé plusieurs échantillons dans les parcelles, au niveau des fourrages, mais aussi des bouses, afin de déterminer la digestibilité de la matière organique de la ration et le niveau d’ingestion. Bien entendu, les résultats étaient variables selon la période étudiée.
Globalement, il en ressort que le foin séché en grange est riche en énergie, tandis que les valeurs en protéines sont moyennes. De bonne qualité, il est, en outre, très digestible et présente un faible encombrement du rumen. « En fonction du gabarit des vaches, elles pourraient manger environ 16 kg de foin par jour, soit une quantité vraiment importante », note Virginie Decruyenaere.
« Comme si elles pâturaient en hiver »
Dans cette ferme, selon le moment de l’année, les bovins sont nourris avec ce fourrage ou pâturent. En fonction de leur niveau de production, ils peuvent recevoir un complément énergétique et/ou protéique.
En ce qui concerne la balance azotée dans le rumen, elle est moins négative que pour le foin séché au sol. Toujours au niveau des comparaisons, il en ressort que le foin séché en grange est en moyenne de qualité supérieure. Sa composition chimique, sa digestibilité et sa valeur énergétique sont assez proches des herbes au moment de la fauche et de celles fanées.
Notons à ce propos que la coupe se déroule à un stade plus végétatif, avec des hauteurs d’herbe autour de 16 cm. « On pourrait presque parler d’herbe séchée en grange… Pour un foin classique, on coupe à un stade de développement plus tardif. Ici, c’est comme de l’herbe de pâturage, avec des hauteurs moindres », ajoute la scientifique. « L’objectif est de leur faire manger de l’herbe comme si elles pâturaient en plein hiver », ajoute Pascal Laudelout qui travaille régulièrement avec des mélanges suisses sur ses prairies, plus adaptés au séchoir à foin.
Un bon élève sur le plan environnemental
Par ailleurs, outre ce premier objectif, le Cra-W devait établir un bilan global de l’exploitation, comprenant notamment ses émissions de gaz à effet de serre, ou encore son autonomie alimentaire, en s’appuyant sur la méthode Decide. Au final, en la comparant à d’autres fermes du même type (lait-herbe), celle des Queuwys est globalement un bon élève avec un bilan global de gaz à effet de serre plutôt favorable.
Avec 73 ha, dont la totalité en surface fourragère, cette ferme est autonome pour les fourrages. De plus, cette exploitation est équipée de panneaux photovoltaïques. Une énergie solaire permettant de répondre aux besoins du site et de son séchoir à foin, gros consommateur d’électricité.
Des taux cellulaires exceptionnellement bas
La ferme des Queuwys possède un troupeau de 88 bêtes (les vaches laitières et les génisses de remplacement). Pascal et Hélène ont privilégié la race Holstein-Pie Noir, avec quelques Normandes. Une partie de leur production, laquelle se chiffre en moyenne à 23 kg de lait par jour, est transformée en fromage, directement vendu à la ferme.
Il était donc important pour eux d’en savoir plus sur la qualité de leur lait. Grâce aux conclusions d’Inovéo et de Diversiferm, chargés de ce pan de l’étude, ils ont pu notamment apprendre que ce dernier est moins coagulant que la moyenne wallonne. « Toutefois ce facteur dépend en grande partie de la génétique et la ferme ne sélectionne pas pour ce critère étant donné la faible proportion de lait transformé sur place. Le volume est plus important pour garantir un revenu », indique le premier organisme.
Par contre, lorsque Pascal Laudelout avait parlé de la bonne santé de son élevage, il avait tout bon ! D’après Diversiferm, les taux cellulaires sont exceptionnellement bas. « Nous nous sommes interrogés sur ce résultat. Finalement, on voit que ceux-ci ont fortement été impactés par l’arrêt du maïs au profit du foin séché », ajoute Adélise Lefevre. Ce bon score a permis aux éleveurs de ne plus devoir réformer les vaches pour des problèmes de santé mammaire. La longévité de leurs animaux a augmenté : les vaches réalisent en moyenne 3 lactations contre 2 auparavant !
Autre avantage de ce système ? « La pratique du foin en grange permet de limiter le risque de contamination aux butyriques. Tout d’abord, il n’y a pas de phénomène de fermentation, comme dans l’ensilage. Puis, l’herbe atteint un certain taux de matière sèche, et donc la terre n’adhère plus facilement au fourrage », commente la spécialiste de Diversiferm. Ainsi, les défauts de fabrication pour les fromages affinés sont rares et de faible gravité. Concernant la Listeria, même topo, ce fourrage diminue le risque de contamination et garantit la qualité sanitaire du lait.
Bref, en acceptant de passer leur établissement à la loupe, Pascal Laudelout et Hélène Decourty ont pu prendre de la hauteur concernant leurs pratiques et constater que finalement leur séchoir à foin était bel et bien à la hauteur de leurs attentes.