Les conseils du Carah pour la fertilisation en pommes de terre
Comme chaque année, le Carah vous explique les grands principes de fertilisation en pommes de terre, afin de garantir un bon démarrage de la culture et surtout d’optimiser au maximum les rendements attendus.

Il est important de bien prendre connaissance de l’état de base de chacune de ses terres afin d’apporter le bon dosage d’engrais au bon moment. Il est, en effet, fortement conseillé d’effectuer des prélèvements régulièrement au fil des ans à des fins d’analyses qui vous fourniront les informations nécessaires à une bonne fertilisation.
Les besoins de la culture
Les besoins de la culture sont liés aux objectifs de rendement. Ceux-ci sont en corrélation avec la variété, les conditions climatiques, la structure du sol et les critères qualitatifs attendus. Il faut veiller à apporter tous les éléments minéraux nécessaires à la croissance et au développement de la culture (tableau 01).
Attention, une surfertilisation peut poser de nombreux problèmes lors de la culture ou sur la qualité des tubercules. L’objectif de rendement visé doit donc tenir compte du potentiel de la variété, mais également du sol. Le choix de variétés avec un potentiel de rendement élevé ne doit pas aller de pair avec une exagération de la fumure.
La fumure azotée, l’excès est préjudiciable
Pour la culture de la pomme de terre, un léger manque d’azote est nettement moins préjudiciable qu’un excès : tenons en compte lors du calcul. D’une saison à l’autre, les reliquats azotés seront variables. Ci-après, nous faisons le point sur les reliquats azotés de l’automne 2023. L’apport en fumure azotée peut être calculé par la méthode du bilan.
Les besoins en azote sont fournis partiellement par la minéralisation de l’humus du sol et des résidus du précédent, par les reliquats disponibles au printemps, par les engrais verts et par les apports organiques (engrais de ferme). La fumure doit donc représenter l’écart entre les besoins de la culture et les fournitures d’azote par le sol. La richesse en azote des différentes matières organiques peut être fort variable et il est souvent risqué de se baser uniquement sur des valeurs moyennes d’équivalence minérale. Pour affiner ce calcul, il est très intéressant de procéder à l’analyse des matières organiques produites dans l’exploitation.
La méthode du bilan, si elle se base sur des données moyennes, ne sera pas le reflet exact de votre exploitation. Une analyse de sol et plus particulièrement du profil azoté sur les horizons 0-30 et 30-60 cm vous permettra d’obtenir des données précises sur la richesse du sol qui personnaliseront et optimiseront le conseil de fertilisation. Ces analyses seront indispensables pour les parcelles aux itinéraires techniques particuliers ou pour les terres de location. Les demandes d’analyses peuvent s’effectuer soit au laboratoire de pédologie du Carah (068/264. 690.) soit par internet sur le portail Requacarto à l’adresse http://requacarto.cra.wallonie.be/. Toutefois, ne tardez plus à faire vos demandes (prendre en compte le délai entre la demande et la réception de l’analyse) pour obtenir vos résultats d’analyse avant plantation.
La fumure azotée de base s’applique généralement sous forme de solution azotée, d’engrais composé ou de nitrate d’ammoniaque sous forme solide. En cas d’utilisation d’engrais solide, on appliquera ceux-ci avant la plantation pour une bonne répartition dans la butte.
Le fractionnement de la fumure azotée
Le fractionnement de la fumure azotée est également possible, avec une première fraction d’environ 70 % de l’apport minéral conseillé avant la plantation. La deuxième fraction sera appliquée en post-émergence. Cette technique a pour but d’éviter une surfertilisation et permet de fournir l’azote pendant la croissance de la culture, au moment où elle en a le plus besoin.
Généralement, la dose à appliquer lors du deuxième apport est déterminée par une analyse au chlorophyllomètre ; cette technique nécessite de laisser une fenêtre sans azote dans une zone homogène de la parcelle. Pour information, ce service de suivi est accessible via le laboratoire de pédologie du Carah. De nouvelles méthodes technologiques permettent aussi de déterminer les manquements en azote sur certaines zones de la parcelle via des images aériennes prises par drone. Des sociétés spécialisées permettent ce genre d’inventions.
Pour éviter les zones non fertilisées
Quid des reliquats azotés ?
Les données de reliquats azotés en pommes de terre pour l’année 2024 ne sont pas encore disponibles. Cependant, le tableau 02 donne un aperçu des reliquats enregistrés lors de la campagne APL d’automne 2023.
Si vous avez une question concernant les nouvelles normes APL, les analyses ou les conseils de fumure, n’hésitez pas à contacter le laboratoire du Carah (068/26 46 90 ou info@carah.be). Dans tous les cas, ne perdez pas de vue que rien ne vaut une analyse et un conseil à parcelle !
L’azote potentiellement lessivable (APL)
La fumure phospho-potassique, à ne pas négliger
La pomme de terre est une culture exigeante en phosphore et en potassium, ces éléments ne sont pas à négliger !
Le raisonnement de la fumure potassique est essentiel pour toutes les variétés, mais revêt un caractère particulier pour celles dont les teneurs en matière sèche sont élevées. Une bonne alimentation en potasse améliore la qualité des tubercules (abaissement de la teneur en sucres réducteurs et de la sensibilité au brunissement enzymatique) et réduit leur sensibilité aux endommagements (noircissement interne en particulier).
Il existe deux grandes formes d’apport en potasse :
Il existe également d’autres types d’apports de potasse : engrais composés, vinasses, engrais organiques (effluents, compost, etc.).
Les besoins en phosphore sont importants, il joue en effet un rôle dans l’enracinement, la teneur en amidon et donc la matière sèche. Il est mis à disposition par le sol sous forme de phosphore assimilable, et ce en fonction du pH et de l’activité biologique du sol. Cet élément est d’autant plus important que la variété tubérise peu.
Les fumures phosphorique et potassique se calculent sur base d’une analyse pédologique classique. En l’absence d’analyse, vous pouvez évaluer vos apports sur base des besoins de la culture en vous référant au tableau 01, et sur la teneur en P2O5 et K2O des effluents d’élevage repris dans le tableau 03.
Un excès peut conduire la plante à une surconsommation.
Magnésium, zinc, manganèse et bore dès le début de la croissance
Les apports foliaires de magnésium sont souvent bénéfiques dans les sols faiblement pourvus ou dans le cas d’apports potassiques importants. Il est nécessaire de toujours respecter un rapport K/Mg d’environ 3/1). Le zinc, le manganèse et le bore perdent de leur disponibilité lorsque le pH est élevé. Dans ce cas, les apports foliaires, dès le début de la croissance, se justifient.
Ces quatre éléments interviennent dans l’élaboration de la masse foliaire et ont un impact ultérieur sur la qualité de la tubérisation. Ils doivent être disponibles dès le début de la croissance pour jouer pleinement leur rôle.
En ce qui concerne les éléments peu mobiles (Mn, Zn, S, B), il faut veiller à ce qu’ils soient disponibles dès les premiers jours de la croissance foliaire, la translocation dans la plante étant faible à nulle.
Les nouveautés en fertilisation et réduction de l’apport « classique »
Depuis ces dernières années, de nombreuses solutions fertilisantes sont disponibles sur le marché. Selon le produit – biofertilisants, formulations spécifiques, organismes vivants entrants en symbiose avec la plante – une réduction d’apport d’azote de manière dite « classique » est envisageable. En effet, ces formulations ou ces relations entre êtres vivants (plante-biostimulants) permettent de garantir un rendement équivalent tout en réduisant les unités d’azote apportées avant plantation. Certaines relations entre la plante et son symbiote (bactéries spécifiques ou champignons) permettent de valoriser l’azote de l’air ou l’azote difficilement exploitable dans le sol. Certains organismes jouent même un rôle dans la captation d’autres éléments comme le phosphore difficilement exploitables par la plante si elle était seule. De plus, ces organismes jouent souvent un rôle de stabilisation vis-à-vis des stress environnementaux comme les périodes de sécheresse ou de fortes chaleurs. N’hésitez pas à vous renseigner sur ces nouveautés afin de trouver une solution adéquate à chacune de vos parcelles.
Benjamin Couvreur, Carah asbl