Située non loin de la villa Mageroy, un vestige de villa gallo romaine, la Ferme du même nom abrite une exploitation bovine « faite main » en 1979 par la famille Sizaire.
Une prédisposition laitière
« J’ai repris la ferme en 1996 », explique Jean-Marc. « À l’époque, le quota laitier n’était que de 150.000 l de lait trait à partir de Holstein et de Blanc-bleu mixtes. N’ayant envie que de la spéculation laitière, j’ai laissé les Blanc-bleu à mon père. »
L’exploitation est alors scindée en deux mais père et fils se partagent les mêmes bâtiments.
À la remise aux normes en 2007, ils réunissent les vieux bâtiments par une structure centrale de manière à avoir toutes les stabulations sous le même toit. « Nous sommes pour la simplicité, le plus gros des travaux a été réalisé par nos soins ! »
La partie laitière a donc grandi lentement par coup de petites quantités de lait achetées au fond des quotas.
« Après une longue période de réflexion, je me suis rendu en 2009 dans le Jura pour acheter 15 Montbéliardes. Considérée comme vache mixte, elle m’a permis d’activer la prime vache allaitante. J’ai été vite charmé par sa production. »
Il y retourne d’ailleurs l’année suivante pour en acquérir quatre autres.
« En 2012, mon père arrête l’élevage, ce qui me pousse à acheter 21 génisses pleines en France. Les étables étant vides, j’ai voulu les remplir trop vite sans faire attention à la valeur génétique des animaux. Une belle erreur de jugement ! D’autant que je préfère avoir une vache en lait plutôt qu’une génisse pleine… »
Seul sur l’exploitation, le recours à des apprentis et un aidant pour la traite du soir induit des coûts, sans compter la salle de traite qui commence à vieillir… « La traite n’était pas de bonne qualité, d’où des problèmes de taux cellulaire élevé dans le lait. »
Fin 2015 s’entame alors une petite révolution sur l’exploitation : le passage à 2 robots de traite ! Et contrairement à ce que l’on peut penser, les problèmes liés à la traite se sont envolés. « De 400.000 cellules, on est tombé sous la barre des 200.000 en moyenne sur l’année. Ce qui montre bien que l’ancienne salle de traite et mes pratiques n’étaient pas adaptées au troupeau ! »
L’implantation des robots est très judicieuse. Elle permet une très bonne circulation des vaches par le biais de portes de tri. Le système est totalement libre, la traite… facilitée…
Viser une certaine autonomie fourragère
Il en vient ensuite aux cultures : « La ferme est à 420 m d’altitude et s’étend sur 110 ha dont 25 ha de prairies temporaires et 75 ha de prairies permanentes. » Les 10 derniers hectares sont affectés à la culture de maïs. Il y a encore quelques années, les Sizaire en cultivaient encore pourtant le double !
« Les réflexions autour de l’autonomie fourragère ont fait leur chemin… nous nous sommes essayés à la luzerne, mais sans grand succès ! J’en suis donc revenu aux semis traditionnels (mélange de ray-grass, trèfle, fétuque), des mélanges avec lesquels l’exploitation a toujours eu de bons rendements. »
Lors de l’installation du robot, les animaux sont restés à l’intérieur. L’intégralité des prairies a pu être fauchée. « L’hiver suivant, on n’a donc soigné nos bêtes qu’avec de l’ensilage d’herbe et les données sont relativement bonnes… malgré tous les changements opérés dans l’élevage. »
Jean-Marc est un adepte du pâturage. « Les vaches peuvent sortir dès que le sol est portant ! Et même s’il n'y a rien à manger au pré, elles ne sont pas loin de l’étable. On a constaté que c’était meilleur pour leur santé et elles ne produisent ni plus, ni moins ! »
Des soins rapides
Et pour la rat
Notons encore qu’un suivi de fécondité est réalisé toutes les 5 à 6 semaines, ce qui a contribué a faire avancer le troupeau. « On insémine tôt et on essaie de détecter les anomalies le plus tôt possible.
Pour 2016, l’exploitation Sizaire compte 154 vêlages. L’objectif est d’avoir 130 laitières aux robots tout au long de l’année. « On en a donc toujours une vingtaine en tarissement. »
Des débouchés… chez le boucher !
Lorsque l’on se penche sur les données de son cheptel, l’on remarque que les effectifs par rangs de lactation et par race son sensiblement identiques. Toutefois on sent que le cœur de l’éleveur penche pour la plus rustique. Il n’est donc pas à exclure de voir le rapport Holstein/Montbéliard s’inverser d’ici 10 à 15 ans !
Autre particularité : le prix de vente des animaux. Si l’on en croit le tableau 1, le prix de vente est clairement à l’avantage de la vache à deux fins. « J’ai un créneau qui me permet de vendre une vache toutes les six semaines en direct à l’abattoir chez un chevilleur. Il y a un intermédiaire en moins, elle est donc mieux valorisée mais il faut pouvoir vendre une jeune primipare, de type viandeuse bien soignée… Elle doit pouvoir traîner longtemps dans le troupeau ! Mais tant qu’elle donne ses 15 litres par jour, elle est rentable », souligne l’éleveur.
Les résultats par race
Jean-Marc s’attarde ensuite sur les informations enregistrées au robot pour son cheptel (tableau 2). Si les pie noire ont, sans surprise, une meilleure production journalière moyenne que les rustiques (26,53 l contre 23,41 l), on s’aperçoit que les croisées cartonnent avec 28,73 l.
Autre donnée intéressante, la durée de traite. « On pense souvent que les Montbéliardes sont longues à traire mais au robot il n’en est rien ! Le temps est quasi identique à celui des noires.
En ce qui concerne les matières grasse et protéique, les taux sont meilleurs d’un point chez la française, ce qui induit une meilleure valorisation du lait.
Les données du contrôle laitier (tableau 3) viennent confirmer celles des robots. Mais elles ont l’avantage de montrer la production viagère par vache, un critère important pour la rentabilité d’un élevage. S’il est de 15.404 l pour la race Holstein, elle est de 23.107 l pour la Montbéliarde.
« Cette dernière a une meilleure longévité. Le taux de renouvellement n’est pas le même. En moyenne, les rouges font toutes un veau en plus. Et diverses études tendent à le prouver. Dans les troupeaux mixtes, les vaches à deux fins ont généralement une, voire deux, lactation en plus que la pie noire. Économiquement, on amortit donc la phase d’élevage sur une lactation supplémentaire. »
Quant aux taux cellulaires dans le lait, il est moindre chez la Française. Le taux cellulaire moyen des « noires » est de 348.000 pour 250.000 chez les « rouges. ». « Au niveau mammite, on perçoit clairement une différence au niveau de l’élevage. La Montbéliarde est rarement touchée par le problème, même au robot…
Mais l’éleveur ne privilégie pas une race plus que l’autre pour autant. « Il y a des bonnes et des mauvaises dans chaque race… C’est à l’éleveur d’opérer un important travail de sélection ! »
Beurre, yaourts, fromages blancs, à Habay-la-Vieille, la Ferme de Mageroy est connue depuis 20 ans pour ses produits laitiers. Les parents de Jean-Marc écoulent encore quelque 2 % de la production en vente directe, l’occasion pour eux de proposer aux clients d’autres produits locaux.
S’ils sont en train d’arrêter ce type de production, l’éleveur espère que l’un de ses enfants pourra reprendre ce créneau ! « C’est un travail qui valorise bien la production… Si mon fils venait à reprendre une partie de la ferme, quelle orientation choisir ? Agrandir le troupeau et investir dans un troisième robot ? Je ne crois pas que cela soit la meilleure solution ! Les superficies deviennent chères et travailler avec un cheptel supplémentaire ne nous garantit pas un meilleur revenu ! »
Il conclut : « On va laisser les choses se faire ! On ne veut rien imposer à nos enfants, la demande doit venir d’eux ! »