Plan Altibiotique : réduire les besoins en antibiotiques par l’adaptation de la conduite d’élevage

Pierre Herman est éleveur à Anthisnes. S’il a rejoint le projet Altibiotique, c’est parce qu’il s’inquiétait du nombre de veaux qui tombaient malades sur son exploitation. « On devait soigner des veaux tous les jours, et je ne trouve pas ça normal. », raconte-t-il. « Je me suis demandé s’il n’y avait pas des améliorations générales, et pas nécessairement sanitaires, à apporter. J’ai donc contacté l’Arsia pour programmer une visite dans mon exploitation. »

François Claine, responsable du projet, contextualise : « Ce qui est inédit par rapport aux autres offres de formation, en plus de la gratuité et de la personnalisation du programme, c’est que tout se fait sur base volontaire. C’est à l’éleveur de faire les démarches en premier. Le gros avantage qu’on en tire, c’est qu’il y a évidemment une motivation certaine. Ce n’est pas juste une formation quelconque à laquelle on assiste de manière passive. Les gens qui s’y intéressent sont particulièrement à l’écoute et prêts à agir concrètement. En sachant que les actions peuvent être très variées : il peut s’agir d’apporter des améliorations dans l’alimentation, la gestion d’ambiance des bâtiments ou le management des veaux, par exemple. »

Le conseiller François Claine et l’éleveur Pierre Herman sont tous deux satisfaits des conséquences positives dues aux adaptations réalisées.
Le conseiller François Claine et l’éleveur Pierre Herman sont tous deux satisfaits des conséquences positives dues aux adaptations réalisées. - J.D.

L’idée première est de diminuer les quantités d’antibiotiques ou au moins de les utiliser de manière plus efficiente. « Le principe est que si on gère mieux le milieu dans lequel vivent les animaux, on réduit la prévalence des maladies, donc on administre moins de médicaments. La volonté n’a jamais été de dire « stop » aux antibiotiques, mais bien de réduire la pression infectieuse par une modification de la conduite d’élevage. Cette réduction entraîne forcément une baisse de l’utilisation de substances antimicrobiennes, mais le raisonnement est exactement le même pour les vermifuges et autres. Actuellement, on réduit le nombre d’antibiotiques autorisés. Cette diminution de l’arsenal de défense, réalisée à juste titre, amène à une réflexion plus poussée sur l’augmentation de la prévention. »

Une visite suivie de son rapport

Chaque visite est organisée en présence du vétérinaire de l’exploitation, qui présente la situation initiale du point de vue zootechnique. « Beaucoup de gens passent en ferme : des nutritionnistes, des commerciaux de boîtes pharmaceutiques… Chacun amène ses conseils, et ceux-ci ne vont pas toujours dans le même sens, voire parfois s’opposent, ce n’est donc pas au meilleur profit de l’éleveur. En plus, le vétérinaire n’est pas toujours tenu au courant et se retrouve exclu malgré lui. »

« Durant toutes les visites organisées dans le cadre du projet, il nous semblait indispensable que le vétérinaire soit présent aux côtés de l’exploitant, c’est lui qui peut conseiller le producteur au quotidien, lui qui a connaissance des indicateurs zootechniques et sanitaires, lui qui reviendra régulièrement et assistera à l’évolution des actions menées. »

Un grand intérêt de ces visites est donc qu’elles se font en présence de toutes les personnes concernées, et sous l’égide de la neutralité. Chaque visite est ainsi clôturée par la remise d’un rapport à l’exploitant et au vétérinaire, dans lequel sont proposés des conseils que l’éleveur peut décider de suivre ou non.

Étant donné la situation dans laquelle se trouvait Pierre Herman, la visite organisée chez lui s’est principalement intéressée au logement des veaux et à l’ambiance des différents bâtiments dans lesquels se trouvent les animaux.

Une ambiance améliorable

« Nous avons fait le tour de l’ensemble des bâtiments, en observant ce qui était déjà mis en place et en réfléchissant à ce qui pouvait être adapté et proposé pour mieux maîtriser l’ambiance. Les aspects « ventilation » et « logement » ont ici été particulièrement développés, dans le but de réduire au maximum les afflictions comme les problèmes respiratoires. On visait également à mieux gérer la température et l’humidité pour éviter que la litière ne devienne un nid à microbes. »

Si les veaux doivent être bien protégés du froid, il ne faut pas les priver de ventilation. Les géotextiles sont dans ce cas un excellent compromis.
Si les veaux doivent être bien protégés du froid, il ne faut pas les priver de ventilation. Les géotextiles sont dans ce cas un excellent compromis. - J.D.

« Les éleveurs qui font face à des problèmes récurrents de gale et qui observent un manque de réponse au traitement doivent souvent regarder du côté de la température et de l’humidité. », approfondit François Claine. « Cela peut aussi être intéressant de faire le point de manière globale, avec l’objectif de proposer des mesures logistiquement et financièrement tenables. Conseiller de détruire et de reconstruire une nouvelle étable, ça n’apporte rien de constructif. La meilleure des solutions, c’est celle qui est efficace, réalisable logistiquement et financièrement. Parfois, de petites améliorations peuvent donner des résultats satisfaisants, et la correction effectuée sera suffisante pour régler un problème. »

De manière générale, pour optimiser l’ambiance au sein des bâtiments, une ventilation latérale et un effet de cheminée sont recherchés, ce qui permet un renouvellement et une élimination de l’air vicié. Idéalement, les bâtiments doivent donc être construits perpendiculairement aux vents les plus violents. Dans la réalité, ce n’est bien sûr pas toujours le cas, et cela peut être impossible à cause de contraintes de terrain.

Entre protection et ventilation

« Le grenier à balles qui fait obstacle à la ventilation est un souci régulièrement rencontré. On réalise des tests aux fumigènes pour évaluer la qualité de renouvellement de l’air et les zones problématiques comme ce genre d’obstacle. L’air chaud produit par les animaux stagne en dessous du grenier, et la concentration en ammoniac augmente, ce qui peut surtout causer des dommages aux veaux. On a tendance à les confiner fortement car il y a une crainte, justifiée et bien réelle, de les voir affaiblis par les retombées froides. Mais un veau de 24h, pour autant que son démarrage se soit bien déroulé et que la tenue d’élevage soit correcte, peut se satisfaire de températures relativement basses, sans exagérer bien entendu, car son immunité le lui permet. »

« Il faut donc placer, au-dessus des loges à veaux, quelque chose qui permet le confinement et la ventilation. », conseille François Claine. « Les géotextiles sont une très bonne solution à ce niveau-là car leurs microperforations laissent un chemin d’évacuation pour la vapeur d’eau émise par les animaux, tout en faisant obstacle au froid. Quand c’est un grenier qui se trouve au-dessus des loges, il faut essayer, s’il y a la place, d’espacer les piles pour permettre un passage de l’air. »

Dans le cas de l’élevage d’Anthisnes, les veaux étaient particulièrement prédisposés aux infections respiratoires dans un certain bâtiment, car les portes ouvertes des deux côtés engendraient de gros courants d’air et des retombées froides étaient présentes aux ouvertures latérales. Le conseil apporté dans ce cas était donc simplement de fermer du côté le plus froid, au nord, et de revoir la conception des ouvertures en façade. Mais la saisonnalité engendre des différences. En effet, en été il est important de laisser justement ouvert pour baisser la température.

Des conseils personnalisés

« C’est le travers des conseils théoriques que certains aiment donner. Chaque cas est unique, chaque exploitation a ses particularités et il est donc important de visiter sur place pour prodiguer les meilleurs conseils. En plus de cette adaptabilité, cela ne sert à rien de rendre un rapport de visite avec une multitude d’éléments à modifier. Il vaut mieux cibler les quelques points prioritaires et avancer étape par étape pour ne pas décourager les éleveurs. »

« On essaye aussi de profiter des différences entre les bâtiments et de faire des choix intelligents. Par exemple, si une étable est plus froide et plus ouverte aux vents, on va y placer des animaux plus âgés qui sont moins sensibles. »

Autre zone, autre problème : il faisait trop chaud au niveau d’un logement pour les veaux. « Il n’est pas normal de pouvoir se balader en t-shirt dans une étable en hiver, cela signifie clairement un manque d’aération néfaste aux animaux. En aménageant un peu, on a libéré de l’espace pour améliorer la ventilation. En outre, en travaillant là-dessus on améliore la luminosité, ce qui a des effets très positifs et assainissant sur la santé des animaux. »

Pierre Herman a également fait le choix des niches pour les premières semaines de quelques veaux. « C’est un investissement assez coûteux, mais ça s’avère rentable quand c’est envisagé à moyen et long terme. Il y a une réflexion à avoir sur l’emplacement et le positionnement des niches. L’objectif est d’optimiser la luminosité tout en évitant que les veaux ne se retrouvent face au vent. Il faut aussi que, logistiquement parlant, ce soit simple pour l’éleveur de nourrir ses bêtes. Si les veaux sont placés mufle à mufle, ça n’apporte que des problèmes supplémentaires, et si c’est trop contraignant pour l’exploitant, ça perd de son intérêt. Encore une fois, le conseil doit être adapté au cas par cas, donc parfois les niches feront face à un mur pour empêcher que le veau ne reçoive que de l’air froid. »

L’emplacement et le positionnement des niches doit faire l’objet  d’une réflexion pour optimiser la luminosité tout en évitant  que le veau ne reste continuellement dans l’air froid.
L’emplacement et le positionnement des niches doit faire l’objet d’une réflexion pour optimiser la luminosité tout en évitant que le veau ne reste continuellement dans l’air froid. - J.D.

Une réflexion générale toujours nécessaire

Si quelques adaptations des bâtiments peuvent apporter des améliorations évidentes, il faut avoir une réflexion générale. Les veaux ont des besoins d’ambiance différents par rapport aux adultes. « Tous les éléments d’un système d’élevage sont connectés : on peut avoir la meilleure étable, s’il y a des soucis au niveau de l’alimentation ou du paillage, si on laisse les animaux dans une litière humide, les problèmes resteront. Les boosters d’immunité et autres substances préventives ont leur intérêt, mais quel en est l’impact financier si le reste est mal géré ? »

« Chaque modification entraîne l’élevage dans une spirale positive. Quand on rencontre des personnes motivées et à l’écoute, qui appliquent déjà une bonne conduite mais veulent encore s’améliorer, c’est d’autant plus agréable de travailler. »

La satisfaction que ces conseils soient appliqués et que cela s’avère payant est en tout cas bien présente du côté de l’éleveur et de celui du conseiller. « Évidemment, on doit encore parfois soigner des veaux », explique Pierre Herman. « Mais auparavant, c’était le cas tous les jours, et c’était également une grosse charge financière. Les investissements réalisés me paraissent donc déjà rentables. »

Et François Claine de conclure : « Le risque zéro n’existe pas, il y aura toujours des animaux malades. Maintenant, il faut rester attentif sur le long terme pour voir si d’autres d’adaptations sont à réaliser, et voir si les résultats positifs persistent dans le temps et dans des conditions plus difficiles. Cela permettra également de tirer des conclusions générales et de constater s’il y a une réduction effective des frais sanitaires. »

Le plan Altibiotique de l’Arsia: pari gagnant et gagné!

Il y a bientôt un an, l’Association Régionale de Santé et d’Identification Animales (Arsia) propulsait sur le devant de la scène son plan « Altibiotique » visant à sensibiliser et former le secteur de l’élevage bovin à l’utilisation raisonnée des antibiotiques dans un contexte de lutte contre l’antibiorésistance. Douze mois plus tard, l’heure est au bilan. Satisfaisant, certes, mais l’Arsia ne compte pas en rester là.

 

  Le fruit d’une collaboration

« Altibiotique », c’est, avant toute autre chose, l’histoire d’un engagement commun entre les représentants des secteurs de l’élevage et la profession vétérinaire. Association Wallonne de l’Élevage, Comité du Lait, Fédération Wallonne de l’Agriculture et Union Professionnelle Vétérinaire se sont ainsi associés à l’Arsia pour mettre sur pied ce réel outil d’information et d’accompagnement au service de nos éleveurs pour qui l’inquiétude va croissant en matière de résistance bactérienne aux traitements antibiotiques.

 

  Un objectif clair

« Moins, mieux, autrement » pourrait être la devise du plan Altibiotique : réduire l’utilisation de substances antimicrobiennes, raisonner leur emploi et réfléchir à d’autres moyens d’améliorer la santé de nos troupeaux. Sur base d’un constat historiquement établi que le germe n’est rien face à l’étonnant et implacable impact des conditions d’environnement, le projet a clairement défini sa route : agir sur le milieu dans lequel évolue l’animal pour réduire l’incidence des pathologies en élevage. Et par voie de conséquence, qui dit moins d’animaux malades, dit aussi moindre consommation d’antibiotiques.

 

  Une offre d’information et de formation inédite

Aux éleveurs, nous avons proposé gratuitement des séances d’information, des sessions d’étude, des visites en exploitation qui répondaient à leurs besoins, à leurs souhaits car tous ne subissent pas les mêmes contraintes infectieuses et surtout parce qu’il n’existe pas de discours à valeur universelle mais autant de conseils adaptés à chaque situation rencontrée. La force d’un conseil ne réside-t-elle pas dans son individualisation ? La qualité d’un conseil ne se trouve-t-elle pas dans son adaptabilité logistique, financière… ?

Les thématiques traitées ont été extrêmement variées car évoquer la gestion de l’environnement vous balaie de la gestion de ventilation de l’étable jusqu’au transfert d’immunité colostrale en passant par les procédures de nettoyage et désinfection de bâtiments.

 

  Des chiffres et le regard porté vers l’horizon

Dispersés aux quatre coins de la Région Wallonne, vous avez été près de 450 éleveuses et éleveurs à participer à une ou plusieurs de nos activités de formation, que ce soit dans le cadre d’une réunion de régionale ou de comice comme à titre plus individuel dans votre salon ou dans votre étable. Nous vous remercions toutes et tous pour la confiance que vous nous avez témoignée.

Aujourd’hui, nous souhaitons poursuivre cet élan et continuer de répondre à vos attentes. Voilà pourquoi l’Arsia a décidé de perpétuer son engagement auprès des éleveurs : nous restons ainsi à votre entière disposition pour l’organisation de toute activité de formation (séance d’études, visite d’élevage) ayant trait à la gestion sanitaire préventive de votre troupeau. Contactez-nous pour en savoir plus !

Pour l’équipe Arsia,

Dr Vet. François Claine

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