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Envolée des prix de la viande bovine: «Le rapport de force a changé», indique Benoît Cassart

Que l’on soit éleveur ou consommateur, impossible de l’ignorer : ces derniers temps, le prix de la viande bovine monte en flèche. Une augmentation, estimée à environ 2 €/kg, complètement inédite, qui redistribue les cartes dans la filière. Benoit Cassart, ancien secrétaire général de la Fédération du commerce de bétail et de viande, eurodéputé, mais aussi éleveur, nous apporte son regard sur cette situation, de ses causes à ses opportunités.

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Benoît Cassart, dans de nombreux médias, on peut lire que le contexte actuel fait suite à une pénurie de viande, due notamment aux maladies comme la FCO, qui ont frappé les élevages. Selon vous, est-ce la cause réelle ?

Si nous n’avons jamais connu une telle situation, dire que c’est, entre autres, à cause de la fièvre catarrhale ovine est complètement faux. Nous ne sommes pas encore dans la phase où l’on en paie les conséquences. La langue bleue a, certes, entraîné une diminution des naissances depuis environ 8 mois, mais le cycle de la viande bovine est très long. Les veaux sont abattus à 8 mois. Pour les taurillons, nous en ressentirons l’impact dans 20 mois à 2 ans, et pour les vaches, c’est dans 4 à 5 ans. Il est donc encore trop tôt pour que la langue bleue ait des conséquences sur les prix.

Il n’y a pas que la langue bleue dont on parle, puisque la rhinotrachéite infectieuse bovine est aussi pointée du doigt…

Par rapport à l’IBR, les abattages obligatoires vont seulement commencer, ce qui est, à mon sens, une folie furieuse, même s’il s’agit d’un autre débat. Dès lors, avec ces abattages, il y aura des animaux supplémentaires sur le marché… Par contre, si l’on résonne par rapport aux conséquences de cette maladie sur le long terme, cela entraînera à nouveau une diminution des cheptels.

Dès lors, selon vous, comment en sommes-nous arrivés à une telle hausse des prix ?

Aujourd’hui, nous sommes à un point de basculement. D’une part, l’augmentation de la demande mondiale est globalement estimée à 1 % par an, tandis que, d’autre part, nous faisons face à une diminution de l’offre, généralisée partout en Europe. La production européenne recule chaque année de 1 à 2 %. Et ce n’est pas à cause des maladies, mais suite à la baisse structurelle des élevages. Pourtant, les gens continuent à consommer de la viande. Cette consommation de viande bovine est d’ailleurs assez stable. Néanmoins, il faut y ajouter d’autres facteurs, comme l’accroissement de la population mondiale : il y a 220.000 personnes à nourrir en plus chaque jour sur la planète. Puis, certains pays ont connu une croissance économique qui a amené leurs habitants à manger de plus en plus de viande. Face à cela, rien qu’en Belgique, les troupeaux diminuent de 1 à 3 % chaque année. En trente ans, nous sommes passés de trois millions de bovins belges à deux millions…

Cette augmentation était alors à prévoir ?

J’ai suivi pendant presque trente ans le commerce de bétail à la semaine près… Cela fait au moins dix ans que j’écris chaque année dans mon catalogue que les prix allaient redevenir bons. Selon moi, les perspectives étaient favorables et le rapport de force entre le consommateur et le producteur allait s’inverser. Pendant des années, ce dernier en a pris plein la figure, devant faire face à de nouveaux coûts et à une marge bénéficiaire de plus en plus étriquée. Néanmoins, ce basculement a mis du temps à arriver. Aujourd’hui, nous y sommes ! Il y a une inversion entre l’offre et la demande.

Vous dites que le rapport de force a changé… Est-ce que l’éleveur se trouve, à présent, dans une position plus favorable ?

En tout cas, en trente ans, je n’ai jamais connu une situation où c’est le producteur qui devient le chef de la négociation ! À présent, il peut faire jouer la concurrence entre différents clients potentiels, alors que pendant très longtemps, il devait se contenter de ce qu’on lui donnait.

Et est-ce que cette situation va perdurer ?

La croissance de la production ne va pas survenir du jour au lendemain. Donc, l’offre restera encore inférieure à la demande. Par contre, la grande inconnue, c’est la réaction des consommateurs confrontés à cette hausse de prix. Certains pourraient s’orienter vers des viandes de porc ou de volaille, nettement moins chères, même si leurs prix sont également en augmentation. D’autres, qui mangeaient de la viande bovine une à deux fois par semaine, pourraient n’en consommer qu’une fois tous les quinze jours, parce que leur ticket de boucherie devient trop élevé. À partir de là, la demande diminuerait, et, par conséquent, les prix aussi. Il y a également d’autres éléments, notamment géopolitiques, qui peuvent entrer en compte. Néanmoins, si en ce moment on se trouve dans une espèce d’euphorie où, chaque semaine, les prix sont en hausse, je ne pense pas que les arbres montent au ciel. Il y a des limites à tout. À un moment donné, le prix du produit final pour le consommateur va devenir trop élevé par rapport à d’autres viandes, comme justement celle de porc ou de volaille.

Est-ce que vous constatez des grosses différences entre les viandes issues des bovins laitiers et des bovins viandeux ?

Oui, et c’est une autre évolution importante. Si l’on regarde de près les chiffres, on constate que ce qui a le plus augmenté, c’est la viande bovine ordinaire, c’est-à-dire celle issue des vaches laitières. Ce n’est pas la viande de Blanc Bleu Belge, de Blonde d’Aquitaine… car la forte pression des consommateurs se concentre sur les bas morceaux, comme les hamburgers. Aujourd’hui, les bonnes bêtes tournent autour de 8 €/kg. Oui, c’est énorme. Néanmoins, si l’on compare avec une Holstein, qui est à 6 €/kg, la viande de vache cularde, une fois découpée dans l’assiette, revient parfois moins cher que celle de la laitière. Cela s’explique par son plus important rendement carcasse et par une proportion plus élevée de pièces nobles.

Si plusieurs inconnues subsistent, comme la réaction des consommateurs, il n’empêche que pour les éleveurs, ce que nous vivons aujourd’hui est une bouffée d’oxygène, n’est-ce pas ?

Oui, toutefois, il ne faut pas oublier que, depuis de nombreuses années, les prix des intrants ont explosé. On peut prendre l’exemple criant de l’essor des coûts avec le matériel agricole et des prix de réparation. Aujourd’hui, si l’on va avec son tracteur dans un garage, on a peur d’ouvrir l’enveloppe lorsque la facture arrive. Tout a augmenté, et ce depuis longtemps. Le problème, c’est que durant de nombreuses années, le prix du bétail n’a pas suivi l’inflation. Évidemment, il y a eu un découragement et un manque de rentabilité de la filière. Lorsque les éleveurs arrêtent de produire de la viande bovine, les prix augmentent… Quand j’étais gamin, dans les années 80, mon père a repris des animaux à 100.000 francs belges. Et 100.000 francs belges à l’époque, ça valait bien plus que 2.500 € aujourd’hui. Avant, on savait s’acheter une petite voiture avec 3.000 €. Donc, si on vendait une belle vache, on avait une auto. Actuellement, ce n’est, bien entendu, plus possible. Donc oui, c’est une bonne nouvelle, mais il faut relativiser. Ce n’est pas parce que les prix des bêtes ont fortement progressé que la rentabilité est énorme. Puis, il ne faut pas oublier que l’impact de la FCO avec le déclin des naissances va également se faire ressentir.

Pour Benoît Cassart, la grande inconnue reste la réaction des consommateurs face à la montée des prix.
Pour Benoît Cassart, la grande inconnue reste la réaction des consommateurs face à la montée des prix. - M-F.V.

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